Alex Mélis

Alex Mélis
Alex Mélis, avril 1980 © DR

AU DÉBUT

Quels sont tes premiers émois musicaux et/ou graphiques ?
Quels souvenirs en gardes-tu ?
Alex Mon tout premier émoi phonographique, c’est « Sgt Pepper’s Lonely Hearts Club Band» des Beatles que j’écoutais au casque religieusement dès mes 8 ans. Je découvrais plein de choses en même temps : la musique pop, la langue anglaise, le mode de fonctionnement d’un électrophone… La profusion de personnages, de détails sur la pochette, m’a complètement fasciné. J’ai passé des heures à essayer de déchiffrer cette pochette, à essayer de trouver un sens à ces textes et ces images… La richesse visuelle me semblait constituer un écho naturel à celle de la musique. C’était (et demeure) un disque-monde, suggérant une grande variété de paysages, de situations et d’émotions. J’adorais aussi la planche cartonnée avec les accessoires à découper (moustache, galons, badge…) insérée dans la pochette…

Plus tard, j’ai acheté mes premiers disques et ils avaient, eux aussi, tous un univers graphique fort (Depeche Mode et les incroyables photos de Brian Griffin, les travaux de Peter Saville pour Joy Division et New Order, ceux de Vaughan Oliver pour Cocteau Twins, les pochettes des disques des Smiths).

Mon tout premier émoi phonographique, c’est « Sgt Pepper’s Lonely Hearts Club Band » des Beatles que j’écoutais au casque religieusement dès mes 8 ans.”

Quand on assiste régulièrement à des concerts, on comprend rapidement que l’expérience dépasse largement le musical pour englober tout un tas de paramètres : L’attitude des musiciens, leurs tenues, leurs instruments, leur humeur du jour, celles du public, le cadre, la qualité de la sonorisation, celle des éclairages scéniques, la place qu’on s’est dégoté dans la salle, la compagnie (ou pas) des amis, la qualité et le prix de la bière…
Il me semble qu’il en va de même pour le disque : la pochette fait partie intégrante de l’expérience du disque, au même titre que l’endroit où on l’achète, celui où on l’écoute, les gens à qui on le prête, etc… La particularité, c’est que c’est un paramètre sur lequel les musiciens ont (ou devraient avoir) le contrôle.

Y a t’il des liens entre ta sensibilité graphique et ta passion pour la musique ?
Alex Oui, c’est évident. Il m’est arrivé plus d’une fois d’acheter un disque sur la foi de sa pochette, et j’ai, à vrai dire, été très rarement déçu.

It's Immaterial "Life's Hard And Then You Die"

J’ai une anecdote à ce sujet : je me suis offert mon premier CD bien avant d’avoir accès à un lecteur qui m’aurait permis de le lire. Ça en dit long sur mon rapport à l’objet disque. C’était « Life is hard and then you die » du groupe anglais It’s Immaterial. Je l’avais acheté parce que tout m’intriguait dans ce disque : le nom du groupe, le titre de l’album, le design graphique de la pochette avec sa tête de clown énigmatique. Le CD contenait un livret avec les paroles des chansons. J’ai dû écouter le disque pour la première fois plus d’un an après son acquisition mais j’en connaissais déjà quasiment les textes par cœur…Je n’en avais jamais entendu la moindre note auparavant mais je savais que ça me plairait. Ce fut le cas.

” La pochette fait partie intégrante de l’expérience du disque, au même titre que l’endroit où on l’achète, celui où on l’écoute, les gens à qui on le prête, etc… .”

Je suis très sensible au soin et à l’exigence qu’on peut mettre dans la conception comme dans la réception de ces signes. Je peux être rebuté avec la même intensité par un crénage mal réglé que par un son de caisse claire disgracieux. A l’inverse, une belle typo utilisée avec finesse peut me donner envie à elle seule de feuilleter un bouquin ou écouter un disque. A ce titre, le boulot de Reid Miles, notamment pour les disques du label Blue Note, constitue pour moi une sorte de mètre-étalon de l’élégance.

Pauvre Glenda, 45 tours vinyle 5objet Disque) / Artwork Rémy Poncet
Pauvre Glenda, 45 tours vinyle (Objet Disque) / Artwork © Rémy Poncet

J’ai cru comprendre que tu avais un intérêt particulier pour la typographie…
Alex — Je n’ai pas de culture graphique académique ou de compétences avérées en graphisme mais j’ai développé une fascination croissante pour la typographie. Je passe des plombes sur des sites comme Fontsinuse. J’ai même composé et enregistré (avec mon ami Stu Kidd) une chanson qui s’appelle « Bodoni » pour mon projet musical Pauvre Glenda ; une chanson d’amour à propos de typographie et de calligraphie ! J’ai réalisé que la pop music et la typographie avaient énormément en commun en ce sens que l’une et l’autre sont partout dans nos quotidiens, qu’on peut difficilement y échapper et qu’ils ont tous deux un impact plus ou moins subliminal mais très important dans le paysage émotionnel et esthétique de chacun.

