NESLES
Médiathèque Violette-Leduc, Paris
13 Décembre 2024
Il règne une douce pénombre dans la salle : une lampe tempête brille faiblement sur le côté, une roue de vélo ornée d’une guirlande, comme rescapée d’une fête foraine déglinguée, illumine une scène en clair obscur. Nesles est venu ce soir présenter en avant-première les chansons de son nouvel album à venir dans un showcase intimiste et semi-acoustique.
Je suis un spectateur privilégié ayant eu la chance de pouvoir écouter ce nouvel album dans sa version studio. Il m’a laissé sur le carreau, comme lorsque j’ai découvert son album « Permafrost », il y a 7 ans déjà. Ce merveilleux electronica-folk aux paroles ciselées où chaque mot trouve sa place, comme une révérence à une langue française dont on a trop vite oublié la subtile richesse et le pouvoir évocateur. La prestance d’un dandy lettré qui entretient la flamme toujours brulante d’un manifesto punk.
Ce soir, Nesles, seul en scène, déroule un set organique, analogique, sans temps d’arrêt, parfois entrecoupé de pauses sonores en guise de décor (« 1976 »). Une suite d’instants maximisés, musicalement millimétrés, où se côtoient l’intimité d’une guitare en équilibre sonique (« Quelque chose brille »), les éclairs timbrés d’un thérémine qui électrisent « Agfa Chromes », l’incroyable pulsation rythmique de « Beckett» ou encore le tournis vertigineux du fantastique « Carquois » au final envoûtant.
À chaque fois que je vois Nesles sur scène, je ressens ces coups de poing qui mélangent avec tant de brillance la mise en scène romanesque et l’essai philosophique.
Ce soir encore, j’ai des bleus à l’âme.
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Pascal Blua 14 Décembre 2024
Photographie : Renaud de Foville
Set list : Quelque chose brille Antilopes Canon-fleur 1976 Agfa Chromes Blanche Carquois Anatomie (Rien à Foutre) Beckett
Mon rock est désordre foutoir à l’état sauvage je ne le range ni ne le classe disques concerts images instants une jam à coups de larsens de frissons d’interstices fugitifs que je ne rattraperai jamais mais que j’ai capturé à jamais des fulgurances de Johnny Thunders au Gibus aux costard pourris de Lee Brilleaux la guitare mitraillette de Wilko la grand messe des Stones the devils l’Iguane collant aux amplis de l’Olympia ou stoogeant l’Hammersmith Odeon avec un Suicide à crans d’arrêts Alan Vega voyou cosmique halluciné Lords of the New Church en héros païens Chris Bailey saoulman absolu Siouxsie maîtresse prêtresse Stranglers méchamment excitants Ramones one two three for ever La fiesta des Fleshtones Psychic tv en trans génération Kraftwerk en réacteurs Little Bob toute ma vie mais en oubliant bien d’autres dans les pubs de Londres les clubs et disquaires de Big Apple et tous les record shops aux bacs mythiques Vinyl Solution, Bleecker Bob’s, Le Rideau de Fer, et le 1er, à Caen, Sweet Harmony Stiff Little Fingers à leurs débuts furieux Crazy Cavan rockabillant les teddy boys and girls Sonic Youth avec Hüsker Dü à l’Elysée montmartre ou dans un club 42e rue le hardcorien Henry Rollins dans un théâtre du 13e John Cale au casino de Cabourg et dans un loft du Village Les Jam, les Jam, bordel, au Stadium à l’Exocet à l’Hippodrome de Pantin The Clash à Mogador futuristes Toots frénétique machine reggae Linton Kwesi guerrier le dub des cassettes pirates de Ladbroke Grove le flipper du Dingwall’s le bar du Melkweg l’entrée au Cbgb The Fall souvent et violent à Berlin ou Paris les Bérus en missions commando The Cramps garbageant l’Eldorado Jonathan Richman en chorale rockeuse Philip Glass opérant classieux à Bruxelles Chris Isaak pailleté croonant à San Francisco Nico solaire au soleil de Florence je parle là d’émotions comme Willy Deville et sa rose classieuse Lou Reed aux Vieilles Charrues pour un adieu Patti sur le tard et sur l’os les mots et l‘éclectricité de Dominique A l’épilepsie Woodentops au Ba Ta Can Là où les Pixies nous explosaient brutalement La basse sensuelle lourde des Violent Femmes à Cincinnati Motörhead à la Brixton Academy, maelstrom golgoth viking Déjà Voodoo garage minimaliste épileptique au new Moon JD Mac Pherson explosant le Bowery Ballroom la veille d’un Kevin Morby le new yorkant Metz wall of metal noise Johnny Mafia haricots pogoteurs et la transe des fest noz la magie de Denez ce sang celte qui coule dans mon sang et se mélange à l’électricité dans les rues les bars, les clubs de Londres, New York, Paris…
Le piano droit Rippen Un peu gonflé, me direz-vous, ce type qui n’a jamais pris une seule leçon de piano et qui choisit justement ce noble instrument en guise d’introduction. Mais ce meuble en bois de marque hollandaise, de qualité très moyenne, est indissociable de mon parcours de musicien. Il trônait dans la salle à manger familiale, ma grande sœur Isabelle a passé des heures dessus à travailler les œuvres de Mozart et Schumann, et lorsque ses nerfs ne lui permettaient plus d’aller plus loin, je prenais le relais sur le tabouret – moi, le petit dernier qu’on avait inscrit au club de foot plutôt qu’au conservatoire – et j’appuyais lentement sur les touches, un peu au hasard, jusqu’à ce que j’entende quelque chose qui me plaise. Ce même piano Rippen est désormais dans mon local de musique, on peut même l’entendre sur certains disques d’Orwell, et finalement ma façon de composer n’a pas beaucoup changé.
