Colline Gaspard

LES ESSENTIELS DE COLLINE GASPARD

« Mes Essentiels » ? Oh ! J’ai tellement d’objets autour de moi ! Des trouvailles, des cadeaux, de belles pièces, uniques, vintage ou à l’inverse tellement kitch !!! Des cartes, un ruban, une boite, un lapin blanc comme peluche d’enfance, une poterie, un serre-livres, une boule à neige, une tasse à thé, des montres jamais à la même heure, un truc gagné à une fête ou un autre trouvé quelque part… De jolies choses qui me relient à une personne, un moment particulier, une histoire.

Mais « Mes Essentiels », c’est un objet avec moi, un prolongement de moi, et pas seulement autour de moi. Des Essentiels dans le creux de ma main…

Un couteau, des couteaux. Non pas pour me défendre, mais au contraire pour apprivoiser mon inconnu. Vérifier si la cuisson du gâteau est bonne, trancher un morceau de pain, couper du fromage et du saucisson (évidemment !), cueillir un champignon à son pied, décacheter l’enveloppe d’une lettre, tailler deux lettres enlacées… La lame est tranchante, affûtée régulièrement. Le bois est cajolé. J’aime leur couleur et leur essence, différentes de l’un à l’autre, tellement singulières. Le Genévrier est mon préféré. Dans la paume, il y a toujours sa signature, la fragrance épicée du poivre. Sa couleur sable est douce et sensuelle. Chez Nous, offrir une pièce en échange d’un couteau comme cadeau est la promesse de ne pas se faire mal et de ne jamais couper le lien.

Du papier et beaucoup de carnets ! Du papier et ses textures, lisses, velours, gaufrées ! Des carnets de tous les formats, avec une couverture confectionnée par mes soins ou déjà toute de beau corps vêtu !!! Des carnets pour coucher des phrases, décrire une scène quotidienne ou entr’aperçue, reporter un mot que je ne connais pas. Du papier pour coller ! Ce carnet (Oh ! Un Cacharel !) est le cadeau que m’avait offert mon meilleur ami de troisième. Il devenait un trésor qui perdure encore aujourd’hui puisque j’y colle tous mes tickets de cinéma depuis… 1988 !!! Je suis indéniablement une enfant de la télé. Mais aussi du cinéma. Mon père avait plaisir à m’y emmener. Un plaisir que j’ai toujours dès que deux trois heures s’offrent à moi. J’ai une affection toute particulière pour les films du Nouvel Hollywood, les Westerns, mais aussi les Thrillers et les Comédies Classiques. Le cinéma m’a permis de découvrir la musique qui pendant très longtemps a été absente de mon quotidien. Enfant du silence peut-être. Celui qui regarde et se tait.

Du papier aussi pour couper et plier ! L’Origami est un amusement certain, mais qui a l’exigence du pli ! C’est fantastique toutes les créations qui naissent d’une seule feuille de papier ! Avec mon frère, gamin d’un an de différence (mais toujours la plus grande je resterai !), nous avions chacun nos pliages de prédilection : lui les grenouilles pour faire des courses comme d’autres en faisaient avec des automobiles, moi des carrés magiques pour connaître les préférences de chacun ! Aujourd’hui, j’en fais toujours, comme les diseuses d’aventure, mais pour n’en distribuer que de bonnes…

Du papier et des crayons de papier !!! Il y en a plein. Et j’en ai plein ! C’est facile de rapporter cela d’un voyage ! Les choisir ? Un plaisir ! Ils sont coquets avec leur costume. Avec le crayon papier, le mot est toujours là, le croquis aussi. Les détails viennent après. En juin 2018, une librairie mettra en vitrine quatre ou cinq toiles d’un projet personnel intitulé « Synesthésie27 » où il est question de liens. D’empreintes. Indicibles. Mais sensibles.

Des allumettes. Pour prendre le temps d’allumer une bougie, de faire un feu, de brûler l’inutile…

Un livre, et d’autres à l’infini… Compagnon de l’enfance, où j’étais souvent seule à me balader dans la campagne avec mon chien, ou de l’adolescence passée avec enthousiasme en internat, il est indispensable. Il est un Ailleurs, un exutoire, un confident de confidences, un recueil de ce que je ne connais pas, un puits profond à sonder, encore et encore…

Un centimètre. Pour mesurer, créer, vérifier. Mesurer la distance parcourue aussi. Le vocabulaire associé à la couture est tellement élégant « Lisière » « Entre-deux », « Coudre en mourant »… Des expressions délicates comme le travail de précision que demande cette discipline pour une belle confection. Des couleurs et des matières aussi.