GRAPHISME ET MUSIQUE

Que penses-tu du « retour » en force du vinyle face à la dématérialisation de la musique et de sa distribution ?
Alex — J’ai grandi en achetant du vinyle. J’ai donc une tendresse un peu irrationnelle pour ce format, où le support graphique occupait matériellement une place importante. Mais je n’aime pas du tout l’idée que le disque soit un produit de luxe. Je n’aime ces objets que dans la mesure où ils demeurent accessibles. Je suis très attaché à l’idée que la pop permet d’enchanter ou réenchanter le quotidien du plus grand nombre et que le design (graphique ou autre) puisse jouer le même rôle. Je ne suis donc pas friand des coffrets collector qui coûtent un bras, des éditions limitées qui cultivent l’idée du luxe et de la démonstration de richesse. C’est un truc qui me met mal à l’aise. Du coup, les vinyles qui coûtent deux ou trois fois le prix du CD, c’est sans moi. Pour moi, le plus intéressant, c’est justement de parvenir à faire de belles choses avec une certaine économie de moyens. De nombreux éditeurs de bouquins et labels de disque font ça très bien.

ARTWORK

En tant que « discophage » et que musicien, quelle importance accordes-tu à une pochette de disque ?
Doit-elle être une véritable réflexion sur la mise en images de la musique où une démarche purement artistique et/ou graphique ? 
Alex
— C’est une question passionnante. J’ai peur de la redondance. J’ai tendance à craindre qu’en cherchant à mettre en image la musique, on prive l’auditeur d’une part de liberté imaginative. J’ai tendance à penser que l’idéal est que la pochette propose un contenu artistique additionnel, singulier et séduisant, qui dise quelque chose de la musique sans la dévoiler complètement, sans en restreindre la portée. Aussi, je pense que graphistes et musiciens doivent avoir une bonne connaissance de leurs travaux respectifs et une vraie complicité si on veut que le résultat soit réussi et ait du sens.

J’ai tendance à penser que l’idéal est que la pochette propose un contenu artistique additionnel, singulier et séduisant, qui dise quelque chose de la musique sans la dévoiler complètement…

Un musicien, un groupe ou un label doivent-il avoir un univers visuel et graphique qui leur est propre ?
Alex Je ne crois pas que ça doive constituer une règle. Parmi les groupes que j’aime, il y en a qui ont opté pour une continuité graphique inflexible (je pense à Talk Talk, à Passion Fodder ou à Penguin Café Orchestra, pour n’en citer que trois) et d’autres où les pochettes se sont succédées sans se ressembler, mais en maintenant un niveau d’exigence singulier sur la question graphique (New Order, par exemple, où le seul fil rouge, finalement, c’est que la pochette va être « arty » d’une façon ou d’une autre). D’autres groupes voient l’univers graphique de leurs disques évoluer davantage que leur style musical.
Tant que le design graphique et la musique se répondent, je crois que tout doit être permis. A l’échelle d’un label, c’est tentant, comme ça a pu être fait avec Blue Note, ou plus récemment avec Sacred Bones et sa charte graphique en frontal, d’apposer une sorte de « sceau » graphique, parce que ça valorise la cohérence du label et que ça favorise l’esprit de collection, dont certains fans de musique sont friands. Mais ça à tendance à écraser un peu la personnalité artistique des groupes, je trouve….

Sacred Bones Records vs Peter Saville (Factory Records)
Artworks © Sacred Bones Records / Artworks © Peter Saville pour New Order (Factory Records)

” Tant que le design graphique et la musique se répondent, je crois que tout doit être permis.

HALL OF FAME

Quels sont les productions actuelles qui attirent ton attention en terme de graphisme ?
AlexJe suis de près les travaux de Rémy Poncet (a.k.a. Chevalrex), que ce soit pour son propre label ou d’autres. Egalement les travaux de Pascal Blua (je ne crois pas trop au hasard des rencontres… et je le devine partant pour fonder avec moi une Amicale du Bodoni !),

© Artworks Catapulte Records / Pascal Blua / Jo Anatole / Rémy Poncet
© Artworks by Catapulte Records / Pascal Blua / Jo Anatole / Rémy Poncet

J’ai aussi beaucoup aimé les visuels très sobres qu’a produits Jo Anatole pour les récentes productions de Rémi Parson. J’adore aussi le label Catapulte Records et ses superbes pochettes exotiques et colorées. C’est marrant parce qu’en faisant le point pour répondre à cette question, je me suis rendu compte de l’incroyablement faible nombre de belles pochettes qui sont produites chaque année, au regard de la quantité de disques qui sortent…

Ton Top 5 des plus belles pochettes ?

Eric DOLPHY – Out To Lunch (Blue Note / Design de Reid Miles)
Un exemple parmi des centaines du genie de Reid Miles. Cette pochette est un point cardinal pour moi.

SPARKS – Propaganda
Faire le choix du portrait photographique d’un groupe pour la pochette d’un disque s’avère souvent l’une des idées les plus convenues et les moins stimulantes qui soit. Sauf si le groupe est aussi puissant visuellement que Sparks et qu’il s’amuse à se mettre en scène dans des situations improbables.

