Marianne Vergé

My essentials for Stereographics © Marianne Vergé

LES ESSENTIELS DE MARIANNE VERGÉ

Du thé, mais pas n’importe lequel : boire plusieurs tasses de thé m’est absolument indispensable le matin. Mes préférés sont le Earl Grey que l’on trouve chez Mariage Frères, au Palais des Thés, chez Bacquié à Toulouse ou encore à la Maison Arostéguy à Biarritz. Sur la photo, c’est le “Wedding Imperial” de Mariage Frères, un thé noir avec un parfum subtil de chocolat et de caramel. Enveloppant et réconfortant..

J’ai découvert la bière “IPA” lors d’un récent séjour à NY et j’en suis devenue accro. Je ne bois pas de vin, alors mes amis (ceux qui me connaissent bien !) ont la gentillesse de me réserver une petite bouteille de bière lorsqu’ils m’invitent à dîner.

Ce poste de radio lecteur CD me suit depuis mes années étudiantes, l’époque des premiers CD. Je ne me résous pas à m’en séparer. Le son est très bon et il a un lecteur K7 au cas où je voudrais un jour ré écouter celles que je n’ai pas jetées. J’écoute beaucoup la radio. J’adore qu’on me raconte des anecdotes sur des groupes et des chanteurs, comme le fait Michka Assayas sur France Inter. J’ai écouté bien sûr Bernard Lenoir pendant des années, et plus récemment, feu l’émission de Vincent Théval “Label Pop”.

Je ne suis pas fétichiste mais cette boîte vidée de ses biscuits corses contient les billets de tous les concerts que j’ai vus. Le plus ancien, c’est Elton John en 1984, le dernier en date c’est Grandaddy, un de mes groupes préférés.
Entre les deux, j’ai gardé comme tout le monde des souvenirs impérissables, entre autres The Cure à Toulouse en 1985, House of Love à Lille en 1993, Dominique A + Divine Comedy à Strasbourg en 1994, Radiohead à Rock en Seine en 2006…

Deux disques m’ont particulièrement marquée : “Aladdin Sane” de Bowie découvert vers 11 / 12 ans, un peu avant la déferlante “Let’s dance”. Bowie, c’est une histoire familiale. Je me suis rendue compte des années plus tard que c’était également le cas chez plusieurs amis. Il a été à une époque une sorte de fil conducteur dans mes amitiés. Bref, une star qui pour beaucoup d’entre nous est mêlée à l’histoire intime.
“Psychocandy” de Jesus & Mary Chain a été un autre de ces disques importants, ceux qui marquent le passage à une autre période de la vie (j’aurais pu citer aussi un disque des Smiths). L’écouter me procure aujourd’hui autant de frissons que lorsque j’avais à 16 ans.

Une assiette pour illustrer le pays basque où j’aime de plus en plus me rendre, où la “douceur de vivre” n’est pas un cliché. Tout y est beau, doux et agréable : les villages, les paysages de mer et de montagne, la cuisine, la météo, ses habitants… Il y a aussi un très bon cinéma à Biarritz, le Royal.

Cette boîte de bonbons est décorée avec une affiche ancienne de Soulac-Sur-mer (33780), une jolie station balnéaire du Médoc – c’est aussi une commune qui a connu un petit essor économique fin XIX° / début XX° – qui m’évoque des souvenirs d’enfance et d’adolescence lumineux. Une partie de ma famille y est née, y a vécu ou y vit encore. Hélas, je n’ai plus trop d’occasions d’y aller..

Mon tapis de Yoga. Cette discipline est pour moi essentielle, je la pratique depuis une vingtaine d’années. Le Yoga compte parmi ses innombrables bénéfices celui d’éveiller les sens… voir ci-dessus.

Marianne Vergé
Avril 2017

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Jens Lekman (Live Report)

Jens Lekman / Photographie © Philippe Bertrand

Jens Lekman
Festival Clap Your Hands, Café de la Danse, Paris — 21 Avril 2017

Jamais je n’aurai cru voir un jour Jens Lekman sauter sur scène comme un lapin, dès l’introduction de l’une de ses chansons !

Depuis ses premiers EP et une fabuleuse soirée à Mains d’Oeuvres en 2006 (aux cotés de Richard Swift et de Bill Wells, soirée à jamais gravée dans mes beaux souvenirs), Jens Lekman occupe une place particulière dans mon coeur et, pour rien au monde, je ne le raterai sur scène, comme sur disque.

