“Là, sous le vent…”

Sur son nouveau single, le songwriter belge, Thomas Jean Henri, nous invite à partager une nouvelle fois, l’hospitalité de Cabane. En compagnie d’ami(e)s chers, il entretient avec passion, la douceur des moments partagés.

Il y a peu de temps, tel un petit caillou blanc sur le chemin d’un conte de Perrault, Thomas Jean Henri avait discrètement publié une très belle relecture du (déjà) magnifique Efface la mer d’Orso Jesenka. J’y avais retrouvé, comme une évidence, un lien de parenté, une délicatesse empreinte de simplicité et de chaleur. La brûlure du moment magique , si rare en fait, que l’on sait la reconnaître et l’apprécier.

Sur ce nouveau single, on retrouve les fidèles, Caroline Gabard, Bonnie Prince Billy et Kate Stables au chant, Sean O’hagan aux arrangements. Et à nouveau, cette même impression de partager à l’unisson un moment merveilleux d’équilibre, de simplicité et de délicatesse.
Comme un ami que l’on n’osait espérer se joindre à eux, c’est François Marry qui s’invite en bonus à ce single, et nous offre Là, sous le vent, magnifique version française de “Here, in the Wind”.

L’artwork des deux singles, signé du duo belge boldatwork, est une extension sensorielle de l’univers musical de Cabane.
La pochette du premier single figurait cette fameuse cabane, que l’on imaginait comme un frêle refuge entre ciel et terre. La pochette du second, nous ouvre l’espace : l’air, la terre, la mer… et le feu d’une flamme intacte, qui brûle une nouvelle fois, dans ces deux nouveaux titres.

Ces morceaux me sont déjà indispensables. Comme une autre cabane à Liverpool, je ne cesse d’y revenir, d’y apprécier chaque note, chaque mot, chaque silence, de retourner une face, puis l’autre, de m’y réchauffer, l’âme et le coeur.

En deux singles et six chansons, Thomas Jean Henri est devenu cet ami inconnu — ce “frère” comme disait Daniel Darc — avec qui je partage discrètement une partie de mon intimité.

Il ne le sait pas, mais je me devais de lui dire.


Pascal BLUA
Avril 2016

 

Plus d’informations sur Cabane
cabanemusic.bandcamp.com

Catherine Deylac

My essentials for Stereographics © Catherine Deylac

LES ESSENTIELS DE CATHERINE DEYLAC

Lorsque je travaille, j’utilise des boîtiers numériques: Canon pour filmer, Nikon pour la photo de concert, mais toujours en mode manuel… La GoPro est un outil complémentaire très maniable, discret, amphibie. En un mot, génial! Filmer avec elle rend les choses ludiques, faciles.  
Quant au Nikon F100, il reste mon préféré… J’adore le son de son déclenchement, son ergonomie. L’argentique entretient la magie de l’attente, de la surprise, de la découverte, de l’accident créatif. Je photographie mon entourage avec lui, en noir et blanc. J’aime aussi faire de la photo macro abstractive: interroger la matière, la caresser du regard, la caresser tout simplement. L’objectif macro AF 105mm1/2.8 est parfait.

L’ordinateur centralise tout: le traitement de l’image, le montage vidéo. J’écoute grâce à lui énormément de musique sur internet, au casque, pour alimenter mon blog et mon désir insatiable de nouveaux sons.

Je collectionne les disques, les films, les livres. Je peux dormir par terre, mais pas sans livres à portée de main.
Bowie est le premier artiste que j’ai admiré. Warsawa est mon titre préféré sur Low, quand Philip Glass l’a retravaillé, je suis tombée à genoux.
Dans Agua viva, C. Lispector travaille la matière de l’écriture, la sensation, à la manière d’une plasticienne. J’aime l’intensité, la passion qui animent son oeuvre. Ce titre est doublement évocateur: je vis en bord de mer.
Harold et Maude, parce que j’ai le goût des fleurs simples…
Saul Leiter pour son usage virtuose du flou, des silhouettes et des reflets, extraordinairement poétique.
Modern Architecture since 1900 a été acheté un soir à Los Angeles chez Borders, à Santa Monica, librairie fermée aujourd’hui. J’ai toujours été attirée par la conception d’espaces, et l’architecture contemporaine américaine. Par la conception dans l’espace aussi: en peinture comme en sculpture. Il me semble vital de se laisser traverser quotidiennement par la beauté, sous toutes ses formes. On peut mener une existence modeste mais vivre sans beauté me semble inconcevable.

On met un certain temps à trouver la plume parfaite, à la faire, comme on dit. Je note mes idées, griffonne mes croquis dans un carnet, mes rendez-vous dans un agenda, tout comme j’écris des histoires sur des cahiers à spirale: à l’encre noire de mon stylo fétiche.

J’ai hérité de cette montre à gousset et vraisemblablement de nombreuses aptitudes de mon grand-père. Je ne porte de montre que lorsque je travaille au contact des gens. Lorsque je suis seule, je sais parfaitement l’heure qu’il est. Parfois à la minute près. Je possède peu de bijoux, ne souhaite plus me maquiller.
Un parfum dit beaucoup d’une femme, j’apprécie qu’il soit léger. J’aime l’intemporalité, les caméléons qui se transforment cycliquement, jouent avec leur image. Tout détail m’importe: le choix des matières, des coloris, des lignes. C’est la synthèse des influences, le référentiel, et la note de fantaisie qui me portent vers tel vêtement ou tel objet.
Le travail de François Quesnel, que l’on retrouve dans la boîte ronde en céramique, me parle énormément. François m’a transmis son goût de la pièce unique, de la relation poétique à la terre. Lorsque je jardine, je me relie souvent à lui en pensées, et à mon grand-père, aussi. Mon jardin est mon deuxième bureau.

Certes, il reste des objets que je n’ai pas commentés.
Il n’y a rien à en dire, j’y tiens, et c’est tout.
Je me rends compte aussi que la plupart des objets de cette sélection m’ont été offerts.

En fait, l’Essentiel est Ailleurs.


Catherine Deylac
Avril 2016

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Antoine Chaperon

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LES ESSENTIELS D’ANTOINE CHAPERON

“Chacun cherche son chat”
par Antoine Chaperon, guitariste et musicien.


Antoine Chaperon
Avril 2016

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Mikael Charlot

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LES ESSENTIELS DE MIKAEL CHARLOT (La Rive)

Un seul disque, à défaut d’en choisir cent. Il n’a pas été difficile à trouver. Le 1er Velvet, poétique et visionnaire, sauvage et sexuel, résume à lui seul tout ce que j’aime dans l’art en général.

Deux livres. Martin Eden de Jack London, grand roman désabusé, lu une seule fois à 15 ans, m’a laissé une trace indélébile tout comme Les Chants de Maldoror (et son pendant Les Poésies), découvert bien après, long poème en prose à côté duquel toute la production actuelle me paraît mièvre et mal écrite.

Goya et Les Caprices pour la noirceur et la vérité qui s’en dégage.

Un film. Répulsion, hypnotique et dérangeant, point d’orgue de la filmographie de Polanski et de celle de Deneuve (dont je suis très fan pour Belle de jour et les Demy notamment).

Une paire de baskets (les seules chaussures que je porte) et  des pulls uniformément noirs, gris ou bleus marine (en été, des t-shirts de la même couleur).

Du thé vert (2 sachets par tasse) et du chocolat, indispensables à une journée normale.

Des haltères. Parce qu’une journée sans activité physique (ça arrive souvent) est une journée où je me sens mal.

Des cassettes audio Par nostalgie (nos premiers enregistrements sur un Tascam 4 pistes, des quantités de souvenirs enregistrés).

Mon vieil Iphone 4 qui me suit véritablement partout.

Ma Takamine électro acoustique, petite et facile à jouer, la dernière guitare qu’il me reste.

Un médiator, toujours abandonné dans des endroits improbables.

Une rouleuse à tabac, cadeau qui m’est cher, à la fois talisman et boite de pandore.