THE STYLE COUNCIL – Our Favourite Shop
A dire vrai, je ne suis pas fan de toutes les chansons de ce disque mais j’adore sa pochette, qui propose un inventaire incroyablement excitant des objets préférés du duo. Ça préfigure bien la série des « Essentiels » de ce site ! Des années avant Pinterest, et d’une façon aussi élégante qu’astucieuse, le Style Council proposait sur cette pochette un « moodboard » qui ressemble aussi au départ d’un jeu de pistes… Avec la photo en bichromie alliée à une typo efficace, on n’est pas loin non plus de l’esprit des pochettes des Smiths, auquel je suis viscéralement attaché…

HAROLD BUDD & COCTEAU TWINS – The Moon and the melodies (4AD)
Sans doute pas le meilleur disque de ses protagonistes, mais la pochette est splendide. Je n’ai toujours pas compris ce que représentait l’image (sans doute la vue au microscope d’un textile ?) mais c’est justement cette abstraction et ce mystère qui rendent ce visuel intemporel.

WILCO – A Ghost Is Born (Design par Peter Buchanan-Smith)
Comme un pendant symétrique au fourmillement de « Sgt Peppers » ou de « Our Favourite Shop », il y a la splendide épure de quelques pochettes qui ont fait le choix du minimalisme. Celle-ci m’a particulièrement marqué. Pas juste la « front cover » mais aussi tout le reste du design, évidemment (les photos du nid, de la coquille ouverte, etc.).

Alex Mélis
Février 2022


Plus d’informations sur Pauvre Glenda :
objetdisque.bandcamp.com/album/pauvre-glenda
facebook.com/pauvreglenda

Jean-Michel Dufour

LES ESSENTIELS DE JEAN-MICHEL DUFOUR

Mes essentiels concernent principalement la musique, la lecture et la peinture mais certaines expériences, endroits ou paysages sont également sources d’inspiration ou de plaisirs simples.

Mais entrons directement dans le vif du sujet !

Côté musique, deux groupes, pourtant assez différents, ont bercé ma jeunesse et continuent toujours de m’accompagner. Les points qui pourraient toutefois les relier sont un leader charismatique et l’absence (malheureusement) de succès auprès du grand public. Mais disons le direct, j’ai toujours eu tendance à tomber fan de groupes ou d’artistes assez confidentiels…

Coté pop hexagonale, Lili Drop reste le groupe qui m’a le plus marqué tant par le talent d’Olive que par l’originalité de ses textes et de sa musique. J’ai eu la chance de les voir plusieurs fois en concert (Casino de Paris, Olympia, Point FMR, …) mais mes plus beaux souvenirs resteront l’interview que j’ai faite du groupe backstage lors d’un concert à Clichy  et le fait d’avoir pu jouer sur mon propre piano le morceau « Paulo », extrait de l’album N, après avoir fait la demande de la partition à l’éditeur Clouseau Musiques. Pour illustrer Lili Drop, j’ai choisi comme objet essentiel la merveilleuse biographie du Groupe intitulée «Le soleil noir du rock français » rédigée par Jean François Jacq, livre truffé d’anecdotes et de souvenirs et toujours à portée de mains et d’yeux pour des relectures enthousiasmantes et émues !

De l’autre côté de la Manche, j’avais jeté mon dévolu sur un groupe pop emmené par un chanteur excentrique mais oh combien doué, j’ai nommé le Jazz Butcher aka Pat Fish ! Tout m’attirait dans ce groupe, la musique et ses mélodies pop à souhait, les paroles des chansons parfois loufoques et les pochettes de disques tellement originales ! Et quand Pat pouvait entonner quelques tubes en français (la mer, notamment), j’étais aux anges ! J’ai vu ce groupe une dizaine de fois en concert, et mon souvenir le plus marquant restera ces improbables concerts solos dans la cave du Troupeau, bar aujourd’hui disparu du 14ème arrondissement de Paris. Je me rappelle l’affiche bricolée à la main et cet escalier étroit menant à la cave du bar ou Pat y avait notamment interprété « Lost in France », micro tube parmi tant d’autres ! Maintenant, je me déplace à Londres pour voir jouer Pat et son groupe, à mon plus grand plaisir, dans l’attente d’une date parisienne que je n’ose plus espérer… mon essentiel reste le CD/LP « Fishcotheque » dédicacé par Pat himself !

Pour conclure sur la musique, j’évoquerai également Chet Baker, sa voix et sa trompette. Je ne compte plus les CD et LP de Chet que j’ai achetés et il ne se passe pas une année sans que je ne me procure telle ou telle réédition. Restera gravé ces deux soirées au New Morning peu de temps avant la catastrophe d’Amsterdam ; je me revois dans la rue des Petites Ecuries m’approcher d’un Chet tenant sur un fil et pouvoir échanger quelques mots avec lui. J’ai toujours préféré les disques live en jazz, et c’est pour cela que j’ai choisi « Memories, Chet Baker in Tokyo », calme et plénitude assurés.

S’agissant de peinture, je fonctionne plutôt au feeling, n’y connais pas grand chose et apprécie tout particulièrement l’art moderne. Mon artiste préféré est Jean Michel Basquiat. J’avais déjà pu apprécier ses œuvres dans des expositions à Paris et une fois au Musée de Brooklyn, mais je me rappellerai très longtemps d’un court séjour à Rome. En effet, en se baladant nous avions découvert dans les rues une petite affiche de Basquiat annonçant à priori une expo de l’artiste. Après plus d’une heure et demie de marche, nous étions arrivés dans un vieux quartier et devant la Chiostro del Bramante, qui accueillait donc cette expo, pas anodine, puisque plus de 100 pièces étaient exposées dans ce lieu atypique, si beau et si calme. Cerise sur le gâteau, seuls quelques touristes avaient pris le temps de s’y arrêter pour apprécier en toute quiétude ces formidables ouvres d’art. J’ai choisi comme essentiel le catalogue de l’exposition « JM Basquiat – New York City » ainsi que le flyer de l’expo.