Ce soir, le concert est un cocktail de calyspo-pop, de nova-disco et de samba-bossa qui séduit, chavire et emporte le public.

Mais pas moi.

Heureusement, après une petite heure en groupe, Jens revient seul sur scène.
Seul avec sa guitare, avec ses fabuleuses chansons-cartes postales et son art de la narration sans pareil.

Je retrouve alors, entre trois accords et deux silences, un sourire plus grand que tous ces habillages sonores.

En fait, Jens Lekman n’a pas besoin d’artifices.
Il se suffit à lui même.

I come running with a heart on fire.


Pascal Blua


soundcloud.com/jens-lekman
jenslekman.com/postcards

Photographie © Philippe Bertrand

 

Nick Ellis

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LES ESSENTIELS DE NICK ELLIS

1. Guitar ‘The Swede’  – The is the essential item in my life. It gets played everyday and has been used at every gig i’ve played over the last 6 years. It has travelled thousands of miles with me. It’s strong, loud and never goes out of tune. I once hit someone over the head with it when they tried to steal it while I was busking, and afterwards, still, it stayed in tune. I picked this guitar up in Stockholm, Sweden one Summer when I was busking around Europe. The Swede is not just a guitar, it is a voice. Or, maybe it’s a weapon?
2. A blank page and a pen – With a simple pen and a blank page, the smallest seed of an idea can become an important work of art. Essential for any thinker.
3. Photograph of my Uncle, Gerrard Parker – This man was the catalyst and inspiration for the greatest journey I ever took: life.
4. Book ‘Journey to the end of the night’ by Celine – Louis- Ferdinand Celine was the pen name for Louis-Ferdinand Auguste Destouches, a French novelist. Not only is this novel one of the greatest stories put to paper, but it’s magic is in it’s style. It broke the mould in the 20th Century. The style of writing in this book paved the way for many other great writers. No Celine – no Kerouac, no Dylan, no 60’s.
5. Love ‘Forever Changes’ – I found this record in a bin when I was 16. I knew nothing about them, went home and put it on. Forever changed. It was the first ‘hippy’ record I ever saw that had both black and white people on. I liked that. They looked like serious fucking dudes. For me, it is the greatest album ever written. Beautiful arrangements, fantastic writing, timeless sounds. A cross between classical and folk. Poetry of youth. The soundtrack of lives lived. There is nothing else quite like it. These guys were so young when they made this, 19 or 20 and the subject matter that they write about asks such big questions for such young minds. There is magic in this record that no other album seems to possess. i’ve never heard anything as good, since.
6. The Rolling Stones ‘Sticky Fingers’ – I like to fuck to this record and so does every woman I’ve ever met. If you don’t believe me, try it.
7. An English Dictionary – A Dictionary is the only book you’ll ever need. It’s works in a very simple way. If you don’t know what something means, look up the word and there’s your answer. Any other research can develop from there. Essential for any writer, thinker or word-lover. To know words is to understand language, to understand language is to know how to communicate. And communication is the essential thread of life.

Nick Ellis
March 2017


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House of Wolves (Live Report)

House of Wolves / Photographie © Olivier Mahé

House of Wolves,
Silencio, Paris — 21 février 2017

« Ce soir, lorsque s’ouvre le lourd et silencieux rideau rouge, c’est en duo que l’on découvre House of Wolves.
À chaque bout de la scène, entre clarté et pénombre, les deux musiciens (Rey VIllalobos et Michael Kirts) se font face et s’enveloppent du regard.
Les délicates pulsations de la batterie rythment les accords de guitare, souvent à peine effleurés et habillent la douceur des mélodies, parfois juste murmurées.
La musique d’House of Wolves s’accorde parfaitement avec l’intimité du lieu et les grands espaces qu’elle ouvre dans notre imagination. Pas de fioritures, juste l’essentiel. »

Pascal Blua

Ce texte a été originellement publié dans un article de David Jégou pour Addict Culture
Merci à David et Olivier.