Les chaussures à crampons Vous l’avez compris, le foot occupait plus de place que la musique dans mes jeunes années. Pourtant, je sentais que ce qui me passionnait vraiment, c’étaient les envolées orchestrales des chansons d’Alan Parsons Project que j’écoutais dans mon walkman, en tout cas plus que les reprises de volée de Michel Platini. J’ai arrêté le foot à 15 ans, un peu par snobisme, c’était un “truc de beauf”. J’ai commencé la musique et les soirées arrosées. Et puis ce sport aussi magique que détestable, par certains de ses aspects, m’a rattrapé. Quarante ans plus tard, j’en suis encore à préparer mes chaussures à crampons pour le match du dimanche matin. Et je ne suis pas rancunier. En 2018, un ballon pris de plein fouet sur le pavillon de l’oreille gauche m’a fait perdre beaucoup en acuité auditive tout en me condamnant à un acouphène irréversible pas très plaisant. Au regard de cette anecdote, le titre de la chanson d’Orwell, Rien ne pourra me rendre sage, prend tout son sens.
Simple Minds New Gold Dream (et le livre Themes for Great Cities de Graeme Thomson) Je devais avoir environ 13 ans quand j’ai découvert Simple Minds grâce à Bernard Lenoir, je ne me rappelle pas si c’était sur France Inter (Feedback) au dans l’émission Rockline qui faisait partie de la programmation des Enfants du rock (Antenne 2). Séduit par ce que j’avais entendu, j’avais pris pour habitude d’aller écouter leurs disques dans les bornes de la Fnac de Metz où il fallait apporter le vinyle au vendeur, dont je sentais que je commençais à le gonfler car je n’avais pas souvent l’argent pour acheter ledit vinyle. En vacances dans le sud avec mes parents, je parviens à les persuader de m’acheter l’album New Gold Dream après une opération séduction dans un magasin. Problème : pas de platine dans la location. Alors je me trimballe le vinyle partout, persuade un restaurateur de passer le disque en fond pendant le repas et savoure les quelques notes que je perçois entre les bruits de fourchette. Finalement, le disque craquait déjà comme une antiquité à notre retour. Mais j’ai toujours cet exemplaire et il ne se passe pas un été sans que j’écoute cet album unique à mon sens. Bien plus tard, en lisant le fantastique livre Themes For Great Cities (Constable) de Graeme Thomson, j’ai réalisé à quel point les premières années de ce groupe ont été marquantes. De là a germé l’idée d’enregistrer le mini album de reprises Simple Minded.
Sturgeon, le plus qu’auteur (ouvrage collectif) Je dois aux genres de la science-fiction et du fantastique de m’avoir donné le goût de la lecture. Parmi les bouquins qu’on s’échangeait régulièrement avec mon pote de collège François Botella (Lovecraft, Dick, King…), ceux de Theodore Sturgeon résonnèrent particulièrement en moi. Les premières pages de Cristal qui songe, décrivant le sordide quotidien d’un enfant martyrisé et qui mange des fourmis sans qu’on sache pourquoi, m’ont littéralement happé. En 2018, j’ai eu la chance de coordonner une luxueuse publication sur cet auteur américain, épaulé par Florence Dolisi et Benoît Domis, Sturgeon, le plus qu’auteur (ActuSF).