Côté paysages et grands espaces, mon essentiel se trouve dans le Finistère Sud, le tout dans un petit périmètre avec grande ouverture sur l’océan, je cite la Pointe de Sainte Marine et son Phare. Je suis tombé amoureux de ce site grâce à mon épouse, originaire de ce havre de paix. Je m’y rends souvent à pieds ou en vélo, en famille ou seul. J’aime m’assoir sur un banc et regarder la mer et les bateaux qui prennent la direction des Iles Glénan. J’ai du prendre le phare des milliers de fois en photo mais les objets que j’ai choisis sont une photo encadrée et une petite maquette que j’ai achetées et que je conserve soigneusement.

Last but not least, j’ai également un faible pour les lampes, les montres et les horloges. Pas grand-chose d’autre à en dire sauf qu’aucune de mes montres et horloges n’est à l’heure et qu’elles avancent toutes d’environ 10 minutes. Petite anecdote, l’abat jour de la lampe retenue sur la photo est en voile de bateau recyclée.

Jean-Michel Dufour
Septembre 2018

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David McTague

LES ESSENTIELS DE DAVID MCTAGUE

1. Record & Guitar.
A record.  A guitar.  Music.  Magic. They’re here to symbolise music as an integral part of my life.

2. Bag.
My mobile office. I carry this pretty much everywhere, and it certainly contains a few essentials. This particular specimen is a few years old now, and hails from Marrakech.

3. Flat cap.
I call it my flat cap but I think it’s technically a ‘newsboy’. It’s brown corduroy and I wear it a lot.

4. Ashtray.
This is something I’ve just had for ages. Pretty much since leaving my parents house, so it’s symbolic of that I guess.  Time has moved on, people have moved on and places have moved on… and this ashtray has been along for the ride. I still use it now and again.

5. Mellowtone flyers.
I had to include them here as I’m always carrying them, and leaving a trail around. In this digital age I think it’s really important that we still retain some tangibles, so we never stopped printing our flyers. We use lots of different illustrators, but always monochrome artwork.

6. Ring.
Many years ago I tried on a ring, that was owned by my girlfriend at the time. A slender, square, silver ring; one that fitted my little finger perfectly.  And I didn’t take it off.  It was really thin and broke a few years later, so I had it copied using silver from a ring from the Oman my parents had given me. I wear it every day. If for any reason I don’t have it on it feels very strange…

7. Pencil.
I like to write in pencil.

8. Diary.
I like to have an old paper diary.

9. Computer & Phone.
I guess these days they speak for themselves as essentials.

10. Notebook.
An essential for anyone who wants to get anything done, in my opinion.


David McTague
July 2017


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mellowtonerecords.com

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Jean-Charles Dufeu

LES ESSENTIELS DE JEAN-CHARLES DUFEU

Au départ, il y a eu malentendu. J’ai par erreur cru me souvenir que la série s’appelait les Indispensables… avant de réaliser que ça n’avait rien à voir. Les Essentiels. Fichtre. Qu’est-ce qui est essentiel ? Est-ce que l’indispensable est essentiel ? Pas sûr. En relisant les consignes et en y réfléchissant un peu, puis beaucoup, j’ai fini par mettre de côté la discographie de Dylan, le beurre salé et autres choses indispensables de la vie, pour essayer de revenir à ce qui, au fin fond du fond, devait faire partie intégrante de moi, me définir de façon indiscutable. Tout simplement.
Pas facile comme boulot. Merci Pascal.
Mais j’ai finalement trouvé ça…

La page blanche

Aussi loin que remontent mes souvenirs, il y a eu une page blanche dans ma vie. Enfant, elle occupait un petit coin fuyant de mon imagination. Adolescent, elle s’est matérialisée devant moi, je l’ai même en partie recouverte. Depuis, elle ne m’a jamais quitté, comme une présence quotidienne, elle habite l’antichambre de ma conscience, et je serais tenté de dire qu’elle est ce qui m’est le plus essentiel.

La page blanche ce n’est pas le vide, ni le manque, ni l’absence. C’est le jaillissement à venir, le désir de quelque chose, le préliminaire de l’inspiration. C’est la projection de ce que la création pourrait faire de meilleur. C’est une émanation aléatoire, une goutte d’essence, de soi. C’est finalement ce que chacun veut y voir. C’est un substrat de vous-même ; un reflet fidèle de ce qui vous est essentiel.

La page blanche, c’est l’intention pure, c’est le fantasme de l’oeuvre parfaite, c’est la fulgurance d’un art qui n’a pas été corrompu par sa réalisation. C’est la cohabitation d’un passé et d’un futur, la passerelle entre soi et autrui. C’est la confrontation avec l’intime, le révélateur d’une âme, l’émanation d’un idéal enfoui. C’est “un discours aux asticots” aussi futile à la postérité qu’absolument essentiel.

C’est un dessin à concevoir.
Des mots à écrire.
Le début d’un roman.
La fin d’un poème.
Un bout de partition.
Du travail en devenir.
Essentiel donc.