Photographie © Olivier Mahé
houseofwolvesmusic.com

Dave O’Grady

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LES ESSENTIELS DE DAVE O’GRADY (aka Seaform Green)

Gibson J45 – This is the guitar that I take everywhere, I use for every gig and is my dearest friend.
Hat – I found this hat in a lovely little shop in Amsterdam a couple years, as soon as I put it on..it was difficult to take off, so I kept it.
Headphones – No explanation necessary.
Drawing – This sketch is by Rich Robinson called ‘American Beauty’, it was very generous gift from him a few years ago. I think it is a perfect combination of beauty and ugliness.
1977 Fender Champ w/picture of myself and my mother – I got this amp for £100 on a used good website, I haven’t changed anything..it sounds killer!
Writing book w/ turquoise stone – I am always trying to take note of my thoughts, where better to take them down.
Polaroid Camera – I love this camera, It’s much more special when someone wants a photo with you and you can offer them a actual photo than a stupid selfie.
Howard Marks – Mr Nice was the first book I read for pleasure whilst working on a ship in the north sea one Christmas. A man who has led an incredibly exciting life.
Incense & Pipe – Well…its good to relax.
Oscar Wilde – His writing is humbling.
Scarf – I grew up in Dublin, Ireland. My first emotional experiences were watching St Patricks Athletic win and lose. It’s also where I learned to sing…”Oh when the Saints, go marching in, Oh..”
Vinyl (Eddie Harris) – I never collected anything, so now I collect vinyl…and Eddie Harris is wonderful musician, I was never into Jazz but he grabbed me.

Dave O’Grady
February 2017


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www.seafoamgreenband.com
mellowtonerecords.com

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Thomas Guerigen

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LES ESSENTIELS DE THOMAS GUERIGEN

Dark Crystal de Jim Henson : un de mes films fétiches, de par la technique employée de marionnettes filmées en direct.  J’espère un jour réussir à faire un long métrage avec cette même technique.

Jules Verne parce que j’aime son univers et qu’il m’a fait rêver. Je rêve d’adapter Vingt mille lieux sous les mers en animation.

Du coca zéro : ma boisson fétiche, je fais la tête quand il n’y en a pas dans un café et je suis capable d’apporter ma bouteille quand je suis invité…

Une visseuse Dewalt et un mètre Stanley, parce que j’aime bien bricoler et ce sont de bonnes marques pour ça.

Un moule, une spatule et le fouet de mon Kitchen Aid parce que j’aime faire de la pâtisserie, rien de bien élaboré mais ça me détend.

Gustave Doré, pour son œuvre mais surtout pour la composition des décors et la mise en scène dans ses gravures.

Mes clés, parce que c’est utile.

Un billet de concert, parce que j’y vais plusieurs fois par semaine.

Ma chemise fétiche bleu électrique qui commence à être un peu usée.

Et la marionnette de mon premier court-métrage Klonox.

 

Thomas Guerigen
Février 2017

 

PS: Ont été oubliés sur cette image :
– ma casquette car j’en porte toujours une mais là je l’avais justement sur la tête…
– mon MacBook avec lequel je fais tout dans ma vie.
– alors que la musique est une partie importante de ma vie, je n’ai pas mis de disques, d’albums ou de CDs car je n’ai plus rien pour les écouter.


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Guillaume Stankiewicz

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LES ESSENTIELS DE GUILLAUME STANKIEWICZ

Une Guitare acoustique Martin D1 gaucher. A part en concert et en répétition, je ne joue quasiment jamais de guitare électrique. Cette guitare est MON instrument, le seul que j’utilise quotidiennement, le seul dont je sache jouer correctement, et celui sur lequel je compose toutes mes chansons, mon véhicule en somme. Pour ceux qui ne connaissent pas, Martin est une des marques de guitares folk les plus réputées. Le folk c’est en quelque sorte la trame de ma musique, le fil conducteur qui court de manière plus ou moins évidente dans chaque chanson. C’est sans doute un peu naïf, mais pour moi, jouer sur une Martin, même s’il s’agit d’un modèle relativement bon marché, était un peu un moyen de m’arrimer à cette musique, de me légitimer comme songwriter d’une certaine manière… Et bien sûr, c’est la marque utilisée depuis toujours par Neil Young.

Deux disques vinyles, « Time fades away » et « On the beach » de Neil YoungCes deux albums ont une histoire un peu particulière : pour des raisons un peu obscures, Neil Young a longtemps refusé de les rééditer en cd ou vinyle. Pendant longtemps ils étaient très difficiles à trouver alors qu’ils forment avec “Tonight’s the night” une sorte de trilogie noire qui est ce qu’il a fait de mieux. Je les avais achetés dans une « foire au disque » il y a bien longtemps, bien avant le retour du vinyle. Je me souviens que j’étais très fier de mon achat, la musique devenait un truc vraiment sérieux pour moi, pas juste un truc d’ado qui passerait une fois atteint l’âge adulte comme pour la plupart des gens. Je m’engageais.