Deux 45 tours : Michel Delpech Le chasseur et The Korgis Everybody’s Got To Learn Sometime Les images marquantes de mon enfance sont souvent sorties du poste de télévision. L’écran placé au centre du salon a contribué à forger ma conviction que les musiciens vivaient dans un monde à part, qu’ils soient grimés dans les émissions de Maritie et Gilbert Carpentier ou présentés dans les situations les plus étranges dans les premiers clips. Michel Delpech, le bienveillant, incrusté dans un décor bucolique pour chanter ses remords de chasseur ou James Warren, chanteur des Korgis les pieds dans l’eau au milieu d’un hangar, sont pour moi comme des polaroïds imaginaires incrustés dans des albums photos virtuels. Et la vie réserve parfois des surprises. Car ces deux chanteurs ont fini par s’inviter dans ma réalité. Le premier en 2000, lorsqu’après avoir découvert Orwell, il m’a invité à chanter un titre avec lui à la Cigale et qu’il a proposé au groupe de faire sa première partie à l’Olympia. Quel souvenir pour nous et Frédérique, notre manageuse d’alors, de le voir apparaître dans la loge, en chaussettes, pour nous souhaiter bonne chance ! Le second, c’est moi qui l’ai sollicité vers 2004, quand j’ai découvert qu’il était toujours actif avec le groupe Stackridge. J’ai depuis eu l’occasion de collaborer plusieurs fois avec James Warren, et je peux affirmer qu’il est un authentique gentleman doublé d’un songwriter aussi subtil que sous-estimé et doté de l’une des plus douces voix du Royaume-Uni.
Jonathan Coe Bienvenue au club Suite de la série “Toi aussi, rencontre tes idoles”. C’est ma compagne, Élise, qui m’a initié aux livres de Jonathan Coe. Et je suis vite devenu un grand amateur de ses histoires à tiroirs et de son regard souvent drôle et parfois cynique sur une Grande-Bretagne qui ne fait pas toujours montre de grandeur. C’est pourquoi ce message chaleureux arrivé dans ma boîte mail un jour de l’année 2007 – si mes souvenirs sont bons – me remplit de fierté. L’auteur avait découvert un titre d’Orwell dans l’excellente émission de radio The Curve Ball de Chris Evans. Notre première rencontre a eu lieu à un concert de Stackridge, premier groupe de James Warren, dont Jonathan Coe est un grand fan… Bienvenue au club !
David Bowie, Rainbowman de Jérôme Soligny Personne en France (En Europe ? Dans l’univers ?) ne connaît mieux la carrière de David Bowie que Jérôme Soligny. Ce journaliste et musicien talentueux – c’est lui qui, entre autres, a composé Duel au soleil pour Daho – a écrit plusieurs ouvrages sur l’artiste britannique. Mais Rainbowman est un “must have”. Je ne suis pas religieux, mais je considère ce livre comme une bible qui offre des clés pour mieux comprendre la production protéiforme de David Bowie, sans lui enlever son mystère. Quelle riche idée d’être allé rencontrer la plupart de ses collaborateurs au fil du temps ! Et il est plutôt rassurant de constater, à travers ces témoignages, que cet artiste si novateur, ce défricheur, s’est beaucoup amusé en créant, laissant beaucoup de liberté à ses partenaires de sessions. Et surtout, qu’il a intensément réfléchi et travaillé pour se renouveler.
Parfois, un disque envahit votre quotidien comme par effraction. Rien ne vous y avait préparés et vous ne pouvez pas vous empêcher d’y revenir.
The King of Misery m’hypnotise depuis quelques jours. C’est le premier véritable album (après deux Eps) de Daudi Matsiko, songwriter britannique d’origine ougandaise. Un album incroyablement fragile et spirituel. Désarmant. D’une clarté fulgurante, d’une honnêteté saisissante, un album qui mord au cœur.
10 chansons feutrées, chuchotées, caressées… Un chant comme une confession, porté par les cordes à peine effleurées d’une guitare, un harmonium discret, le souffle enfumé d’un saxophone, une chorale d’ami(e)s ou encore le bruissement d’une texture synthétique.
Chaque note, chaque syllabe, brille par sa présence ou par son absence ; un incroyable et délicat dialogue entre la musique et l’âme de son auteur, dont on ne sait plus bien au fil des écoutes qui accompagne l’autre.
Je ne peux m’empêcher de penser à John Coltrane, à cet équilibre entre douceur, douleur et puissance, folk, soul et jazz. The King of Misery, comme un murmure salvateur dans le bruit de fond du monde.
Il est des jours où rien n’arrive mais il arrive. Les musiques, il faut les laisser venir à soi et ne pas les brusquer, elles savent qui nous sommes. Un soir, la musique de Peter Milton Walsh est arrivée à moi. C’était en 2012, à Clermont-Ferrand, une nuit de décembre. Immédiatement, une connexion s’est faite, comme si j’avais toujours connu ces chansons. Un lien particulier s’est alors crée avec tous ses disques, d’abord Drift – ce bleu nuit – , puis No Song, No Spell, No Madrigal – ce gris neige – , puis les autres, jusqu’à In and Out The Light sur lequel j’écrivais en 2020 ces mots « Que chacun choisisse alors sa lumière, la mienne, celle que je vois, celle que je verrai toujours, c’est ce jaune lumineux – le même que le vinyle de In And Out The Light, le même que cette veste qu’elle portait si bien – et cette lumière me laissera toujours croire que le ciel pourrait s’éclaircir un jour car à quoi servent les disques s’ils ne ramènent pas à la vie ? ».