“Mais bien sûr l’essentiel reste hors cadre … la promesse des matins, le soleil qui tape, les portes dérobées, les aires d’autoroutes, les étendues (les mers à boire), les sourires futiles (les amours d’un soir), les nuits blanches, le cœur qui bat … ”


Mikael Charlot
Mars 2016

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La Rive par Matthieu Dufour
larive.bandcamp.com

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Didier Duclos

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LES ESSENTIELS DE DIDIER DUCLOS (La Rive)

En dehors des êtres chers, voici quelques-uns de mes essentiels.

  • Les Doc Martens: Depuis 25 ans, je n’ai porté que deux types de chaussures : tout d’abord des rangers pendant une dizaine d’années, et par la suite, des Doc Martens. On devine bien que je n’ai aucun attrait pour l’habillage du pied.
  • Les lunettes: À l’âge de 6 ou 7 ans, non content d’être un gamin enrobé, j’allais devenir binoclard.
  • Le Pod (le haricot rouge, sur le synthé): Le simulateur d’ampli est un outil très utile lorsqu’on vit en appartement et qu’on respecte un tant soit peu la quiétude de ses voisins. Toutefois, je me souviens d’une époque où j’enregistrais des prises de guitare électrique, à partir d’un ampli repiqué avec un micro, sans me soucier le moins du monde des nuisances sonores que cela pouvait provoquer. J’en profite ici pour faire mon mea culpa !
  • Les guitares: Ce ne sont pas précisément les guitares qui figurent sur la photo mais l’instrument – l’outil – qu’elles représentent qui m’est essentiel, surtout pour composer (à la guitare acoustique), et pour faire du bruit (la guitare électrique) car je suis un piètre guitariste et je pratique très peu. Cela dit, ce n’est pas un hasard si j’ai choisi de faire figurer sur la photo ma Telecaster. Elle est le fruit d’un heureux concours de circonstances, puisqu’il y a plus de… 25 ans, je l’avais vue dans la vitrine d’un magasin de guitares d’occase, à Pigalle, et elle m’avait bien tapé dans l’œil. Cependant, je venais de m’acheter une superbe électrique chez un luthier qui avait développé des modèles avec des caisses en métal ; l’achat d’une autre guitare électrique n’était donc pas d’actualité. Quelques mois plus tard, en assistant à un concert d’un collègue de travail de Mikaël (une « grosse bête » à la guitare, comme on dit, et un bon chanteur, qui plus est) à l’Espace Ornano, je revois la Telecaster en question sur la scène, comme guitare d’appoint. Encore quelques mois plus tard, le collègue de Mikaël décide de la revendre, et là, je me suis dit qu’elle serait pour moi ! Voilà pour l’anecdote.
  • Le synthé: Suite de la panoplie du bricoleur musicien : un clavier. Rien de très original, mais essentiel afin de piloter les banques de sons pour les arrangements « orchestraux » (à défaut de pouvoir se payer un ensemble symphonique, ou même un quatuor à cordes).
  • Le micro (sur le synthé, à gauche): Fin de la séquence « matériel de musique » avec un microphone. C’est plutôt utile quand on ne sait pas écrire la musique et qu’on veut retenir les mélodies trouvées… Jusqu’à il y a 3 ans, j’enregistrais guitare acoustique et voix à l’aide d’un vieux micro Shure SM56 donné par une âme charitable à une époque où je n’avais pas encore touché un manche de guitare autrement qu’avec des doigts tremblants, tout fébrile et impressionné que j’étais, perdu devant un monde à domestiquer (je devais juste savoir faire un Mi mineur). Récemment, j’ai fait l’acquisition d’un micro un peu plus performant (celui de la photo), qui m’a permis de me sentir un peu plus à l’aise avec ma voix. Et depuis, j’ai quand même appris quelques accords supplémentaires.
  • La photo de mon bureau et des ordinateurs (à gauche, au-dessous du synthé): Travaillant à domicile, je passe le plus clair de mon temps dans ce capharnaüm organisé. Longtemps réfractaire à l’informatique (probablement l’une de ces stupides postures qu’il m’arrive parfois d’adopter), mon activité professionnelle m’a pourtant amené à devoir maîtriser cet outil il y a à peine une quinzaine d’années. Aujourd’hui, il me serait impossible de m’en passer, tant du point de vue professionnel que du point de vue de la musique. Et voilà comment on se retrouve avec, en gros, un PC majoritairement dédié au travail et un Mac pour la musique.
  • Le casque : Sûrement pas la meilleure chose pour les oreilles, surtout lorsqu’on en porte un 8 à 10 heures par jour, mais essentiel pour le travail.
  • La bouteille d’eau: C’est impératif ! Vital !
  • L’imper de Colombo: Enfin, disons, dans le style Colombo. Des années durant, j’ai porté celui de mon père. Je pense qu’il était devenu encore moins frais que l’imper de ce cher lieutenant (voire même, que Peter “Colombo” Falk lui-même). J’ai dû le remplacer.
  • L’écharpe : Complètement accro. Une bonne drogue quand on est sensible de la gorge.
  • Les CD (photo en bas, à droite): Pendant quelques années, j’ai connu une relative précarité, sans avoir réellement à en souffrir grâce à mon peu d’appétence pour la consommation. Seul gros point noir, je le reconnais: ne pas pouvoir acheter d’albums. J’empruntais des CD à la médiathèque municipale ; j’avais également des amis bienveillants qui m’en prêtaient et parfois m’en gravaient. C’était la fête ! Au sortir de cette période de disette, quand j’ai pu à nouveau me procurer des albums, une sorte de boulimie compulsive s’est emparée de moi. Devant le ridicule de la situation, j’ai fini par me calmer, mais il me reste encore une pléthore de CD dont le contenu n’a fait qu’effleurer mes tympans. L’ensemble occupe un mur entier de mon appartement. Ce n’est pas malin lorsqu’on habite dans un petit appartement! À vrai dire, j’avais surtout faim de musique, bien sûr !
  • Les vinyles: J’ai rapatrié, de chez mes parents, quelques vinyles qui me sont chers : ces BO de Morricone (et de Michel Magne, aussi…) que j’écoutais, enfant, et dont la musique et les pochettes ouvraient les horizons du petit banlieusard de rien que j’étais.
  • Le sac noir: Avant ce sac – et ses prédécesseurs, du même acabit – j’utilisais des sacs FNAC. La grande classe.
  • Les livres sur le Portugal: Ça, c’est un petit clin d’œil au Portugal, un pays que j’adore et qui me manque.
  • Le bloc-notes: J’en ai usé, des blocs notes ! Grands, petits, tout me va. Je note des tas de choses différentes dessus, et quand j’en cherche une en particulier, je mets toujours un temps fou à la retrouver.
  • Quelques ouvrages de Céline & Kafka: Là encore, rien de très original. Céline, je n’en suis toujours pas revenu. Quant à Kafka, c’est un peu grâce à lui – si, si ! – et beaucoup grâce à un ami metteur en scène, que j’ai repris un semblant de confiance quand cet ami m’accorda la sienne, de confiance, en me chargeant de la musique d’une adaptation théâtrale de « La colonie Pénitentiaire », une formidable nouvelle de Kafka. À l’époque, j’avais plus ou moins laissé tomber la musique. Mais je m’égare… D’une manière générale, la lecture tient une place importante dans mon quotidien, sous diverses formes, cependant pour être franc, pas autant qu’elle le devrait. Je cède un peu trop souvent aux sirènes du 7 ème art.


Didier Duclos
Mars 2016

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La Rive par Matthieu Dufour
larive.bandcamp.com

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Cédric Rassat

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LES ESSENTIELS DE CÉDRIC RASSAT

Bon, c’est un peu en désordre, mais je pense c’est aussi comme ça que fonctionne ma mémoire : en vrac et par associations d’idées. Bref… J’ai surtout choisi des films et des disques, parce que je n’ai pas le même rapport de familiarité avec les romans. En fait, j’y reviens moins. Or je pense que c’est en revenant vers certaines œuvres qu’on s’en nourrit le mieux. En tout cas, pour moi, c’est comme ça…

Sur cette photo, il y a beaucoup de choses, donc j’y vais au feeling, en partant du haut, à gauche.