Un Synthé casiotone CT-605. Acheté 50 euros sur Le bon coin il y environ un an à un type assez étrange. Je m’en sers beaucoup sur mes derniers morceaux et en concert. Les sons sont un peu cheaps mais ils ont un certain cachet et puis il y a une touche « sustain » qui met une sorte de fondu général très utile quand comme moi on ne sait pas jouer du clavier !

Mon EP « Sans cesse et sans bruit ». Si j’ai inclus mon disque ici, ce n’est pas tant pour l’auto-promo (encore que…) que pour l’illustration qui figure sur la pochette. Elle est l’œuvre de Yannis Frier. Pour ce disque, n’étant pas particulièrement fasciné par mon physique, ça ne m’intéressait pas tellement d’utiliser une photo de moi et les dessins de Yannis me parlaient. Je lui ai indiqué un certains nombre de références, la direction dans laquelle je souhaitais aller. Je voulais retrouver le mélange de naïveté et de mystère voire de gravité que je trouve par exemple dans les illustrations des contes russes par Bilibine, dans les mosaïques dorées des églises grecques ou encore dans les BD de David B., quelque chose qui renvoie à des émotions d’enfance, sans tomber dans un sentimentalisme facile. Nous avons pas mal tâtonné pour arriver à ce dessin et – je peux le dire vu que je n’en suis pas l’auteur – j’en suis très content. Bravo Yannis.

Un cahier. Ce cahier est rempli du début à la fin des notes organisant les sessions et le mixage de mon EP l’an dernier. Le budget étant serré, il fallait que tout soit précisément planifié… Bon à l’arrivée ce n’était pas si bien planifié que ça… J’ai retrouvé ce cahier en préparant cet inventaire et ça m’a amusé de m’y replonger : les notes sont limites illisibles, pleines d’incises, de flèches, de ratures, de schémas incompréhensibles… on pourrait les croire écrites par un fou. Ça me replonge dans cette période très intense. J’ai hâte de pouvoir travailler à nouveau en studio.

Un ordinateur portable et une carte son. Je n’ai bien sûr aucun attachement sentimental vis-à-vis de ces deux objets mais je les utilise tellement souvent qu’il était difficile de ne pas les citer. Comme tous les musiciens aujourd’hui ils font partie de mes principaux outils de travail. Ils permettent de penser un morceaux d’une façon globale, au risque de verser dans une approche un peu trop cérébrale, trop éloignée du geste du musicien, de l’engagement physique que suppose l’acte de jouer ou de chanter.

Un mug japonais. Je bois énormément de thé. En préparer est une sorte de minuscule rituel qui vient scander chacune de mes journées. C’est une habitude que je dois à ma mère et que je n’ai jamais perdue. Ça fait sans doute partie de tous ces gestes, expressions du visage, intonations de voix, habitudes que l’on décide presque consciemment d’adopter, comme pour rendre secrètement hommage à ceux dont on les tient.

Des recueils de poésie, des romans. Je n’ai pas une énorme culture littéraire à la base. Je suis un lecteur tardif, notamment pour ce qui est de la poésie. Mais mes textes ont parfois pour point de départ une lecture, non que je m’en inspire directement mais certaines déclenchent quelque chose dans mon cerveau, et je sens (comme à chaque fois que l’inspiration vient) que quelque chose demande à être créé, à sortir. Alors je sais que je dois me mettre au travail.

Guillaume Stankiewicz
Janvier 2017

 

Mostla Tape “Les années” à découvrir chez La Souterraine


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Boyarin

My essentials for Stereographics © Bastien Boyarin

LES ESSENTIELS DE BOYARIN

Cher Pascal,

J’ai mis un temps délirant à te répondre. J’ai eu le plaisir de lire la série d’autoportraits des Essentiels dès le printemps dernier, au moment où tu m’as proposé de participer à cette série : les gens invités ont des choses précises à dire, les photos sont belles, les textes intéressants et érudits ; cela m’a impressionné, et je doute vraiment d’avoir des choses aussi précises, intéressantes ou érudites à dire sur mes propres goûts, et la capacité de les décrire en quelques œuvres ou objets repères. (Par ailleurs, mes photos souffrent d’un amateurisme embarrassant).