Il est des jours où rien n’arrive mais il arrive. Des personnes sont arrivées dans ma vie, des personnes que j’ai rencontrées aux concerts de The Apartments. Elles aussi s’étaient senties liées à ce « beau chanteur » qui semble ne chanter, pour nous, rien que pour nous, des histoires qui leur appartiennent. Ce ressenti, c’est quelque chose de fort que je ne m’explique pas et qu’il ne faut pas chercher à expliquer.
Il est des jours où rien n’arrive mais il arrive. Grâce à Christophe Basterra, et parce que j’aime me plonger dans les pochettes de disques, j’ai rencontré Pascal Blua, l’homme qui avait réalisé la pochette – magnifique – de No Song, No Spell, No Madrigal mais pas que. D’autres pochettes de disques, des affiches, des sérigraphies, ces œuvres, elles portent sa patte, son regard, sa justesse. Pascal Blua, c’est l’homme qui sait mettre la mélancolie en images.
Il est des jours où rien n’arrive mais il arrive. apart était le disque, disons-le, « oublié » de la discographie de The Apartments, et comme l’a écrit Matthieu Grunfeld c’est « celui qu’il était devenu presque impossible de réécouter en faisant abstraction de la suite ». Mais apart est arrivé, dans la boite aux lettres, en décembre – décidément ! – et quand j’ai ouvert le carton, je me suis trouvé happé par cette pochette jaune. Je ressens alors des choses qui n’ont rien à voir avec la musique. Ce jaune, je peux le sentir, il est vivant. Je ne l’avais jamais vu mais lui, je le sens, me connait. Qu’est-ce qui se passe ? Ce sont des souvenirs – les siens, les miens ? – qui passent par cette couleur. Les chansons continuent de défiler mais je ne les entends pas, je fixe ce jaune à m’en pulvériser les yeux. Je le sens s’engouffrer dans les failles dans mon esprit, dans mes souvenirs. J’ai envie de répondre à celui qui a écrit que l’amour fou existe en noir, que moi, je le vois jaune.
Nous savons toutes et tous qu’il y a des disques qui justifient le monde, qui aident à vivre par leur seule présence. J’ai envie de dire qu’il y a des couleurs aussi.
Jaune Will Tear Us apart.
— Michel Valente Janvier 2024
The Apartments – apart (remastered vinyl edition 2024) include liner notes wrote by Peter Milton Walsh talitres.com
Comme la bande son parfaite d’un automne en devenir, Virginia Astley vient de publier, avec toute la discrétion qui la caractérise, une longue et fantastique pièce instrumentale de plus de 26 minutes.
Un voyage onirique dans la douce et rêveuse musicalité de l’immensité de son talent, sur lequel le temps ne semble avoir aucune emprise. Un voyage comme une suite au delà des ans, des enregistrements visionnaires de l’album “From Gardens Where We Feel Secure” (1983), bande son intemporelle d’un été sans fin.
Rarement pièce instrumentale n’aura portée un titre aussi juste : “The Singing Places“, cinq actes d’une promenade poétique dans l’âme musicale de lieux que Virginia Astley nous laisse le soin d’imaginer et de rêver.
Eternels remerciements à Martin Stephenson pour m’avoir fait découvrir la musique de Virginia Astley (a long, long time ago) et à Harvey Williams pour ses repérages (toujours) avisés.
Quelle question importante que de retenir ce qui nous est indispensable et, de fait, nous définit. Je soulignerai quatre priorités qui déterminent ma personnalité, mon approche du monde et mon rapport à moi-même. L’enfance, l’amitié, la création comme souffle d’expression et la curiosité artistique.
J’ai passé mes années d’enfance placé chez une nourrice. J’y ai vécu dix ans avec Noël et René, fils de ma nourrice, qui devinrent non seulement mes frères mais aussi mes premiers initiateurs.
Écoute et découverte de l’émotion vécue à travers la musique. Dès mes six ans, j’entendais les chansons de Léo Ferré dans la maison. Étrangement pour cet âge, « Amour Anarchie » me bouleversa profondément et son écoute assidue fut un premier déclencheur. Je me trouvai dans un territoire m’étant, en quelque sorte, destiné et que je comprenais. Une incursion qui allait donner un premier sens à ma jeune vie, la place de la musique et la découverte du sublime. Deuxième objet rapporté de l’enfance, ce cœur emprisonné dans un chariot, bouts de fer fabriqués par Noël. En fait, une sorte de casse-tête. Le but étant de séparer les deux objets, mais comment ? Jeu solitaire de patience et de logique, très utile pour un garçonnet plutôt sauvage.