Un jeu de 54 cartes et une toupie ! Un jeu de 54 cartes pour toutes les possibilités de jeu improvisées avec les poteaux ou les enfants, sur la plage ou dans un train, à l’heure de l’apéro ou pendant les temps calmes. Une toupie car cet objet est magique ! Il est comme un globe terrestre sur son axe ! Son mouvement rotatif impose une véritable réflexion et dextérité pour celui qui veut en créer !!! Des formes et des matières, encore… Celle-ci, je l’ai dégotée sur un marché. Une toupie à bar pour savoir qui offre sa tournée. Enfin, c’est selon la règle imposée ! Et puis une toupie me ramène toujours à la fin de ce film « Inception » de Christopher Nolan (dont je vénère « Interstellar ») : rêve ou réalité ?

Un harmonica. Indéniablement, mon essentiel le plus récent de tous. Comme tous les ados qui se respectent et qui se moquent gentiment de leur « daronne », il m’a été offert par mes enfants. Des années 2001 et 2002, la country et tout le folk qui entourent cet objet leur sont bien inconnus malgré toutes mes tentatives de séduction ! C’est un bijou. Celui du voyageur. Et puis l’idée que ces conquérants le rangeaient dans leur poche, côte à côte avec leur colt, c’est « so lovely » !!! L’instrument de tous ceux qui ont en eux une nostalgie façonnée par la quête, l’espoir, le trouble, le manque. Des musiques comme celles de Townes Van Zandt, Gene Clark, ou de bien autres songwritters porteurs d’une beauté grave…

Les plis. C’est abstrait et tellement présent ! Ceux des rideaux, des étoffes, d’une couverture, d’un foulard. Rien n’est linéaire. Rien n’est certain. Il y a des cachettes. Mille et un chemins pour y accéder. Des coins et des recoins. Je suis certaine qu’il est encore question de lapin blanc…

L’appareil photos, le téléphone portable, l’ordinateur sont des outils incontournables dans mon travail. Dans presque tous les métiers d’ailleurs. Savoir les maîtriser, connaitre leur fonctionnement, en user régulièrement sont devenues des attitudes indispensables. Mais ces objets ne le sont pas dans mon quotidien personnel.

Je range tous ces essentiels dans mon sac en cuir ou dans un panier en paille.

Il fait beau ! C’est bientôt le Printemps accompagné de la caresse câline du soleil ! J’attache la bride de mes escarpins salomés (les boots et les bottes sont réservées à l’automne et à l’hiver), du rouge « Paris », « London » ou « Roma » aux ongles (comme une vraie « déclaration de bonne humeur »), et me voici en route ! Il y aura bien une terrasse ou un coin au chaud pour se retrouver.

Sandrine
En Auvergne, IV’18…


“Price”, quelques pages plus loin :  “Au seuil de la mort, je ne penserai pas au yacht que j’aurais pu m’acheter : je penserai aux régions inexplorées, aux amours que je n’ai jamais avouées, à toutes les émotions et idées que j’ai encore en moi et qui disparaîtront quand on me mettra six pieds sous terre. Vous n’avez qu’une chance pour cette chose qu’on appelle la vie”.
Steve Tesich, mai 1996

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David Cairat

LES ESSENTIELS DE DAVID CAIRAT

“J’ai choisi d’introduire chacun de mes essentiels par un extrait de chansons qui me tiennent à cœur et qui expriment à leur façon le sens ou l’importance que ces essentiels revêtent à mes yeux, un peu comme des haïkus musicaux.”

Ma pile de livres rock
“Our aspirations… are wrapped up in books”.
Extrait de: “Wrapped up in books” par Belle and Sebastian, sur l’album: “Dear Catastrophe Waitress”.