Jean-Charles Dufeu
Juillet 2017

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www.microcultures.fr
www.facebook.com/jeancharles.dufeu

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Emmanuel Delaplanche

LES ESSENTIELS D’EMMANUEL DELAPLANCHE

Comme ces ingrédients d’une vie bonne que l’on se souhaite à chaque nouvel an ?
Des essentiels tout aussi “invisibles pour les yeux” que ceux du renard de Saint-Exupéry ? Dès lors, comment des objets seraient-ils capables de les représenter ? D’en fixer les infinies variations : celles du bonheur, de l’amour, de la réussite ; celles du corps sain, vivant, mourant ; celles de l’allégresse, de la jouissance, de l’accomplissement.

***

L’essentiel est la vie, donc ce sont les gens.
Les artistes le disent, mes proches le prouvent, mes contemporains capitaux me le montrent : l’essentiel, c’est la vie. La vie, ce sont les gens.

***

Sur un de ses disques, un de ceux du retour après des années de silence, d’anonymat, d’oubli, d’invisibilité, Bill Fay offre une somptueuse chanson qui porte le titre Cosmic Concerto (Life is people) :

Like my old dad said,
Life is people, life is people
In the space of a human face,
There’s infinite variation
It’s a cosmic concerto, and it stirs my soul

***

Les gens sont mon essentiel. Les variations de leurs visages, le produit de leurs esprits. Ceux avec qui je partage mon quotidien : ma famille. Ceux à l’autre bout de la rue, de l’objectif, de l’ordinateur, de la radio. Les gens derrière les livres, les disques, les spectacles. Sur et derrière les scènes, dans et devant les représentations. Les gens en face, à mes côtés, les gens autour du monde, amis, passants, voyageurs. Ou ceux qui ne bougent plus, privés de liberté et de mouvement.

***

Sur la photo, une clef wifi car, comme tout le reste ici, elle me porte vers les gens, leurs musiques, leurs écrits, leurs images, leurs visages, leurs pensées : leurs vies. Les autres biais techniques importent peu. Les supports aussi. Un livre parmi d’autres cependant, essentiel parmi les essentiels, Le Bavard de Louis-René des Forêts.

Un appareil photo pour le regard que je porte aux gens. Et des photos : proches (ici ma mère, mon filleul) ou musiciens (ici Kimya Dawson).

Une radio, que j’écoute abondamment. Mais j’aurais pu aussi faire apparaître le micro dans lequel je parle chaque semaine sous le pseudonyme de Tremolo aux gens d’Evreux et d’ailleurs.

Un ukulélé pour faire figurer la musique que je joue, parfois compose, et qu’il a pu m’arriver d’offrir en concert.

Une craie pour tableau noir. Celle que quotidiennement j’utilise pour faire comprendre le primordial plus que l’essentiel, pour expliquer, pour apprendre.

Toutes choses que je possède parce qu’elles sont intermédiaires entre la vie et moi.

Emmanuel Delaplanche
Juillet 2017

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Peter von Poehl

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LES ESSENTIELS DE PETER VON POEHL

Mon album s’intitule Sympathetic Magic, comme “magie noire”. Voici la définition de magie noire donnée par Wikipedia. “Dans la magie noire, un fétiche (par exemple une poupée vaudou) peut être utilisé pour créer une connexion entre une personne et un objet, mais peut aussi acquérir des pouvoirs spéciaux si on le relie à un saint, un dieu ou toute autre personne vénérée. Les mediums ou les voyants utilisent régulièrement un objet ayant appartenu à une personne disparue dans l’intention d’entrer un contact avec elle pendant la séance.”  Cette définition me semble en lien avec le principe des Essentiels. Voici donc mes objets.

Orgue Bergman
J’ai commencé à écrire les onze chansons de Sympathetic Magic après avoir sauvé ma collection de vieux claviers qui allait finir à la décharge. Des synthétiseurs bon marché et des orgues électroniques qui prenaient la poussière dans le grenier de mes parents depuis mon adolescence se sont alors retrouvés dans un tout petit studio d’enregistrement dans le centre de Paris. J’ai longtemps pensé qu’il était difficile d’écrire des chansons sur des synthétiseurs avec tous ces boutons et ces possibilités infinies. Mais comme une madeleine de Proust, ces vieux instruments m’ont parlé comme une voix du passé, et malgré leur son qui n’a rien d’élégant, ils ont résonné comme une langue que je comprenais soudain.

Le lièvre aux yeux d’ambre
J’ai récemment lu ce superbe roman écrit par l’auteur et poète Edmund de Waal. Le livre retrace l’histoire de la famille de l’auteur, entre Odessa, Paris et Vienne à travers les aventures d’une collection de sculptures miniatures japonaises, les seuls objets appartenant à sa famille que les Nazis ne parvinrent pas à aryaniser après leur prise de pouvoir en 1938. Je n’ai pour ma part pas un esprit collectionneur et j’ai, jusqu’à présent, mené une vie beaucoup trop nomade pour conserver autre chose que le strict minimum. Mais quand je regarde l’histoire de ma propre famille, je constate que la valeur des objets les plus simples dépasse largement leur usage quotidien, et je vois comment ils peuvent ressusciter le passé.