L’amitié est une main dont les cinq doigts suffisent largement à définir le nombre d’amis. Le tableau présent est une œuvre de Jean Gonzalez, ami de longue date et passeur de culture. En exergue « Oubliés de Dieu, de la prière, de la richesse terrestre, broyés par le travail la vie la solitude et paumés dans un désert de souffrance ».
L’Ami le plus important, le frère d’âme et de cœur, que je connais depuis quarante-cinq ans, se nomme Joël Rodde. Joël est un auteur puissant et les pattes de mouche posées sur les feuillets exposés devinrent les premières chansons que j’ai composées. La guitare, une bonne vieille Takamine électro-acoustique, fut celle avec laquelle l’aventure commença. Je découvris que je pouvais interpréter les mots de Joël (il écrit la plupart des textes) sur des mélodies de mon cru. Et que ça nous plaisait, et que c’était une nouvelle porte qui s’ouvrait. Alors première incarnation sous le pseudo Dimanche Désuet. Un Ep vinyle six titres ,« La couleur de l’or » sortit en 1996.Une chanson « Ses absences » fut diffusée par Lenoir grâce à J.D Beauvallet. En 2000, je chantais sous le nom Fred Signac et sept albums furent publiés depuis (avec l’aide précieuse de Christophe Jouanno, Jeanne Morisseau et Eric Signor), dont le dernier en date, « Signac » date de 2018, en attendant la prochaine récolte. Je prends la création des chansons , en premier lieu, comme une nécessité, la libre expression de soi en recherche de beau, d’émoi et aucun problème si je reste dans la minorité.
Pour finir bien sûr, les nourritures de l’esprit, essentielles, vitales, phares, oasis dans le désert de la vie. La littérature et la musique.
Comme dans toute quête, il nous faut tomber sur les passeurs de flamme. Une petite sélection de livres s’est imposée avec Bukowski, Dostoïevski, Brautigan, Jean Meckert (découvert par un autre ami cher, Jean-François Jacq) et Albert Cossery. Écrivains dont les livres donnent cette impression qu’ils ont été écrits pour soi-même, qui nous attendaient pour nous donner une révélation et dont les mots palpitent comme la vie fait palpiter le cœur.
La musique procède de la même manière.Il est des grands frères, Ferré, Gainsbourg, Bashung, Manset, Dylan, Nick Cave, Lou Reed, etc…qui sont , eux aussi, des passeurs de flamme.Il y a quelque chose de l’ordre du sacré dans tout ça. Ce pouvoir d’émotion, de grâce, de panache, d’inspiration, de transmission, miroir de nos propres vies, donne la réponse à la question que l’on se pose éternellement : « Quel est le sens de ma vie ? »
Les Essentiels, c’est donc en fait, me permettre de trier et garder « la substantifique moelle » qui m’aide à me connaître mieux, me satisfaire du nécessaire tout en sublimant les jours qui passent.
Le X : première lettre de mon prénom, je l’utilise également pour mon sobriquet lorsque j’officie derrière les platines vinyles (forcément) pour ambiancer les soirées. Etant un piètre danseur, je préfère faire danser les gens à l’instar du cuisinier qui prend du plaisir à concocter des plats pour les autres. Et si le cuisinier à son tablier, en tant que dj je prends soin de bien choisir mon tee-shirt (ici celui des Petsh’ sic) ou ma chemise, à fleurs de préférence. Je prends autant plaisir à être derrière les platines que derrière les fourneaux, et la gastronomie italienne (affiche des bons produits italiens) me fait le même effet que l’intro d’un morceau qui vient vous retourner le dance-floor : une délectation ! Cette lettre est également celle du groupe de super-héros le plus célèbre de l’univers Marvel, les X-Men dont Serval est mon personnage préféré. Et je dis bien Serval et non Wolverine, car gamin c’est bien sous cette appellation qu’il apparaissait dans les comics que j’achetais le dimanche à la sortie de la messe (éducation catholique de campagne oblige). Si on poursuit dans le 9ème art, on retrouve une dédicace réalisée par Julien Loïs, graphiste attitré du label Chinese Man Records.
Un ballon de basket, tout simplement pour représenter le sport que je pratique.
Le poste de radio : sans aucun doute c’est par ce média que tout a commencé. Il m’a permis de me forger une culture. Encore maintenant, j’aime à découvrir les radios locales pendant les vacances. Tout à commencer avec RTL et ces animateurs (Francis Zégut, Max Meynier,…) puis France Inter et Bernard Lenoir. Qui dit Lenoir, dit Les Inrockuptibles et sa période bénie de mensuel dans lesquels beaucoup ce sont forgés leurs références cinématographiques, musicales et littéraires citées autant par les artistes interviewés que par ces journalistes.