  • MOJO : Mojo a longtemps été, pour moi, le magazine de rock de référence. C’était un magazine sérieux, très documenté, bourré d’informations et de récits passionnants. Aujourd’hui, je le lis plus distraitement, mais ça reste un titre qui m’accompagne depuis plus de vingt ans, donc…
  • Paris, Texas de WIM WENDERS : Ce film m’accompagne depuis le lycée. Wenders n’est pas un cinéaste que j’aime particulièrement, mais Paris, Texas est vraiment une œuvre à part. Je crois qu’en plus d’être un chef-d’œuvre, c’est surtout un film qui regarde l’Amérique comme j’ai envie de la regarder, c’est-à-dire avec les yeux d’un Européen fasciné par la splendeur des grands espaces, par la magie captivante des bords de route, des non-lieux, etc. Il y a aussi de ça dans Zabriskie Point d’Antonioni, d’ailleurs… Bref, plus les années passent et plus j’aime ce film.
  • THE STOOGES Fun House : J’ai dû acheter ce disque dans cinq ou six versions différentes. J’en ai gardé trois : le double CD, le vinyle et le coffret des sessions. J’adore Iggy Pop et les Stooges, mais je crois que Fun House est mon album de rock préféré dans l’absolu. C’est un disque que j’écoute depuis le lycée et qui ne vieillit vraiment pas. C’est de la sauvagerie à l’état pur.
  • Lost Highway de DAVID LYNCH : A l’époque, j’étais déjà fan de Blue Velvet et de Twin Peaks, mais Lost Highway avait été un grand choc, notamment pour sa façon de se réapproprier les codes du film noir. On parle souvent de Mulholland Drive mais, pour moi, le film qui a le plus révolutionné le cinéma de Lynch c’est Lost Highway.
  • NEIL YOUNG Harvest: Encore un disque qui m’accompagne depuis le lycée… J’adore Neil Young, mais Harvest est vraiment un album à part. Chaque fois que je l’écoute, j’ai l’impression de revenir à la maison. Et je ne pense pas que ce soit lié au fait que je l’écoute depuis près de trente ans. Je crois que c’est vraiment lié au son du disque, à son identité. Pour moi, c’est un album parfait.
  • Salo ou les 120 journées de Sodome de PIER PAOLO PASOLINI : J’ai dû voir ce film cinq ou six fois et dans des contextes très différents : en VHS, plusieurs fois en salle, en DVD… Dès le départ, il m’a semblé important de le démystifier, de le sortir de sa réputation de film insoutenable, etc. C’est l’une des œuvres les plus politiques que je connaisse, mais c’est surtout un film auquel je fais constamment référence. Pour moi, Salo rend sensible l’idée d’un monde qui a perdu toute forme d’humanité et où tous les personnages, même les bourreaux, sont sans avenir. C’est un film incroyable.
  • THE VELVET UNDERGROUND White Light/White Heat : C’est mon album préféré du Velvet. Le premier est évidemment un monument, mais certaines ballades ont fini par m’agacer. Alors qu’avec White Light/White Heat, pas de souci : on est vraiment au cœur de la démence et du génie visionnaire du Velvet Underground. Et, là encore, comme pour Fun House, le disque ne semble pas vraiment daté. Au contraire, même…
  • Pierrot le fou de JEAN-LUC GODARD : Très honnêtement, je ne sais pas si j’aurais autant aimé le cinéma si je n’étais pas tombé, assez tôt, vers 18-19 ans, sur les films de Godard, et plus spécialement sur celui-ci. C’est de la poésie pure, un film d’une liberté folle, mais aussi un film libérateur, qui donne envie d’écrire, de créer, et qui, surtout, donne le sentiment que tout est possible. Et puis, c’est aussi un film qui, tout en étant absolument intemporel, réussit à parfaitement saisir l’esprit de son époque.
  • Out of the Blue de DENNIS HOPPER : Out of the Blue est le film le plus punk que je connaisse. Dennis Hopper l’a réalisé à 43 ans pour se rapprocher de sa fille et mieux comprendre la musique qu’elle écoutait. Il a puisé une partie de son inspiration dans les meilleures chansons de Rust Never Sleeps de Neil Young & Crazy Horse et il a développé un récit nihiliste au dernier degré.  Toutes les séquences de ce film sont saisissantes. C’est génial.
  • LOVE Forever Changes : Ce disque, c’est quand même un OVNI complet. Surtout si on le replace dans le contexte de l’époque, sur la scène de Los Angeles, encadré par les disques des Doors, des Byrds, etc. Comment un groupe comme Love, par ailleurs très bon, a-t-il pu accoucher d’une œuvre aussi radicalement intemporelle et visionnaire ? Ça reste une énigme. Ce qui me frappe le plus, aujourd’hui, c’est la maturité hallucinante de ce disque. On a l’impression que ces musiciens ont cinquante ans de carrière derrière eux, alors qu’en fait Arthur Lee avait à peine 22 ans (!!!) quand Forever Changes est sorti. C’est stupéfiant, quand on y pense…
  • Heaven’s Gate de MICHAEL CIMINO : La version longue de Heaven’s Gate m’accompagne depuis sa première sortie en salles en 1989. Depuis, j’ai dû le revoir une dizaine de fois, dont trois en salle (en fait, j’y retourne dès que j’en ai l’occasion). Ce qui est fascinant avec ce film c’est qu’en plus d’être une fresque magnifique, il s’agit aussi d’une œuvre profondément ancrée à gauche. Et je pense que si le film a été à ce point rejeté par la critique américaine, à l’époque, ce n’est pas à cause de sa longueur ou de ses supposées faiblesses (il n’en a pas vraiment, de toute façon), mais bien parce qu’il était complètement à contre-courant de l’époque. En gros, Cimino venait de réaliser un film communiste, dans lequel les riches et les patrons font littéralement assassiner les pauvres pour ne pas être, eux-mêmes, touchés par la famine, et il faisait ça au moment même où Reagan et tous les excités du libéralisme étaient en train de prendre pouvoir aux Etats-Unis. Je crois qu’en dehors de l’époque du maccarthysme, le début des années 80 était probablement le pire moment pour sortir un film comme celui-ci. C’est complètement fou, quand on y pense !
  • ELDORADO : Je me suis occupé de ce magazine pendant une grosse vingtaine de mois. J’ai été le rédacteur en chef des sept premiers numéros (il y en a eu deux autres dans l’année qui a suivi mon départ). Ça reste une aventure marquante, forcément… D’abord parce que c’est évidemment passionnant de créer un magazine, comme ça, ex nihilo, mais aussi parce qu’à deux ou trois exceptions près l’équipe était vraiment super : des mecs talentueux, très investis, passionnés de musique… Je me souviens qu’on avait souvent bossé comme des fous, et parfois même comme des zombies, pour essayer de boucler les numéros à peu près dans les temps. On avait un peu tâtonné sur les trois premiers numéros mais, ensuite, à partir du 4, le magazine avait commencé à devenir vraiment intéressant. Quand je suis parti, après le numéro 7, Eldorado était en plein développement : les annonceurs étaient présents, les abonnés étaient ravis… Mais disons qu’il y avait de gros désaccords avec le directeur de publication.
  • NICK DRAKE Five Leaves Left : Comme beaucoup, j’ai découvert Nick Drake à la fin des années 80 avec la compilation Heaven in a Wild Flower. C’est toujours fou de se dire qu’une œuvre aussi majeure ait pu rester ignorée pendant près de vingt ans et devenir aussi incontournable à partir de quelques rééditions. En tout cas, Five Leaves Left est son meilleur album, selon moi.