J’ai constamment freiné au moment d’opérer une sélection d’objets fétiches. J’ai un léger souci avec les objets. Je ne trouve rien de plus déroutant que les objets : ils sont à la fois rassurants et suspects ; porteurs de mémoires émouvantes, mais émotionnellement sacrément encombrants. Par ailleurs j’ai autour de moi, essentiellement, des objets surtout banals, remplaçables. Sûrement rien d’essentiel. Tout est provisoire, jetable : j’ai déjà donné, perdu, me suis fait voler, subi la casse de toute catégories d’objets, disques, livres, ordinateurs, instruments de musiques, etc. Je ne dis pas qu’ils m’indiffèrent, il y a des objets auxquelles je tiens, que je serais peiné de perdre : mais je les perdrais quand même et ce ne serait pas si tragique.

J’ai également passé un temps terrible à chercher ce qui correspondrait à une valeur intime d’essentiel. Est-ce que j’ai forgé un palais mental, inaltéré, aux contours nets ? Y a-t-il des choses qui brillent d’un éclat plus fort, un éclat directeur ? A priori oui, des moments, des musiques, des récits, des visages… Des choses plus investies que d’autres, sur lesquelles je m’appuie davantage. Mais en essayant de les cerner plus sérieusement, tout cela finit par s’embrouiller : tout moment, tout visage, toute sensation d’attachement paraissent dépendre d’une série infinie d’événements qui les ont environnés, mais aussi de mémoires reconstituées, autant que d’oublis, qui les mélangent, les réadaptent, en changent les couleurs. Pour prendre un exemple, j’ai tendance à me dire spontanément que les musiques les plus essentielles sont celles que j’ai découvertes étant enfant. Je sélectionne ainsi le souvenir d’une petite poignée de disques parmi ceux que possédaient mes parents (dont je n’ai, d’ailleurs, plus matériellement la trace depuis longtemps) : les bandes-sons de Kubrick, A Clockwork Orange et Barry Lyndon, le Sergeant Pepper’s Lonely Heart Club Band des Beatles, Peer Gynt par John Barbirolli, mais aussi les partitions de ces petites danses baroques apprises très tôt à la guitare classique, ces sarabandes et ces gavottes, ou alors les musiques aigrelettes et mystérieusement riches de ces jeux vidéos du siècle précédent. Mais pourquoi celles-ci plutôt que d’autres ? Pourquoi celles dont je me souviens spontanément seraient-elles plus essentielles que celles que j’oublie ? Comment mesurer la part d’arbitraire dans cette reconstitution qui, a posteriori, semble me conforter un peu trop ? Peut-être y a-t-il eu des déclics secrets, des moments ensevelis qui ont donné un appui à tout le reste, des agents secrets de ma manière d’approcher les choses – si jamais, ce qui est très contestable, j’ai une quelconque manière d’approcher les choses.

En fin de compte, ce qui me soucie, c’est cette propension à se construire des points d’ancrage pour une identité personnelle. La fixation d’une identité me pose vraiment problème. Je ne dis pas que je cherche à me construire un univers vidé de tout référent particulier. En réalité j’ai tendance à accumuler des petites choses de rien – cailloux, coquillages, jouets ou figurines trouvés un peu par hasard, cartes et plans divers, images hétéroclites… Je ne cherche pas vraiment à savoir quelles sont leurs vertus ou leur effet curatifs. C’est seulement bien qu’elles soient là. Je dis bien, pas essentiel. J’ai tendance à penser qu’elles sont là, justement, pour éviter de se fonder trop sérieusement une identité, pour alléger le fardeau d’être soi plutôt que quelqu’un d’autre, le fardeau de vivre en un lieu précis, le fardeau d’avoir à construire et aménager un espace intérieur trop défini. Je vois un lien (si je puis me permettre) avec la musique que je fais. Cette musique est très pleine, voire confuse, c’est ce qu’on remarque (et, régulièrement, reproche) le plus souvent, mais en réalité cette superposition de couche me semble un exercice pour créer des évidements, du pas-connu, autrement dit pour décoller de ce qui est trop familier, et construire de nouvelles mémoires imaginaires.

Tout cela (et c’est trop long), pour finir par confesser que je ne préfère pas vraiment déterminer ce qui est essentiel. Je préfère ne pas être certains de mes repères. Ils empêcheraient de se perdre – puis de se retrouver d’une manière imprévue. Quand j’essaie d’arriver à un résultat substantiel, les intentions et les décisions y menant sont perpétuellement vagues et confuses, et c’est très bien ainsi. Pour finir – et je suis un peu embarrassé parce que cela ressemble à une pirouette assez tiède –, ce qui est vraiment essentiel est la capacité du réel à me surprendre et me déloger, et toutes ces parts, tous ces lieux et tous ces phénomènes en sont potentiellement capables. Donc, attachées à ces considérations assez poussives, j’ajoute quelques images vues. Elles sont à mes yeux des signes (parmi une infinité d’autres possibles) de tout ce qui est potentiellement vital et que je renonce à classer et nommer.