Je ne vais pas rentrer dans le détail, mais certains artistes représentés ici (plus ou moins cachés) sont vraiment les fondements de mes goûts musicaux et pour certains d’entre eux correspondent aussi à une histoire d’amitié qui ne s’est jamais arrêtée. Pêle-mêle on retrouve outre les Pet Shop Boys, New Order, Dominique A (dont le disque est posé sur la platine de droite), PJ Harvey, The Smiths, la BO de Twin Peaks (et donc David Lynch) ou dj Shadow.
En parlant d’amitié, il y a celle plus récente avec la bande du Mange Disque (allez jeter un oeil dans la rubrique “rencontres” de ce site) dont l’un d’entre eux, professeur en art graphique, réalise avec ces élèves des gigs posters (ici celui de Jean-Louis Murat). Les relations humaines n’est-ce pas là l’essentiel d’une vie ?
Pour finir on aperçoit Rachid Taha qui nous observe, et qui manque au paysage musical. Et comme le dit mon ultime essentiel, ma chérie qui partage mon quotidien et responsable de la mise en scène de la photo : “Rachid Taha ça s’écoute fort ou ça ne s’écoute pas !”
Les lunettes de vue, l’agenda vert clair et le stylo à encre noire Des objets pas très intéressants, mais indispensables.
Le tourne-disque Fisher Price de quand j’étais petite Je croyais l’avoir perdu au gré de mes déménagements et je l’ai retrouvé dans un carton stocké chez ma tante. Il fonctionne sans pile, grâce à un mécanisme qui marche toujours et dont je ne me lasserai jamais. C’est l’objet qui incarne le mieux mon premier déclic pour la musique – et puis ça m’évite d’avoir à choisir entre des albums de Nirvana, de PJ Harvey, des Smiths…
Le dictaphone et le carnet ligné Mes outils de travail, en dehors de l’ordinateur. Je pourrais enregistrer mes interviews avec mon téléphone, mais je préfère ce dictaphone qui m’indique uniquement ce que j’ai besoin de savoir sur le moment (les minutes qui s’écoulent et le niveau de batterie). Quand je prépare mes questions, je les note à la main dans ce carnet, ce qui m’aide à les apprendre par cœur pour idéalement ne pas du tout les regarder durant l’entretien. Elles n’arrivent pas au hasard, leur ordre dirige la conversation vers ce que j’ai envie que la personne me dévoile. Je passe beaucoup de temps à préparer ces questions, à imaginer comment tirer les ficelles en toute discrétion.
La machine à écrire Royal Je l’ai découverte au fin fond d’une ressourcerie pendant l’été 2020. J’ai eu l’impression que ce géant de fonte m’attendait. 10 €, mais même à ce prix-là personne n’en voulait : poussiéreuse, inutile et surtout beaucoup trop lourde (ce modèle, le KHM, date des années 1930, bien avant les machines portatives). Depuis, je l’ai bichonnée et elle fonctionne. J’adore son esthétique, mais aussi son pouvoir d’évocation. En plus, Jessica Fletcher a la même dans Arabesque : la classe absolue.
Le livre London Birth of a Cult d’Hedi Slimane Il fait partie de ces objets dont la simple vue fait rejaillir en moi plein d’images et d’émotions fortes. En 2004-2005, quand j’étais encore étudiante, j’ai passé beaucoup de temps à Londres, complètement immergée dans la scène rock menée par Peter Doherty et ses Babyshambles. Un autre Français était souvent présent, Hedi Slimane, styliste de légende, également grand photographe. On a un peu sympathisé et un jour il a eu l’immense gentillesse de me faire envoyer par coursier ce beau livre qui documente à merveille toute cette période.
Le panier à pique-nique Pour rêver des beaux jours, des retrouvailles entre amis pour grignoter ensemble des petits plats maison que chacun apporte pour l’occasion.
Le fouet à spirale Je m’en sers tout le temps, non pas pour tyranniser mes proches mais en pâtisserie ! C’est une passion qui a le mérite de me faire oublier les écrans et d’obtenir cette satisfaction rare de façonner quelque chose à la main, à partir de rien. J’aurais aussi pu mettre un cahier de recettes qui part en lambeaux et qui contient toutes mes annotations maniaques pour atteindre mon idée de la perfection (telle marque de chocolat à dessert, tel temps de cuisson pour tel four, tel ordre pour incorporer les ingrédients…).
Le mug Alice in Wonderland Juste pour mentionner le thé noir, mon principal carburateur, et le livre de Lewis Carroll que j’ai lu un nombre incalculable de fois, avec les illustrations de Tenniel.
La pile de post-its sous le mug Des petits mots d’amour que ma maman me laisse de temps en temps. Ça n’a l’air de rien, un post-it, mais ceux-là sont pour moi des trésors.
Le chat Je n’avais pas prévu de l’inclure, car ce n’est pas un objet, mais Basil a eu envie de s’incruster sur la photo. Il a été trouvé au printemps 2020, minuscule chaton affamé, abandonné en pleine campagne. Depuis, il est devenu un magnifique compagnon, curieux et taquin, qui m’émerveille tous les jours.