  • Goodfellas de MARTIN SCORSESE : Je crois qu’on a oublié à quel point Goodfellas était révolutionnaire, à l’époque. Pourtant, ce que Scorsese et Thelma Schoonmaker ont inventé là, ce système narratif en effervescence permanente et basé sur un scénario foisonnant d’infos et de personnages, sur une caméra toujours en mouvement, sur un montage hyper dynamique et une bande-son qui semble ne jamais s’arrêter, c’est vraiment du génie pur ! En tout cas, ce n’est pas un hasard si Scorsese a calqué un bon nombre de ses récits ultérieurs (Casino et The Wolf of Wall Street, notamment) sur ce modèle.
  • ELVIS PRESLEY From Elvis in Memphis : J’adore ce disque. Pour moi, c’est le sommet de la carrière d’Elvis et une synthèse de tout ce que j’aime : la soul, la country, etc. Et puis, ce disque marque aussi l’apogée du studio American de Memphis, celui où ont été enregistrés Dusty in Memphis, les disques des Box Tops et beaucoup d’autres… J’ai interviewé cinq ou six musiciens de ce studio ; tous étaient présents lors de l’enregistrement de ce disque. C’est toujours fascinant de les écouter et de se dire qu’ils ont enregistré avec Elvis et, surtout, qu’ils ont enregistré des trucs aussi extraordinaires que “Suspicious Minds”,“In the Ghetto” ou “Long Black Limousine”.
  • India Song de MARGUERITE DURAS : Je l’ai découvert très tardivement, mais je crois qu’avec Into the Abyss de Werner Herzog, India Song est le film qui m’a le plus impressionné ces quatre ou cinq dernières années. J’avais déjà beaucoup d’admiration pour Duras en tant qu’écrivain, bien entendu, mais je n’imaginais pas que son cinéma pourrait être aussi fort. Elle n’est vraiment pas un écrivain passé au cinéma ; c’est une cinéaste de première envergure ! Bref, depuis, j’ai hâte de découvrir le reste de sa filmographie.
  • THE BEATLES Pepper’s Lonely Hearts Club Band : Il était évidemment impossible de ne pas choisir un disque des Beatles. Pour moi, Sgt. Pepper est le dernier album sur lequel les quatre musiciens fonctionnent encore ensemble et vont dans la même direction. Je trouve que ce disque n’a rien perdu de son charme, sans doute parce qu’il a toujours eu, à la base, quelque chose d’un peu désuet et intemporel. Je trouve qu’il y a, dans ce disque, un enthousiasme et une spontanéité que les Beatles n’ont plus jamais retrouvés, ensuite. Même s’ils ont fait d’autres grands disques, bien entendu…
  • Sunset Boulevard de BILLY WILDER : Déjà, j’adore l’intelligence et la liberté de ton des scénarios de Billy Wilder. Pour moi, il a vraiment été l’un des auteurs les plus modernes de l’âge d’or de Hollywood. Et puis, Sunset Boulevard est un film extraordinaire dans lequel je retrouve à la fois le Hollywood classique et des œuvres plus contemporaines comme celles de David Lynch (qui a énormément puisé dans ce film). Bref, c’est un chef-d’œuvre.
  • BOD DYLAN Highway 61 Revisited : J’aurais pu en choisir un autre (Blood on the Tracks ou John Wesley Harding, notamment), mais celui-ci est quasiment son meilleur, donc… Je ne crois pas être fan de qui que ce soit, mais Dylan est un peu l’exception. En fait, même ses effondrements créatifs me semblent aussi intéressants, donc…
  • Les films français de LUIS BUNUEL : J’ai revu certains de ces films (ceux qu’il a écrits avec Jean-Claude Carrière), récemment, et je me suis régalé. En fait, j’ai réalisé que Le Charme discret de la bourgeoisie était sans doute l’un de mes films préférés, dans l’absolu, et que Buñuel était probablement parmi les cinéastes qui m’ont le plus marqué. En revoyant ces films, j’ai été frappé par leur intelligence, leur audace et leur légèreté. Sur le fond, un film comme Le Charme discret… est complètement subversif, iconoclaste et très politique, mais le ton badin et la légèreté du traitement permettent de tout faire passer avec humour et élégance. C’est malheureux à dire, mais, aujourd’hui, les films de Buñuel seraient certainement refusés partout. Ils ont été remplacés par les constructions enfantines et totalement inoffensives de Quentin Dupieux. C’est d’autant plus regrettable qu’un film comme Réalité, par exemple, ne parle de rien, sinon de l’esprit de son créateur, alors que ceux de Buñuel étaient, au contraire, entièrement axés sur le monde réel, un monde qu’ils ne cessaient de provoquer, de remettre en question, etc. Bref, tout ça pour dire qu’on n’a vraiment pas gagné au change.
  • CAHIERS DU CINEMA : J’ai été abonné pendant une douzaine d’années aux Cahiers. C’est vraiment la revue qui accompagné ma vie de cinéphile. J’ai aussi choisi cette couv’ à cause de Fassbinder, un cinéaste capital, selon moi.
  • Identification d’une femme de MICHELANGELO ANTONIONI : Antonioni est un de mes cinéastes préférés. Des films comme The Passenger, Zabriskie Point ou Le Désert rouge ont été de vrais chocs, à l’époque où je les ai découverts. Mais, avec le recul, je pense qu’Identification d’une femme est celui que je préfère, parce qu’à ce stade Antonioni avait fini par se libérer de toute forme de posture et son langage visuel, fait de temps morts, de silences et de visions parfois étranges et inattendues, avait fini par se fondre très naturellement dans son approche du récit filmé. Pour moi, Identification d’une femme est peut-être son meilleur film (avec L’Avventura), parce que c’est le plus personnel. Enfin, c’est mon avis…
  • DORIS DUKE I’m a Loser : J’ai toujours écouté beaucoup de soul. I’m a Loser est un chef-d’œuvre que j’ai découvert grâce aux commentaires élogieux de Dave Godin. Doris Duke n’a enregistré que trois albums au total, dont deux grands disques avec Swamp Dogg : celui-ci et A Legend in Her Own Time. I’m a Loser est une sorte d’album-concept centré sur une histoire d’adultère et, plus précisément, sur le personnage de la maîtresse, “The Other Woman”. Les arrangements de Swamp Dogg sont absolument hallucinants, l’interprétation de Doris Duke file régulièrement la chair de poule… Ce disque a déjà 45 ans. A un moment, il va bien falloir qu’il trouve son public, car c’est vraiment l’un des plus grands albums de l’histoire de la soul !
  • Dave Godin’s Deep Soul Treasures, vol. 1 : Cette compilation de ballades rares et absolument déchirantes est probablement l’un des meilleurs disques de soul que je connaisse. La sélection de Dave Godin est vraiment parfaite et m’a notamment permis, à l’époque, de découvrir des artistes comme Dori Grayson, les Knight Brothers ou The Incredibles. Les trois autres volumes de cette série, tous dirigés par Dave Godin, sont également indispensables, à mon avis.
  • PAPA M Whatever, Mortal : Voilà un disque complètement intemporel, à mi-chemin entre l’acid folk et une certaine forme de country ancestrale. Il y a aussi des traces de pop et de rock plus contemporains… J’aurais aimé que David Pajo aille un peu plus loin dans cette direction, même s’il aurait forcément été difficile de faire mieux que ce disque.
  • Shoah de CLAUDE LANZMANN : La découverte de ce film (dont je n’avais vu que des bouts), en salle, à l’Institut Lumière, pendant un long week-end, début 2010, reste l’un des grands moments de ma vie au cinéma. C’est évidemment un film d’une importance capitale sur le plan historique, mais c’est aussi une œuvre immense et un choc intellectuel dont on a forcément du mal à se relever.