Vélo pliant Brompton
À mes yeux, le vélo est le moyen de transport idéal. Je dirais même que le vélo, en tant que construction, est le seul objet — plus qu’un instrument de musique ou du matériel d’enregistrement — sur lequel je peux fantasmer. Cette œuvre particulièrement réussie de l’ingénierie britannique est mon fidèle ami depuis plus de dix ans. Ce vélo m’a emmené à tant d’endroits que j’en ai forcément oublié certains. J’avais même fait construire un flight case à un moment pour pouvoir l’emmener en tournée.

Harlequin, de Charlotte von Poehl
Ma sœur m’a gentiment prêté une de ses œuvres pour trois de mes quatre pochettes d’albums. Je suis, comme vous pouvez l’imaginer, fan de son travail. On dit qu’il ne faut pas juger un livre à sa couverture, mais je crois pouvoir affirmer que sur chacun de mes disques, l’œuvre en couverture a d’une manière ou d’une autre inspiré le contenu musical.

Cordon d’un pass backstage japonais
Je m’en sers toujours en porte-clefs. Plutôt par habitude que pour son aspect pratique ou ses vertus esthétiques. Il n’y a pas très longtemps, j’ai croisé un des membres de Phoenix, qui avait joué à ce même festival cette année-là. Curieusement, il avait gardé le même pass backstage pour s’en servir de la même façon.

Râpe à parmesan
Une des questions qu’on me pose souvent c’est comment et quand j’écris une chanson. Pour moi la composition est rarement un processus avec un début et une fin bien définis. Ce sont des bouts et des morceaux qui s’assemblent de façon plutôt mystérieuse comme dans un puzzle. La composition de The Story of the Impossible était quelque peu particulière : j’habitais à l’époque dans un grand appartement à Berlin, dans le quartier de Kreuzberg, où j’avais aussi mon studio d’enregistrement. Une nuit, après une bonne assiette de penne all’arrabbiata faits maison (une recette de pâtes pour laquelle je suis plutôt doué), j’ai trouvé la partie de guitare autour de laquelle s’articule la chanson et les paroles ont suivi dans la foulée. J’ai enregistré jusqu’au petit matin ce qui était censé être une démo de la chanson mais qui a finalement terminé sur l’album. Mon ingénieur du son a joué la partie de flute et l’organiste français Charlie O. a ajouté un peu de célesta, mais c’est tout.

Peter Von Poehl
Mai 2017

En collaboration avec

Article paru initialement dans le #204 de Magic RPM (mai/ juin 2017)
Photographies par Julien Bourgeois / Mille mercis à Vincent Théval et à Magic RPM.


Plus d’informations sur Peter von Poehl
www.facebook.com/petervonpoehl
www.petervonpoehl.com

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Nesles

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LES ESSENTIELS DE NESLES

Il y a sans doute autant d’essentiels que d’heures dans une vie.
Cette photo aurait pu être une autre.

J’aime le bordel. Ce qui bouge. Le mouvement.
C’est une sorte d’équilibre.
Trop d’organisation me rend cinglé.
Mais trop de foutoir m’étouffe. Plus d’air.Une photographie c’est d’abord un cadre, et j’ai horreur des cadres.

Ici bien sûr, il y a ce qui est montré, mais surtout ce qui est « hors-cadre », à côté, en-dessous, enfoui dans les couches, les sous-couches – pour peu qu’on ait envie d’y passer du temps.

Prendre de la hauteur c’est se libérer d’une finitude – en l’occurrence, de celle d’une photographie.
De l’air encore.

Livres, bibelots, disques, instruments, carnets, crayons, pinceaux, radio, gommes sont autant d’organismes vivants, incessamment découverts, touchés, caressés, parcourus, lus, relus, scrutés, trimballés, écoutés, aimés, choyés, utilisés, oubliés, repris. Des milliers de fois. Sans aucune lassitude. Ou parfois si. Et sans hiérarchie aucune.
C’est une succession de cycles, de priorités ou d’abandons qui cohabitent, se chevauchent, s’annulent ou se complètent.

Bonne balade.

Nesles
Février 2017

Plus d’informations sur Nesles
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nesles.bandcamp.com
waldenmusique.bandcamp.com

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Stefan Kassel

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LES ESSENTIELS DE STEFAN KASSEL (Marina Records)

If you look real close you can spot a tiny TINTIN figure (left to the MONKEES guitar).
Ahoy from Hamburg!

Stefan Kassel
Janvier 2017


Plus d’informations sur Stefan Kassel
www.stefankassel.com
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Florent Marchet

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LES ESSENTIELS DE  FLORENT MARCHET

Tabouret piano
J’ai toujours trouvé que la plupart des tabourets de piano étaient moches et inconfortables. Un jour, je suis tombé sur cet ottoman et je l’ai convaincu de devenir tabouret de piano. Sauf qu’il ne m’avait pas dit qu’il portait des roulettes. C’est assez étrange, on a l’impression que le piano est posé sur une patinoire.