Boyarin
Janvier 2017

 


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Marc Morvan et Pascal Blua

Interview réalisée à l’occasion de la chronique de l’artwork de l’album “The Offshore Pirate” de Marc Morvan, classé dans le top 2016 des pochettes les plus marquantes par le site Neoprisme (artwork & musique).

Basiquement, que veut-elle dire, cette pochette de disque ?
Pascal Blua — Cette pochette est une invitation à l’aventure et à une certaine forme d’évasion épique et mystérieuse… mais c’est aussi une simple illustration stricto sensu du titre de l’album. L’artwork est construit sur le décalage visuel entre le graphisme de la pochette extérieure et le portrait qui se trouve sur la pochette intérieure.

Cette création-là est-elle une création originale, où une réutilisation ?
PB — Par principe, je ne réutilise jamais des créations d’un projet à l’autre, parce que je pense que chaque création doit être spécifique.
Pour cette pochette, nous nous sommes bien évidemment fortement inspiré des récits d’aventures, des films de pirates et autres récits épiques marins. L’image de la couverture est un photogramme extrait d’un film américain des années 50 et il correspond exactement à l’image que l’on cherchait. Nous avons garder la teinte noir et blanc d’origine même si Marc et moi aurions aimé avoir un reflet d’or dans l’oeil de la pieuvre, mais c’était vraiment hors budget de fabrication ! Par contre, j’ai retravaillé le portrait de Marc (signé du photographe Julien Bourgeois) de manière à garder une homogénéité et une cohérence visuelle de l’artwork. La typographie utilisée mêle le trait du dessin manuel à une forte évocation classique et littéraire, clin d’oeil aux grands romans d’aventures…

Artwork © Pascal Blua / Photographie © Julien Bourgeois
Artwork © Pascal Blua / Photographie © Julien Bourgeois

Y a-t-il, dans la démarche initiale, un lien à trouver entre le titre de l’album et cette pochette de disque ?
PB — Bien sur ! C’est un point extrêmement important pour moi lorsque je travaille sur une pochette. J’essaye toujours que la mise en forme graphique soit la plus juste possible par rapport au projet.
J’aime à travailler de manière collaborative, dans la construction et l’échange. J’ai eu l’énorme chance de réaliser des pochettes dans le cadre de véritables collaborations artistiques (Michael Head, The Apartments, 49 Swimming Pools, Label Pop Session, etc…) et quelques pochettes dites de “commande”. Même dans ce cadre, j’ai ce besoin d’échange dans le process de création qui souvent débouche sur une collaboration.
Mon travail graphique est une extension sensorielle et visuelle de l’univers musical. Le son et l’image ne doivent faire qu’un et en même temps se répondre : c’est un dialogue entre le fond et la forme.

L’idée de base vient-elle de Marc Morvan ou de toi-même ?
PB — C’est un long cheminement ! Le titre de travail de l’album était différent du titre que Marc a finalement choisi. J’avais commencé des recherches graphiques et conceptuelles assez poussées avec le premier titre mais plus l’album avançait dans sa réalisation et moins Marc se retrouvait dans le titre de travail.
Lorsqu’il a choisi le titre “The Offshore Pirate”, il avait une idée assez précise en tête de ce qu’il souhaitait. On a beaucoup échangé sur le sujet et la meilleure façon de le mettre en images : nous avons fait des recherches chacun de notre côté et nous nous sommes accordé sur cet artwork très rapidement.

Comment en es-tu venu, d’ailleurs, à cette collaboration avec Marc Morvan ?
PB — C’est de mon fait ! J’apprécie énormément la musique de Marc aussi bien avec son premier groupe 3 Guys Never In qu’à travers ses collaborations avec Ben Jarry.
Nous avons des amis communs et après la sortie de l’album Ophélia, j’ai pris contact avec lui, sans savoir qu’il travaillait sur le projet d’un album. Nous avons sympathisé, je lui ai formulé mon souhait de travailler ensemble et il m’a proposé de travailler sur la pochette de son nouvel album.


Pascal Blua
Décembre 2016


Plus d’informations :
Néoprisme (artwork & music)
facebook.com/Marc-Morvan

Marc Morvan, The Offshore Pirate, Les disques de l’Artisan/Differ-Ant, 2016