  • SONGS: OHIA The Magnolia Electric Co : Je me souviens d’un concert incroyable dans un bar de Valence, l’Oasis, au printemps 2005, il me semble… Jason Molina et son groupe étaient là, entassés au fond du bar. Ils avaient livré, ce soir-là, un concert vraiment exceptionnel. Deux ans plus tôt, cet album avait été une vraie révélation pour moi. A l’époque, je suivais déjà Songs: Ohia depuis quelques disques, mais The Magnolia Electric Co avait complètement changé la donne. Le son était devenu très imposant, l’écriture plus fluide et très marquée par l’héritage de Neil Young et du Crazy Horse. Quant à Jason Molina, il était littéralement transfiguré. Je pense que c’est un disque qui restera comme un classique. Son public deviendra plus nombreux avec les années…
  • Coffret JACQUES ROZIER : Bien sûr, Rozier a toujours été en marge du reste de la Nouvelle Vague, mais je pense sincèrement que Adieu Philippine dit plus de choses sur son époque qu’un film comme À bout de souffle (ce qui, bien entendu, n’enlève rien au génie et à la modernité de ce film), par exemple. Je pense que, sur son premier film, au moins, Rozier était le plus mûr et le plus accompli des cinéastes de la Nouvelle Vague. Ensuite, le reste de sa filmographie est à la fois incontournable et complètement hors norme dans le cinéma français.
  • THE BEACH BOYS Pet Sounds sessions : J’aurais pu choisir l’album, puisque c’est un de mes disques préférés… Mais là, comme il fallait choisir des objets particuliers, j’ai opté pour le coffret des sessions, car il a l’avantage d’avoir été dédicacé par Brian Wilson, à l’issue d’une interview que j’avais faite en 1998, chez lui, à Los Angeles, pour le compte du magazine Rock & Folk. C’était mon premier reportage pour eux et disons que ça reste, forcément, un souvenir assez incroyable.
  • Les “Unes” de LIBERATION : Je fais sans doute partie de la dernière génération qui aura eu l’habitude de suivre l’actualité en achetant un quotidien quasiment tous les jours. Et, pour moi, ce quotidien était Libération. Ce livre sur les grandes “unes” de Libé est fascinant, car il rappelle à quel point les grands titres de presse ont su accompagner l’Histoire, la vie et l’évolution de la société. Evidemment, cette culture des “unes” s’est complètement perdue avec le développement des médias en ligne. Mais, disons que, chez Libé plus qu’ailleurs, ces “unes” avaient vraiment de la gueule !
  • Conte d’automne d’ERIC ROHMER : Pour moi, Rohmer est l’un des auteurs les plus importants de la Nouvelle Vague. Mais ce qui me frappe le plus chez lui, c’est que son cinéma est devenu de plus en plus passionnant, au fil du temps. Je pense que ses meilleurs films, en tout cas ceux que je préfère, ont été tournés entre le milieu des années 80 et la fin des années 90. C’est un cinéma subtil, très écrit, mais aussi remarquablement mis-en-scène, ouvert sur le monde et qui donne le sentiment qu’on peut parfaitement tourner de grands films avec très peu de moyens. Dans sa filmographie, j’aime beaucoup Le Rayon vert, L’Ami de mon amie et les contes des quatre saisons. Et, parmi ces derniers, Conte d’automne est peut-être celui que je préfère.
  • Itinéraire d’un ciné-fils de SERGE DANEY : Pour les cinéphiles de ma génération, la diffusion de ces entretiens dans les derniers mois de la vie de Serge Daney a été un événement marquant. Déjà parce que le document était, en lui-même, hypnotisant (Daney parlant seul dans le cadre, pendant plus de trois heures) et très émouvant (puisqu’on le voit déjà très affaibli par la maladie), mais aussi, bien sûr, à cause de leur qualité exceptionnelle. Naturellement, il y aurait beaucoup à dire sur lui, sur son histoire, sur ses combats… Souvent, je repense à ce qu’il écrivait sur l’évolution du cinéma et de la télévision, à l’époque (c’est-à-dire, bien avant le Loft et la télé-réalité), et je pense qu’il aurait été terrifié par ce qu’on peut voir actuellement (Mommy, Les Petits mouchoirs ou les dérapages de Zemmour analysés par Serge Daney, ça aurait valu le détour).
  • Le HITCHCOCK / TRUFFAUT : Ce livre a complètement changé ma vision des films d’Hitchcock et, plus globalement, du cinéma. Je ne suis pas spécialement fan de Truffaut comme cinéaste, mais son héritage critique et son œuvre de “passeur” restent incomparables. Et la filmographie d’Hitchcock est évidemment incontournable pour moi. D’ailleurs, dans cette photo, ce livre prend un peu la place de films comme Vertigo, North by Northwest ou Psycho.
  • KAREN DALTON It’s So Hard to Tell Who’s Going to Love You the Best : Je crois que ce disque est celui que j’ai le plus offert. La personnalité de Karen Dalton est évidemment fascinante à cause de son intransigeance, de son intégrité artistique, mais aussi à cause de cette voix exceptionnelle qui, inévitablement, rappelle celle de Billie Holiday. Cette histoire prendra bientôt une place un peu plus importante dans ma vie, puisque je m’apprête à sortir, en compagnie de la dessinatrice Ana Rousse, un roman graphique en noir et blanc sur la vie de Karen Dalton dans les années 60. Le livre paraîtra début 2017 chez Sarbacane.
  • Muriel ou le temps d’un retour d’ALAIN RESNAIS : J’adore les premiers Resnais. A première vue, on pourrait penser que Muriel est moins expérimental qu’un film comme L’Année dernière à Marienbad, mais je me demande si, au fond, il ne l’est pas tout autant. Bien sûr, il est plus narratif, mais le scénario écrit par Jean Cayrol est plein de trous, de non-dits et d’ellipses, à tel point que le récit et les personnages finissent toujours par vous glisser entre les doigts. Le montage de Resnais est hallucinant, aussi… En fait, c’est un film très vivant et très inventif sur des thèmes complètement angoissants et morbides comme la mélancolie, la dépression… Pour moi, c’est vraiment l’un des plus beaux films du cinéma français.
  • KRIS KRISTOFFERSON Kristofferson: Comment ne pas être fan de ce mec ? Il a écrit des chansons exceptionnelles (“For the Good Times”, “Help Me Make It Through the Night”, “Me and Bobby McGee”, etc), il a joué dans des films comme Heaven’s Gate, Bring Me the Head of Alfredo Garcia, Pat Garrett & Billy the Kid… Bref, sa carrière parle pour lui. Mais ce disque, son premier, est un chef-d’œuvre. Là encore, il s’agit d’un album qui m’accompagne depuis plus de vingt-cinq ans…
  • Seinfeld: Je suis complètement intoxiqué avec cette série. J’ai dû voir la plupart des épisodes cinq ou six fois chacun, George Costanza et Cosmo Kramer sont deux de mes personnages préférés au monde et je crois qu’il n’y a pas beaucoup de situations de la vie que je ne relie pas, spontanément, à des situations de Seinfeld. Bref, c’est génial !
  • LEONARD COHEN Songs from a Room : Mes parents avaient ce disque, donc je peux dire qu’il m’accompagne depuis l’enfance et que ses chansons ont, fatalement, une résonance très lointaine pour moi. Sinon, bien entendu, il s’agit d’un album fabuleux qui contient certaines de mes chansons préférées comme “A Bunch of Lonesome Heroes” et “Story of Isaac”.
  • Five Easy Pieces de Bob Rafelson : Ce film m’accompagne depuis la fin du lycée. Bob Rafelson n’est pas un grand réalisateur, mais Five Easy Pieces résume parfaitement la mélancolie d’une certaine partie du cinéma américain des années 70 (Rain People de Coppola est aussi intéressant, de ce point de vue). Ce n’est pas un chef-d’œuvre, mais la vérité qui se dégage de chacune de ces séquences compense largement les faiblesses de la mise-en-scène. C’est aussi l’un des meilleurs rôles de Jack Nicholson. D’ailleurs, la fin du film a plus ou moins servi de base au scénario de The Passenger d’Antonioni. Ce n’est pas rien…