Orgue Eminent Grand Théâtre
C’est en Allemagne que j’ai trouvé cet orgue mythique que l’on entend notamment sur de nombreuses musiques de François de Roubaix (à l’époque, en 2007, il était introuvable en France à l’époque, merci “Ebay monde”). Partis à 4 heures du matin de Paris avec un ami et un Marine américain (dont les bras faisaient le double de mes jambes), nous sommes arrivés à 13h10 dans ce petit village de Bavière, accueillis froidement par une petite vieille acariâtre qui nous a reproché d’avoir dix minutes de retard ! Autre mauvaise surprise, l’orgue se trouvait au deuxième étage. L’une des plus grandes souffrances physiques de toute ma vie. Je l’ai aimé si fort que mes bras s’en souviennent…

Lapin Rose
J’entre dans le Sexodrome à Pigalle avec l’intention d’y trouver un vibromasseur.
Le vendeur me demande d’être plus précis : “vaginal, anal, clitoridien ?”. J’explique mon projet : je veux créer des matières sonores en frottant l’objet vibrant sur les cordes de mon piano. Le type alors s’implique à fond, la demande étant peu banale. Après plusieurs démonstrations nous nous mettons d’accord sur un petit lapin rose parce qu’il a plusieurs vitesses et une fonction percussive. Au moment de payer.
Lui : “Vous ne serez pas déçu, en plus il est waterproof.”
Moi : “Vous savez, je mets rarement mon piano dans l’eau (au mieux sur une patinoire).”
Lui : “Je suis désolé, d’habitude c’est un argument de vente.”

Dessin Pierre La Police
Je suis fou de ce dessinateur timbré. Je vénère Les Mousquetaires de la Résurrection. Et pourtant, avec ma femme, c’est le seul terrain sur lequel on ne se retrouve pas. Les dessins de La Police l’angoissent. Par amour elle a accepté de voir trôner dans le salon ce dessin original (signé de la main du maitre) qui a servi pour la couverture du troisième tome de Véridique !

Monocorde de Poussot
J’ai toujours rêvé de savoir jouer du violon ou du violoncelle. Mais avant de pouvoir sortir un son potable il faut du temps et beaucoup de pratique. J’ai rêvé d’un instrument à cordes où les doigts ne seraient pas obligés de fabriquer les notes, comme c’est le cas pour le piano. J’en ai rêvé et en faisant des recherches, je me suis aperçu que cet instrument avait été inventé fin XIXe par Joseph Poussot. La main droite tient l’archet et la main gauche joue les notes sur le clavier. Le pied droit reproduit le vibrato. Il n’existe que très peu d’exemplaires (environ mille deux cents) pour la simple et bonne raison que Poussot s’est noyé dans la Meuse alors qu’il n’avait pas trente ans. Après des heures passées sur des forums consacrés aux instruments anciens, j’ai eu la chance d’en trouver un. En studio, je me prends parfois pour le Jordi Savall de la pop.

Harvest de Neil Young
J’aime bien réécouter ce vinyle original de Neil Young trouvé dans une boutique à Québec. En 2006, pendant l’enregistrement de mon deuxième album (Rio Baril), nous faisons souvent référence à Harvest. Avec mon camarade Erik Arnaud nous partons à Los Angeles pour le mixage de l’album. Le studio étant assez cher, on fait un effort sur l’hébergement : l’hôtel est donc sordide mais j’aime bien cette ambiance (disons les mots, c’est quasi un hôtel de passe). Allongés sur un lit étroit et carcéral, il est difficile de trouver le sommeil, tout jet-lagués que nous sommes. Alors à quatre heures du matin nous allumons machinalement la télé et tombons sur un concert de Neil Young. Le lendemain, j’arrive dans la cour du studio et je tombe sur un type un peu crasseux avec un chien qui l’est tout autant. Je le salue, le type prend son café. Sa tête me dit vraiment quelque chose. Je rassemble ma mémoire afin de savoir dans quel bar du Berry j’ai bien pu le croiser (même si c’est peu probable). J’arrive dans la cabine de mixage, l’ingé son me dit que notre voisin de studio aujourd’hui n’est autre que Neil Young. Je retourne dans la cour, Neil envolé, disparu ! Nous ne le reverrons pas de la journée. Nous nous consolerons en caressant son chien dans la cour et lui lançant la balle, c’est déjà ça.

Florent Marchet
Janvier 2017

En collaboration avec

Article paru initialement dans le #202 de Magic RPM (janvier/ février 2017)
Photographies par Julien Bourgeois / Mille mercis à Vincent Théval et à Magic RPM.


Plus d’informations sur Florent Marchet
www.facebook.com/florent.marchet

Le dernier album de Frère Animal, Second Tour est disponible chez PIAS LE LABEL

My essentials for Magic RPM by Florent Marchet
© Florent Marchet / All rights reserved / Reproduction prohibited without permission of the author

Christophe Lavergne

Christophe Lavergne / Photographie DR

AU DÉBUT

Quels sont tes premiers souvenirs musicaux et/ou (photo)graphiques ?  Quelle(s) image(s) en gardes-tu ?
Christophe J’ai grandi en parcourant, grâce à mon père qui était publiciste, la revue internationale Graphis (notamment les versions annuelles). Mais c’est l’esthétique punk, puis post punk, qui m’a beaucoup séduite par sa radicalité et son urgence. C’est le premier mouvement, pour ma génération, qui imbriquait la démarche graphique et musicale. (Bazooka, Manchester, Jamie Reid…). La profusion de singles qui sortaient à ce moment-là, provoquait une émulation, une envie de participer, bien que trop jeune pour cela.