“Écrire sur la musique, c’est comme danser (sur) de l’architecture. C’est quelque chose de très stupide.”  Cette phrase attribuée à Frank Zappa m’a toujours interpellé. Comment (d)écrire l’indicible : la ligne de basse de Joy Division, le motif d’une fugue de Bach, ce moment dans le concert qui te prend aux tripes ?  Qu’elles soient écrites avec passion, bonne ou mauvaise foi, maladresse, en quelques lignes sur un blog ou dans une exégèse de centaines de pages, je ne me lasse pas de lire les émouvantes tentatives de ces auteurs, modernes Sisyphe au service de la cause musicale.

Mon horloge vinyle
« Le temps me laisse passer, je lui dis : après toi”.
Extrait de : « Après toi », par JP Nataf sur l’album : “Clair”.

Cet objet chiné à Londres est au croisement de deux de mes obsessions, le temps (ou plutôt la ponctualité) et la musique.  Je cours tout le temps pour être à l’heure. J’arrive non pas à l’heure pour le concert. Non pas à l’heure pour la première partie du concert. Non pas à l’heure pour l’ouverture des portes de la salle. J’arrive avant l’ouverture de la salle. Et j’attends. Patiemment. Remplacer “salles de concert” par (au choix) : gare, aéroport, cinéma … Ca fait des années que ça dure.

Mon chat
“Chat, Petit fauve, Dieu des alcôves”
Extrait de : « Chat », par Brigitte Fontaine sur l’album : « Les Palaces ».

C’est le plus récent de mes essentiels. Il s’est imposé à la vitesse de l’éclair. Une belle bête avec boîte à miaou intégrée et moteur à ronron en parfait état de marche.

Mon DVD de Phantom of the Paradise
“Dream a bit of style. We’d dream a bunch of friends. Dream each others’ smile. And dream it never ends”
Extrait de : « Faust », par Paul Williams sur la Bande Originale du Film.

Un essentiel qui intersecte plusieurs de mes passions : cinéma américain des années 70, rock, comédies musicales et modernes mythologies (Faust, Dorian Gray, Fantôme de l’Opéra). Baroque et inépuisable.

Ma machine à café
“Hope the morning coffee does the trick. Hope it clears my mind, makes the day more worth it”.
Extrait de: “Hymn for the coffee”, par Hefner, sur l’album: “Breaking God’s heart / Hefner Soul EP”.

Hefner … What else ? Cette chanson d’un de mes groupes cultes m’évoque mon addiction irrémédiable à la caféine. Depuis des années je ne peux me passer ni de l’un ni de l’autre.

Mon alliance
“This is a man’s world … but it would be nothing without a woman”.

Extrait de: “It’s a Man’s Man’s Man’s World”, by the Godfather of soul évidemment.
Le reste du texte de cette chanson m’a toujours semblé très macho mais la rédemption vient par cette phrase magique. Alors comment mieux conclure ces essentiels qu’en évoquant ma famille, et en particulier celle qui m’est essenti’elle ?

David Cairat
Avril 2018

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Lonny

LES ESSENTIELS DE LONNY

“Tout le secret du bonheur du Contemplateur est dans son refus de considérer comme un mal l’envahissement de sa personnalité par les choses”
Francis Ponge, Le parti pris des choses

Ma bague au Quartz Rose
J’ai un rapport assez mystique aux bijoux, surtout ceux avec des pierres. Je les choisis scrupuleusement selon les propriétés que je leur invente.

Une photo de mon enfance
J’ai trois ans dessus. J’ai le regard très perdu et très au courant à la fois. Je me salue régulièrement, comme pour préserver quelque chose de cette époque.

Alto
Il est Québécois. C’était l’alto de mon prof, François.
Je crois que cet instrument et son propriétaire m’ont tous les deux ouvert une porte vers la musique…Quelque chose qui a à voir avec la simplicité et la respiration. Je crois que c’est crucial, pour que la musique fasse son chemin jusqu’au bout.

« Legolas », mon Lierre du Jura
Mon amie Romane, avec qui je partage un certain goût pour les plantes et du Seigneur des Anneaux, m’a offert ce petit Lierre qu’elle a récupéré dans la forêt à coté de chez elle. Elle l’a appelé Legolas, évidemment.

Mon Guita-lélé
Parce que c’est un cadeau et qu’il n’y a rien de plus beau que d’offrir son instrument à quelqu’un. C’était à Reims, et il neigeait. J’ai promis à son propriétaire de lui jouer « Two Silver Tree » de Calexico.