Cédric Rassat
Mars 2016

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Emmanuel Tellier

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LES ESSENTIELS D’EMMANUEL TELLIER

Mes objets fétiches, de gauche à droite :

Guitare électrique Gretsch SilverJet, un modèle US (what else… ?) acheté au début des années 1990 à Los Angeles. J’étais là-bas pour une interview de Frank Black, au moment de la fin des Pixies. C’est la guitare dont je me servais le plus pendant les concerts de Melville… Puis, après Melville, je me suis remis au piano, qui était mon instrument d’enfance, et j’ai (plus ou moins) rangé mes guitares, mais celle-ci n’est jamais très loin.

La petite chose en plastique rouge posée sur l’extrémité gauche, au dessus du vibrato, c’est ma fille Juliette imprimée en 3D. Cadeau de sa part pour mon anniversaire (oui je sais, c’est assez original…)

Juste à côté, deux touches de piano en ivoire, qui figuraient, du temps de sa splendeur, sur le clavier d’un piano à queue sur lequel a joué David Bowie (et tant d’autres). Ce piano est une ruine aujourd’hui. Pourquoi j’ai ces touches chez moi aujourd’hui… je ne peux pas le dire ici.

Au dessus, une tasse du studio Abbey Road, souvenir de la fantastique journée passée au studio avec Fabien (Tessier) pour le mastering de notre album « Songs of popular appeal ».
Un peu plus haut, une vieille photographie ramenée d’un voyage dans le Tamil Nadu, en Inde. Un peu plus bas posé sur la table, se trouve un rickshaw en format miniature. Deux objets fétiche d’Inde, pays très représenté chez nous.

A l’angle droit bas de la photo, une pierre taillée d’Utah – une « sandstone » – trouvée à Moab, dans ce magasin extraordinaire (si vous êtes allé à Moab, vous connaissez l’endroit).

Les objets que je viens de citer (de « ma fille en 3D » à la sandstone d’Utah) figurent dans une sorte de petit musée perso posé au dessus de mon piano, chez moi. C’est mon « wonderwall » horizontal, un petit territoire de choses perso que j’aime avoir sous les yeux quand je joue.

Toujours sur cette vieille boite de jeux en bois (un jeu de construction) que j’aime aussi beaucoup, la pochette de « Rank » des Smiths en CD.  Elle est signée par un grand échalas à lunettes nommé Morrissey qui m’a juré, ce soir-là (c’était à Newcastle, backstage après un concert), avoir été le chanteur du groupe. Ne connaissant pas bien le groupe, je l’ai cru sur parole…

(Note aux neuneus : je plai-san-te, les Smiths, c’est ma vie – ou la première partie de ma vie, au minimum).

Ensuite, trois livres… Même si je ne suis pas un grand lecteur, je dévore les récits historiques, ultra-documentés, autour d’aventures et explorations (comme ce « Scott and Amundsen » vertigineux), et j’achète parfois des livres pour le graphisme de la jaquette (« Sentinels of the North Pacific » acheté en Californie) ou pour ce qu’ils représentent dans une culture spécifique (l’auteur Zane Grey, 1872-1939, héros des jeunes lecteurs américains amoureux des grands espaces). Même chose que pour les petits objets fétiche cités plus tôt : j’ai besoin d’avoir ces livres sous les yeux pour écrire des choses, sentir des mélodies, avancer dans les chansons. J’ai besoin de cet environnement visuel.

Pour finir, sur le devant : un vieux puzzle des Etats-Unis d’Amérique, déniché dans une brocante en Caroline du Nord il y a plus de vingt ans (et sans doute mon objet préféré parmi tous), et nos deux copains Haddock et Tintin, parce que c’est en dévorant les albums d’Hergé, enfant, que m’est venue le désir de voir le monde et de m’y balader dès que possible (ce que j’arrive à faire assez souvent grâce à mon métier – un privilège que je mesure chaque jour – pourvu que ça dure, inch’Allah, namaste, good night).


Emmanuel Tellier
Octobre 2017

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Mathieu Persan

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LES ESSENTIELS DE MATHIEU PERSAN

Livre /La couleur du souvenir” de Geoff Dyer
Je ne suis pas un grand lecteur. Toujours est-il que ce livre est peut-être celui qui m’a le plus touché. Sans doute parce que son propos me parlait particulièrement à l’époque où je l’ai lu.
C’est l’histoire d’une bande d’amis à Londres dans les années 80. Pas vraiment marginaux, pas voyous, mais juste inadaptés pour le monde « normal » qu’on leur propose. Je ne l’ai pas relu depuis longtemps, mais je me souviens du style particulier de Geoff Dyer, de la musique omniprésente, des images, des couleurs, de l’humour. Il a aussi écrit un autre roman, qui se passe Paris dans le XIeme arrondisement, que j’avais beaucoup aimé. Incontestablement, c’est un livre qui m’a beaucoup marqué.

Disque / The Divine Comedy – Casanova
Difficile de parler simplement de ce disque, tant Neil Hannon est une personne d’une importance capitale dans ma vie. Cela peut passer pour un propos un peu adolescent, mais ma vie n’aurait pas été la même si je n’avais pas connu sa musique.
J’ai découvert The Divine Comedy vers 18 ans, à une période où je n’étais pas très bien dans ma peau. Voir qu’un petit irlandais, composant et enregistrant ses chansons presque seul, pouvait produire une musique si brillante et capable de me parler avec tant de justesse, d’humour et d’ironie, a été une véritable inspiration.
Cette soif de reconnaissance, qu’on peut sentir dans ses trois premiers disques, cette posture de séducteur qu’il prend dans Casanova, quand il semble avoir pris sa revanche sur le monde, cet apaisement teinté de mégalomanie dans les disques suivants, m’ont poussés. Après tout, peut-être que moi aussi je pouvais faire quelque chose.
Cela faisait longtemps que je n’avais pas écouté ses disques mais dernièrement, je me suis replongé dedans. L’émotion est intacte. En dehors d’avoir l’impression de retrouver une époque lointaine, j’ai à nouveau trouvé, 20 ans après, des phrases qui m’ont parlées comme jamais. Une résonance parfaite avec des événements que je vis. Je crois que Neil Hannon m’accompagnera toute ma vie. J’aimerais bien, un jour, prendre un café avec lui juste pour lui dire ça !

Audrey Hepburn
Regardez Vacances Romaines, Breakfast at Tiffany’s, Funny Face, Sabina et il n’y a pas grand chose à ajouter. Audrey Hepburn, c’est l’incarnation de l’élégance et de la bonté. A la fois, brillante à l’écran et tellement généreuse et portée vers les autres dans la vie, elle était quelqu’un de tout à fait exceptionnel. J’ai découvert ses films grâce à une chanson de The Divine Comedy (A Woman of the World sur l’album Casanova qui raconte l’histoire de Breakfast at Tiffany’s).
Toujours à cette période de pleine construction, vers 20 ans, je me souviens m’être inventé une vie. J’avais régulièrement rendez-vous avec elle. Nous allions au cinéma ensemble dans le quartier Latin regarder ses films. A l’époque, il n’y avait pas Spotify ou Deezer, et j’avais trouvé par hasard, chez un disquaire d’occasion ce disque sur lequel se trouve la version de Moon River qu’elle chante juste accompagnée d’une guitare dans Breakfast at Tiffany’s. J’avais l’impression d’être le seul au monde à posséder ce disque. En plus d’avoir Audrey au cinéma, je l’avais aussi à la maison. Le bonheur.

Ordinateur / Souris
L’élément central de mon activité aujourd’hui. Je ne vis pas de l’illustration, j’ai un travail alimentaire qui me prend beaucoup de temps. Du coup, être mobile, avoir toujours sur moi mon ordinateur, me permet de travailler à ma passion dés que j’en ai le temps. J’aime travailler dans différents endroits. C’est très inspirant. On devrait tous travailler dans des cafés, je suis sur que tout irait mieux !
J’ai une relation affective à cet objet. J’ai été élevé dans une sorte d’angoisse du lendemain, où la stabilité absolue était fondamentale. Un travail stable et « normal » étant un des éléments centraux. Mais, je n’ai jamais adhéré à ce principe ; depuis la première minute où j’ai mis les pieds dans une grande entreprise, mon souhait a été d’en sortir. Ça fait presque 15 que je me bats pour ça. Sortir de ce système aliénant et absurde.
Il y a un an, mon activité de graphisme s’est mise à me prendre plus de temps. J’ai eu besoin d’un ordinateur pour travailler entre midi et 14h, et ma mère m’a fait un gros chèque pour m’aider à le payer. Une vraie marque de confiance, qui m’a terriblement touchée et même libéré. Une façon de dire, « je te fais confiance, fonce ». Ma mère n’est plus là aujourd’hui, mais je fonce, et j’essaye de tendre vers mon idéal : ne plus dépendre d’un employeur, être indépendant, et vivre libre.