“C’est l’esthétique punk, puis post punk, qui m’a beaucoup séduite par sa radicalité et son urgence”

Ya t’il des liens entre ton parcours graphique et ta passion pour la musique ? Est-ce une démarche volontaire ou le fruit du hasard des rencontres ?
ChristopheTrès rapidement, j’ai voulu m’exprimer en liant les deux disciplines. N’étant pas doué pour le solfège, il était préférable que j’aborde le graphisme en m’inspirant de la musique !
Mon frère musicien, ayant lui, créé le groupe « Les Freluquets », naturellement, j’ai commencé à élaborer les visuels associés, tout en apprenant les techniques aux Beaux-Arts.

GRAPHISME ET MUSIQUE

Certains mouvements musicaux ont accordés une place essentielle à l’image et au graphisme. Que penses-tu de cet aspect “visuel” de la musique ?
Christophe J’ai toujours adoré quand un label ou un mouvement développait une vision artistique globale. Factory, Postcards, plus tard Mowax m’ont beaucoup inspiré. ECM est un très bel exemple de direction artistique.

“Mon approche a toujours été de lier mes aspirations artistiques et l’univers des musiciens ou chanteur que l’on doit accompagner”

Collection d’affiches-hommages à des concerts légendaires (Exposition “Losing My Stage”, Bon Marché, Paris) © Restez Vivants !
Collection d’affiches-hommages à des concerts légendaires (Exposition “Losing My Stage”, Bon Marché, Paris) © Restez Vivants !

Que penses-tu du « retour » en force du vinyle face à la dématérialisation de la musique et de sa distribution ?
Christophe L’attrait du vinyl, pour le travail de gens comme moi, permet de sortir du format CD ou numérique, de soigner les détails, jouer sur plusieurs niveaux de lecture. La vente de vinyl reste quand même un marché de niche, mais poser un disque sur une platine est un geste qui amène une solennité, du recueillement que l’on ne trouve pas avec un iPhone par exemple.

 

ARTWORK

En tant que graphiste, quelle importance accordes-tu à une pochette de disque ? Permet-elle d’ajouter une “autre” dimension à la musique ?
Christophe J’accorde une grande importance à l’élaboration d’une pochette de disque. Mon approche a toujours été de lier mes aspirations artistiques et l’univers des musiciens ou chanteur que l’on doit accompagner, il s’agit de susciter la curiosité, d’informer sur ce que l’on va trouver derrière la pochette, le visuel étant comme une carte de visite pour pénétrer un univers !

Quelles sont tes attentes vis à vis du musicien ou du groupe avec lequel tu collabores sur une pochette ?
Christophe La concertation est importante, fixer un cadre pour s’exprimer, elle permet de savoir dans quelle direction aller, si l’on doit recourir à une prise de vue ou bien une illustration. Tous les cas sont particuliers, ainsi que les budgets. Le style musical détermine la tendance du projet. Quelquefois des artistes suggèrent des collaborateurs avec qui ils sont à l’aise, mais si nous pouvons maîtriser toutes les étapes de la création, c’est préférable, par souci d’homogénéité, ceci dit, quelquefois les accidents de parcours, comme des «photos ratées», peuvent amener de bonne surprises.

Artworks © Christophe Lavergne/Restez Vivants !
Artworks © Christophe Lavergne/Restez Vivants !

“Même une pochette qui a tout pour être hideuse peut avoir de l’impact. Car c’est la vision instantanée, émotionnelle qui prédomine le jugement”

Un musicien, un groupe ou un label doivent-il avoir un univers visuel et graphique qui leur est propre ?
Christophe Chaque artiste a un univers personnel, qui évolue selon ses centres d’intérêts, ses impulsions.
En ce qui concerne les labels, je préfère les maisons de disques avec une forte identité. C’est un gage de qualité pour les mélomanes, mais cela peut être réducteur car les pochettes peuvent devenir standardisées, et donc devenir associées à un seul style musical… La complexité est de rendre la nouvelle référence homogène par rapport aux précédentes signatures tout en gardant sa singularité.

Quels sont le ou les éléments (images, typographies, message…) qui font une bonne pochette ?
Christophe —
Il n’y a pas de règles esthétiques, chaque cas est particulier, cela peut être un effet graphique, ou bien un choix typographique, la combinaison de plusieurs choses, c’est une impression générale qui amène le spectateur a éprouver une sensation devant un visuel. Même une pochette qui a tout pour être hideuse peut avoir de l’impact. Car c’est la vision instantanée, émotionnelle qui prédomine le jugement.

HALL OF FAME

Ton Top 5 des plus belles pochettes ?
Television « Marquee Moon » 1977 / Stinky Toys « 2ème album » 1979 / Joy Division « Unknow Pleasures » 1979 / T Rex « Electric Warrior » 1971 / Kraftwerk « Autobahn » (1974)… sans ordre de préférence.

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Christophe Lavergne
Janvier 2017

Plus d’informations sur Christophe Lavergne / Restez Vivants ! :
www.restezvivants.com

www.facebook.com/restezvivants

Le clip video “Punk! Punk! Punk !” de Country Club est réalisé par Restez Vivants ! Il a été publié à l’occasion des 40 ans du mouvement Punk, et contient près de 200 pochettes de disques créées avant 1980, qui ont été revisitées en animation.