La fine ligne verte De l’art d’être un rockeur-ornithologue, et donc funambule
Hypothèse : ceux et celles qui connaissent le chant des oiseaux sont forcément musiciens. Voire, mélomanes. Ne serait-ce que par simple amour de la musique. Il entendent le gazouillis fruité de la fauvette à tête noire, ou les longues sérénades mélodieuses du merle noir, et sautent aussitôt sur leur guitare pour entonner une nouvelle ballade.
Et inversement : les musiciens, compositeurs ou interprètes, sont forcément de grands amoureux des oiseaux, et donc ornithologues, sachant identifier et déchiffrer les comportements de tout volatile qui se voit par la fenêtre, au bord de l’autoroute ou lors d’une promenade printanière dans les bois..
Faux.
Je sais d’expérience que j’incarne une anomalie statistique. Dans ma longue double carrière d’ornithologue naturaliste ET de musicien rock (&folk), je n’ai pour ainsi dire jamais rencontré des musiciens ornithologues, et encore moins d’ornithologues musiciens. Deux mondes parallèles, qui communiquent rarement, voire jamais.
Je ne parlerais pas d’hostilité entre les deux camps, ni de rivalité, comme au bon vieux temps du lycée où les matheux dédaignaient les littéraires et que les sportifs tabassaient les geeks, à la sortie du bahut, mais il y a comme un gêne : quand je traîne avec mes potes musiciens, êtres humains (stéréo)typiquement assez « cool » et cultivés, et que je leur parle du comportement fascinant de mes oiseaux adorés, ils regardent un peu ailleurs, ou font semblant d’écouter en baillant. Quand ils ne virent pas à la boutade taquine : « Alors David, t’as encore vu des petits oiseaux ? »
Il y a plus « cringe » encore. Quand je parle de mon dernier concert survolté dans un rade pourri qui sentait la bière rance à mes camarades ornithologues, la plupart (pour beaucoup des gens plutôt solitaires et timorés), regardent nerveusement leurs pieds et évitent le contact des yeux tellement cela peut être inconfortable pour eux.
Heureusement, je m’autocensure : je ne leur compte jamais ces superbes anecdotes autour de la drogue, du sexe et de la décadence totale et de ces rébellions sans lendemains qui ont accompagné mes itinérances rockandrollesques du début, dans les années 80, quand j’étais (ahem…), jeune et franchement demeuré.
Je sais, j’exagère un peu, il y a toujours des cas particuliers comme celui de Messiaen, compositeur de génie et grand féru des chants d’oiseaux. Mais cette inadéquation sociale dont je témoigne, entre ces deux univers opposés, ces deux « tribus » ou sous-cultures humaines que tout sépare, la « ‘zique » et les « piafs », s’est manifestée tellement de fois en 56 ans que j’ai dû, pour finir, cloisonner mes deux vocations et leur populations respectives, et vivre une douce schizophrénie entre mes deux passions.
Dr. Bird and Mr. Hyde, donc. « Ornitho » le matin, rockeur la nuit. Naturel et printanier au lever du soleil, grand fan de la Wilderness et des paysages de Jack London ; puis, le soir venu, amateur de déclin urbain et d’auto-destruction organisés. Joy Division, Sex Pistols, les Stranglers. Charles Bukowski.
On est d’accord, c’est du Rock, pas de la Musique de Chambre. « The devil’s music », de Robert Johnson à Billie Eilish, la musique du diable. Mais quand même.
Comme j’adore la science, j’adore aussi les statistiques, et surtout les anomalies du même nom, c’est à dire tous ces cas anecdotiques qui dévient de la norme. A la règle énoncée ci-haut, selon laquelle ornithologie et l’univers décérébré d’un Iggy Pop seraient plutôt incompatibles, il y a bien évidemment des exceptions. Une fois, par exemple, j’ai connu et joué avec un musicien punk-rock qui aimait autant la nature que moi, à défaut d’être un spécialiste des oiseaux. Il aimait comme moi jardiner, sentir les fleurs, faire les courses et cuisiner, et assumait clairement (comme moi) sa part de féminité. Un gars de la campagne. En France.
Et cet américain croisé au début des années 2000, bassiste de rock indé des Swirlies, originaire de Boston, aujourd’hui docteur es-sciences en Evolution, spécialiste des hérons et des aigrettes. Un crâne d’œuf, mais super cool. Ou un gars très branché, mais énorme geek quand même. Au choix.