Embouchure de trompette, médiator, balais de batterie
La musique a toujours été un élément fondamental dans ma vie. Écrire des chansons, les enregistrer, les jouer sur scène, tout cela a occupé une grande partie de ma vie entre 18 et 27 ans. Sans renier ce que j’ai fait à ce moment là, il est vrai que j’ai pris beaucoup de recul par rapport à tout cela.
L’amour de la musique est toujours intact, cette passion pour les instruments, cette volonté de toujours vouloir en apprendre de nouveaux ne m’ont jamais quitté. Du coup, il y a trois ans je me suis mis à la trompette et à la batterie, pour un projet de comédie musicale. Au final, je ne maitrise aucun instrument parfaitement, très loin de là ! Mais je sais en jouer suffisamment, pour prendre du plaisir et créer ce que j’ai envie de créer.
Au final, je joue de la guitare, du piano, de la basse, de la batterie, de la trompette, de la clarinette, du sax… mais j’ai de moins en moins de temps pour m’amuser, avec tout ces jouets formidables !

Papier, crayon et café
Les illustrations, ça commence toujours par un croquis sur du papier blanc bien lisse avec un (bon) café. J’utilise des criteriums Pentel 0,7, que je charge avec des mines bleues par pur snobisme.
La phase de recherche est une des plus intéressante. On cherche, on tourne autour de l’idée, on réfléchi, c’est un vrai exercice, autant intellectuel qu’artistique. Et puis, l’avantage énorme, c’est que dessiner, on peut le faire partout, même dans l’open-space d’une société côté en bourse.
Il y a 5 ans, je ne savais absolument pas dessiner. J’ai tout appris au bureau ! Pareil avec le logiciel Illustrator, l’outil que j’utilise sur ordinateur pour faire mes images. J’ai appris sur des tutoriaux en ligne. Internet, c’est quand même formidable. Quel que soit ce qu’on veut apprendre, il y a presque toujours quelqu’un quelque part qui a écrit un article ou fait une vidéo pour expliquer comment faire !

New York
La ville qui a attisé tout mes fantasmes depuis ma tendre enfance. Jusqu’à il y a 3 ans, j’étais totalement paniqué à l’idée de prendre l’avion. Et puis, j’ai réussi à prendre le dessus.
Je me suis donc rendu à New York et que dire… Cette ville est fascinante. Une bête gigantesque en perpétuel mouvement, aussi insalubre que moderne, aussi violente que chaleureuse.
Et puis New York, pour un petit français, c’est tout l’imaginaire qui va autour. C’est se promener dans des films, vivre une autre vie. C’est l’Art Déco partout, dans les moindres détails. Une source d’inspiration infinie.

Comédie musicale (au Châtelet)
Je ne me souviens plus de la première comédie musicale que j’ai vu là-bas… Ce que je peux dire avec certitude, c’est que c’est en sortant d’un spectacle comme celui-ci, que j’ai su ce que je voulais un jour faire dans ma vie. Cette sorte d’accomplissement absolu qu’on a tous, mi-fantasme, mi-réel pour lequel on serait prêt à tout.
J’y travaille depuis 4 ans maintenant. J’ai écrit le scénario, les chansons et fait les images d’une comédie musicale illustrée qui se passe à New York dans les années 30. Je travaille avec la société de production Camera Lucida sur ce projet. Même, si le fait de monter ce projet sur scène n’est pas à l’ordre du jour, c’est un projet qui m’anime plus que tout. Si j’ai un rêve, ultime, ce serait de pouvoir m’asseoir un jour au premier rang des corbeilles, parfaitement au centre, au théâtre du Châtelet et assister à ma comédie musicale. Rêvons encore plus, Neil Hannon pourrait y tenir un rôle !
Je regrette tellement aujourd’hui, de voir que les créations de ce genre de spectacles ne vont que vers la basse variété. A part le Châtelet, qui ose monter avec un talent inouï,  les joyaux du Broadway des belles années, la comédie musicale est devenue un genre de variété TF1.

Costa Café
La carte de fidélité du Costa café, élément fondamental ! Je vais souvent y travailler sur le boulevard des italiens. C’est en face de mon travail alimentaire, le café y est bon, les gens sympas, c’est très propre et confortable. Bref, l’endroit parfait pour aller travailler sur des projets qui ont du sens, pendant la pause syndicale. Attention toutefois, prévoir un casque, la playlist y est absolument insupportable (mais j’en ai touché deux mots au manager.

Gonzaï
Je ne peux pas séparer Gonzaî de son fondateur, Thomas. Je dois énormément à notre collaboration. Lorsque j’ai commencé à travailler sur ma comédie musicale illustrée, j’ai proposé à Thomas de faire des dessins pour Gonzaï. Quelque mois plus tard, il m’a appelé et m’a dit : « il reste un page dans le prochain Gonzaï, fait ce que tu veux mais c’est pour dans deux jours ».
De fil en aiguille, nous avons collaboré de plus en plus souvent et un jour je me suis décidé à lui parler de mon projet. Il m’a convaincu de commencer à en parler. Sans lui, je n’aurais jamais rencontré toutes les personnes qui m’aident à essayer de faire exister ce projet.
Par ailleurs, Thomas m’a fait confiance sur Gonzaï pour faire les couvertures et pas mal d’illustrations intérieures. Cette visibilité a été déterminante pour mon activité. Je peux dire que sans Gonzaï, je n’aurais pas la vie que j’ai aujourd’hui.

Reza – Tornado
J’ai rencontré Reza un peu par hasard sur Facebook car il souhaitait illustrer son nouvel album, Tornado. Il m’a contacté, nous avons déjeuné ensemble et j’ai tout de suite été sensible à sa démarche, son disque, son envie. Il m’a dit « Je veux quelque chose de différent, je fais de la musique avec mon coeur, et ça me fait de la peine qu’elle finisse dans une boite en plastique impersonnelle.”  J’ai été très touché qu’il pense à moi.
Je sais ce que c’est que de faire un disque et je sais que le visuel est très important. C’est le premier contact qu’on a avec la musique et c’est fondamental de servir au mieux l’atmosphère. Au final, j’ai créé un boitier en bois, qui fait aussi office de cadre dans lequel on peut présenter l’illustration que l’on souhaite, car chaque chanson a été illustrée. C’est un projet dont je suis très fier. Du vrai artisanat, tout a été fait à la main. Les boitiers ont été découpés au Laser dans un Fablab, les défonces pour insérer le disque ont été faites à la main par mon père et ensuite, j’ai procédé au montage et au marquage de chaque boitier, un par un.
Ce mode de fonctionnement correspond vraiment à un genre d’idéal : plus besoin d’usines, de sommes d’argent gigantesques, juste beaucoup d’envie, des idées, des gens qui travaillent ensemble dans le but final de créer un bel objet.

Montre
J’adore les vieilles montres. J’aime le design des années 40/50. Le fait que le mécanisme soit manuel, et, ce mouvement si particulier de la trotteuse, qui donne au temps un côté plus vivant que cet inquiétant battement du quartz.
Et puis la montre, évidement, c’est le temps. Et plus j’avance en âge, plus il semble s’accélérer et plus j’ai la sensation que chaque seconde est comptée. Il y a tant de choses que je veux encore faire, apprendre, tant de lieux que je voudrais visiter, qu’il n’y pas une seconde à perdre.


Mathieu Persan
Février 2016

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Candice Nguyen

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LES ESSENTIELS DE CANDICE NGUYEN

           1- Tout ce qui figure hors cadre (finalement)
le bleu du ciel et solaires les éclats de rire des amis, des enfants
abondante la lumière sur le mur à la fin du jour et le sel sur la peau : la mer toujours recommencée cette
contemplation quotidienne du crépuscule qui saisit le ciel et la ville, jamais ne se répète mais toujours
module le fil des pensées et l’espace du soir qui vient (une à une les lumières des immeubles qui
s’allument, les conversations et les vies qu’on imagine reprendre, là, au chaud, sous nos yeux)
l’air dans les branchies et les brasses coulées,
nager nager débusquant les poches d’eau froide dans la mer chaude
un paquebot à l’horizon qui s’éloigne, d’autres au matin qui arrivent (l’importance de la vue de chez soi
comme un des signes rappelant cet essentiel : l’ouverture de soi sur le monde et le monde qu’on accepte
de laisser rentrer à l’intérieur de soi)
le dédale des villes portuaires et les scintillements le long de la côte
et les balades citadines ici et là, et là (cf. audio en bas de page)
le vent —
le vent qui détend la fatigue sous crâne et adoucit, réveille ou rend fous les coeurs (c’est selon) ;

           2- la musique en permanence qui se déploît et occupe tout l’espace, depuis les grands classiques aux projets qui se font aujourd’hui, à la maison, dans la rue, dans le train, tout le temps, partout, les concerts et festivals comme rendez-vous ;

           3- des livres et des mots en pagaille, l’impossibilité de n’en retenir qu’un, essentiel que cela soit en pagaille ;

           4- de quoi photographier le temps, les états de lumière et les gens — compact de préférence ;

           5- les accessoires constituant : noir sur les yeux et rouge sur les ongles, les perles et l’insolence autour du cou, les lunettes (les plus grandes du magasin de préférence), le perfecto — la ventoline ;

           6- les clés du 2 roues, traverser la ville d’un bout à l’autre en toute liberté ;

           7- le passeport… toujours prête au départ ;

           8- le café noir fumant au matin, le citron vert qui le précède ;

           9- un film : le Doulos de Melville (et l’addiction pour Belmondo jeune) ;

           10- des revues contemporaines permettant de poser des mots sur nos tentatives de déchiffrer ce monde et de nous donner quelques clés pour continuer ;

           11- des baskets en pagaille (ce pourrait être des boots aussi) ;

           12- le piano délaissé (donc absent de l’image), et pourtant vital ;

           13- le travail des artistes, publiés, exposés, soutenus ;

           14- l’ordi… et sa connexion web, porte ouverte sur tant, et creuset de mon écrilire ;

           15- essentiel, que la vie soit tout ce bordel qui déborde…


– Autopsie du bordel –
de haut en bas, gauche à droite.

(2) (13) Oiseaux-Tempête – Debut

(2) Godspeed You ! Black Emperor – f♯a♯∞
(2) (13) Valparaiso with Phoebe Killdeer – Winter Sessions
(2) A Silver Mount Zion – He has left us alone but shafts of light sometimes grace the corner of our rooms
(3) Carte postale du CiPM, « Pour écouter l’étoile de Copernic »
(2) Crosby Stills Nash & Young – Four way street
(2) Neil Young – Live at Massey Hall 1971
(13) Hélène Pé, « Snark », oeuvre originale
(1) Enfant – Pirate
(3) Carte postale représentant une répétition de « Coléoptères & Co » de Bernard Heidsieck par Paul-Armand Gette – 1964
(3) Hervé Guibert, Photographe, Texte de Jean-Baptiste Del Amo
(3) Hervé Guibert, L’image fantôme
(10) Revue Le Tigre
(10) Revue L’Impossible
(14) Ordinateur portable Pomme
(2) The Legendary Tigerman – Femina
(2) Nikolai Lugansky – Rachmaninov, piano concertos nos. 1&3, Birmingham symphony orchestra Sakari Orano
(3) Carte postale du CiPM, « marseille[e]s »
(3) Patrick Boucheron & Mathieu Riboulet, Prendre dates, Paris, 6 janvier-14 janvier 2015
(3) Patti Smith, Just Kids
(3) André Velter, L’Arbre Seul
(3) Louis-Combet, Blesse, ronce noire
(3) Hervé Guibert, Fou de Vincent
(3) Eugène Savitzkaya, Marin mon coeur
(3) Jean-Philippe Toussaint, Fuir
(3) Marguerite Duras, Les Yeux bleus cheveux noirs
(3) Herman Hesse, Description d’un paysage
(3) Jean-Christophe Bailly, Le Versant animal
(3) Jean-Christophe Bailly, Panoramiques
(3) Jean-Michel Maulpoix, Chutes de pluie fine
(3) Jean-Michel Maulpoix, Un dimanche après-midi dans la tête
(3) Nicolas Bouvier, Journal d’Aran
(3) Jacques Dournes, Forêt, Femme, Folie
(3) Vassili Golovanov, Eloge des voyages insensés
(3) Pierre Bergounioux, Carnet de notes
(3) Rifaat Sallam, Pierre flotte sur l’eau
(3) Hervé Guibert, Le Mausolée des amants, Journal 1976-1991
(3) Philippe Jaccottet, Paysages avec figures absentes
(3) Dimitri Bortnikov, Repas des morts
(11) Paire de baskets new-yorkaises avec son petit #pointlune
(5) Collier de perles du Vietnam, « Insolence » (parfum), « Hypnôse Star eyes – Saphir noir » (ombre à paupières « étincelante & sophistiquée » , sic !) « Captain 750 » (vernis à ongle rouge)
(8) Tasse à café, citron vert
(3) Philippe Jaccottet, Oeuvres Pléiade
(4) Appareil photo numérique
(7) Passeport
(5) Ventoline
(4) Appareil photo argentique
(5) Perfecto
(5) Lunettes de vue et solaires
(9) Le Doulos de Jean-Pierre Melville
(6) Clés du scooter
(2) Lecteur mp3
(2) The Legendary Tigerman – Naked Blues

(Support : fauteuil vintage de ma regrettée voisine de palier R. Félicité T., 1921-2016)



Candice Nguyen
Février 2016

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Elian Chrebor

My essentials for Stereographics © Elian Chrebor

LES ESSENTIELS D’ÉLIAN CHREBOR

Dix objets.
Qui représentent des instants que j’ai aimés, que j’essaie de reproduire.
Des échanges, des rencontres.

La photographie est bien sûr présente. Qu’a-t-on trouvé de mieux pour les figer, ces instants ?
J’ai posé mon appareil. Un petit reflex sur lequel j’adapte de vieux objectifs. Il y a aussi cette carte postale d’un dodo naturalisé. C’est la première de mes photos que j’ai souhaité, que j’ai osé partager. Elle m’est revenue un jour, retouchée par le peintre Dominique Spiessert. J’étais fou de joie !

Pas loin de la photo, il y a la musique.
Le jazz en particulier.

Le jazz, c’est une façon d’être. La virtuosité au service de la déconstruction, de la reconstruction, de l’improvisation. On ne sait jamais où on va, mais on sait que le voyage sera sujet à découvertes. Plus que les musiciens, c’est leur musique que j’essaie de photographier. Ce qu’ils en font, comment ils la ressentent.

La photo, c’est aussi les voyages. L’Iran, cet Orient fantasmé par mes lectures occidentales. La douceur d’Ispahan, les jardins de Fin à Kashan. C’est un pays changeant. Une jeunesse séduisante et des contrastes dérangeants.

Deux autres livres sont posés là. Voyage au bout de la nuit. Parce que Céline, comme Montherlant, Cioran ou Duras, fait partie de ces écrivains qui m’accompagnent depuis 30 ans. Et puis un recueil de poésies de Verlaine, magnifiquement relié.
Sans être bibliophile, j’aime les beaux livres. Ceux qui ont une histoire. Les grands papiers. Les envois. Les illustrés. Roger Bezombes fait partie des illustrateurs qui me touchent. J’étais très heureux de chiner cette carte de vœux lithographiée.

Le portrait en pied de Marinetti m’a été (aban)donné par Bobig. J’ai participé, sans le vouloir, à la création de cette peinture. Bobig est sans conteste le plus grand artiste contemporain du dimanche ! J’aime sa perception de l’art et de la création : “L’Art c’est n’importe quoi et c’est tant mieux.”

En guise de point final, une tasse à café.


Elian Chrebor
Février 2016

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