J’ai entendu parler aussi d’un chanteur de Death Metal, géant maladroit et quelque peu chevelu, dont les paroles consistaient en de longues énumérations inaudibles de ses espèces d’oiseaux préférées…
Puis ce musicien classique new yorkais (excentrique) qui jouait de la clarinette sous les arbres et prétendaient ainsi communiquer avec les merles moqueurs, oiseaux capables d’improvisations et d’imitations (dont alarmes de voiture et assimilées) proches du Free Jazz. L’Amérique en a bien entendu fait une célébrité et le gars a publié un best-seller où il prétend que les oiseaux ne chantent que par amour et pour le plaisir, et non pas par territorialité, thèse qui pour moi constitue une offense délibérée à la pensée scientifique rationnelle, ô pauvre darwinien réductionniste endurci que je suis devenu.
Vrai, les oiseaux ressentent du plaisir lors de l’exécution de leur chant, ce qui s’explique par un simple lâcher d’endorphines dans leur cerveau, mais le but ultime de ce « chant » est d’affirmer un statut social hiérarchique envers ses congénères, et de manifester une qualité génétique aux femelles qui l’écoutent.
Parce que la nature, certes belle, source de jouissance esthétique et intellectuelle sans fond pour moi et mes pairs naturalistes, repose sur un socle assez punk, de concurrence permanente et impitoyable entre les individus et les espèces, mais aussi de maladies et de prédation, de dépeçage et autres déchiquetages sans fin, de dents et de griffes acérées, de venin, de tricherie, de tromperie, de manipulation et j’en passe.
La nature, c’est la loi de la jungle, et comme le hurlait si viscéralement Jeffrey Lee Pierce des Gun Club, groupe phare de punk blues dans les années 80, en reprenant le morceau de Creedence Clearwater Revival, « je vais courir à travers la jungle, sans jamais regarder en arrière… »
Mieux : « L’horreur a un visage et vous devez vous faire une amie de l’horreur, soupirait Brando en Colonel Kurtz, dans Apocalypse Now…
Et c’est justement là, pile poil à cet endroit, où l’humain devient animal et l’animal devient humain, que les deux univers, mon obsession pour les oiseaux et la nature, leur observation et leur étude, et le rock and roll – où l’on ne chante pratiquement que les trois mêmes incantations archétypales : la mort, le sexe, et l’apocalypse, se touchent. Et s’accouplent.
Contrairement aux personnes, vivant parmi nous en démocratie, qui fantasment une nature harmonieuse et pacifique, idyllique, où tout est équilibre, et qui par volonté idéologique, en font une sorte de conte de fée walt-disneyesque où les animaux sont tous gentils comme de mignons petits écureuils, je pense, avec beaucoup de mes collègues chercheurs, que la nature, proposition amorale par définition, n’est, pour paraphraser le cinéaste Werner Herzog, que « chaos, hostilité et meurtre. »
No future, quoi.
Oui, des exemples sublimes et abondants de symbiose et d’altruisme et de coopération prolifèrent à travers la biosphère, et j’en reste pantois, émerveillé, mais la vie sur terre reste à dominante sanguinaire. Redoutable. Et c’est ma reconnaissance intellectuelle, simple, des faits, empiriques, surtout au devant du comportement humain, aussi complexe que sombre à travers l’histoire de notre espèce, qui me fait chanter le blues. Et qui me rend, encore un peu beaucoup à mon age, un rebelle « sans pause ».
Lorsque mon ami Pascal Blua, graphiste et music lover, m’a demandé de participer à son projet « Les Essentiels », où il est question pour un artiste de photographier ce dont il ou elle a absolument besoin pour survivre, je me suis tout de suite imaginé en naufragé, et forcément, j’ai dû réfléchir à ce que j’amènerai sur cette légendaire « île déserte ».
Bah voilà. Dans le scénario déliré où, à défaut de pouvoir emmener d’autres gens avec qui m’engueuler, je prendrai donc ma guitare, mes jumelles, et de quoi écrire ou dessiner. Plus quelques bouquins préférés sur la gente ailée et le comportement merveilleux des mes frères et sœurs Homo sapiens, laissés derrière moi.
— David Rosane Mars 2022
PS : je suis américain, je suis né en Amérique du Sud, dans la Jungle, une pure cacophonie de perroquets criards, et ma première phrase debout était donc « shut up little birdies », « vos gueules les petits oiseaux ». Mes deux passions pour le rock et les oiseaux sont nées simultanément, par magie et de façon totalement inexpliqué à ce jour, vers l’âge de six ans, quand je vivais avec mes parents dans les bois de l’état du Vermont, aux Etats-Unis, parmi ours, castors et ratons-laveurs. Adulte, je vis en France depuis trop longtemps, j’y travaille en tant que journaliste scientifique et guide ornithologue, et une de mes études préférées sur le comportement humain a démontré qu’un gars (le même), lorsqu’il marchait dans la rue avec une guitare sur l’épaule, attirait beaucoup plus le regard des filles que lorsqu’il se promenait sans son instrument. Voilà, vous savez tout : sur l’île déserte, ma guitare ne servira à rien.