Un 33 tours « Songs for Young Lovers » de Franck Sinatra.
(Attention, c’est triste)
Ce disque m’a été offert par mon ex amoureux.
Il devait être 20h00 et il me l’a offert en sortant des ballades sonores, où il l’avait trouvé. C’était touchant, car le titre ressemblait un peu à nous deux qui étions un jeune couple de 22 et 19 ans.
Puis, un coup de fil nous a brutalement sorti de notre bulle toute rose. Un coup de fil de ma copine Léa qui me demandait si ça allait, car j’habite rue de Charonne, et que nous étions le 13 novembre 2015.
La douche froide.
Ce disque est mon symbole de cette période, de l’innocence et la naïveté dans laquelle nous vivions, et que j’essaie de toujours garder avec moi, malgré les épreuves. Je crois que c’est très précieux.

Carnets
Je passe mon temps à me balader avec des carnets. J’écris ma vie, celle des autres, des listes et des paroles de chansons. J’en ai pleins, je passe mon temps à en re-commencer. 
Leur désordre ne me dérangent pas. Ils suivent un peu mes humeurs, mes fuites et mes aventures.

Vahinée qui danse.
Elle est mon indicatrice de beau temps, puisqu’elle danse au soleil.
Je l’adore. Je l’ai trouvée à Barcelone, dans un aéroport.
Et elle danse bien mieux que moi.

Les Rideaux en coton
Ma caverne. Du tissu qui m’a couté un bras au marché Saint-Pierre, et qui forme un baldaquin autour de mon lit. C’est une protection imaginaire monumentale.

Just Kids, dédicacé par Patti Smith
Pour mon adolescence, pour mes premières émotions à écouter quelqu’un chanter sur une scène. 
J’avais 15 ou 16 ans quand « Just Kids », le livre de mon idole est sorti. A l’époque, j’étais la baby sitter de Adam, qui ne devait pas avoir plus de 1 an. On peut dire qu’une certaine amitié s’était formée entre lui et moi, alors je l’emmenais partout. Ce jour là, je l’ai emmené à l’« Arbre à Lettre » ou Patti Smith faisait des dédicaces. Elle m’a regardée avec la même douceur que celle qui l’habite depuis toujours, et m’a dit qu’Adam était vraiment très mignon « he’s really cute » avec une voix très grave. Puis elle nous a dédicacé mon exemplaire, à lui et moi. Depuis, ce petit objet est la preuve que nos dieux font bel et bien partie de la réalité.

Ma Collection de porte-clé forcée par Florian.
Parce que c’est petit jeux un peu machiavélique et plein d’amour entre mon ami Florian et moi.
En retour, je le force à faire une collection de verres à shots.

Lonny
Mars 2018

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Theo Hakola

LES ESSENTIELS DE THEO HAKOLA

Il s’agit d’une guitare – une Fender Jaguar – et trois affiches.

Je suis très attaché aux Fenders – Stratocaster, Telecaster, Mustang… all of them. C’est la chaleur tranchante et le corps dans le SON qui me touchent, qui me pénètrent. Cet attachement fenderien est sans doute pour quelque chose dans mon amour de Hendrix (vu à l’âge de 13 ans – mon premier concert de rock – à Spokane dans l’état de Washington) et du groupe new yorkais Television, deux amours aussi forts que jamais aujourd’hui. (Et sur cette guitare, il y a l’autocollant d’un bar du nord de l’Idaho – THE SNAKE PIT – qui a donné le titre V.O. de mon dernier roman, sorti en traduction française sous le titre “Idaho Babylone” chez Actes Sud en 2016).

Quant aux trois affiches… Je n’étais pas formé pour faire de la musique. J’étais plutôt éduqué pour faire de la politique, formé comme organisateur en 1972 par la campagne de George McGovern (contre Nixon), puis employé à plein temps par la U.S. Committee for a Democratic Spain à New York au milieu des années 70. Depuis le temps, et après tant de déplacements, j’ai perdu beaucoup de choses et même pas mal perdu l’attachement aux choses, mais je suis content d’avoir encore ces trois affiches.

Celle de gauche est une réédition des années 70, par les Industrial Workers of the World (IWW), d’une gravure sur bois de l’époque de la Première Guerre mondiale : “Appelés de tous les pays, unissez-vous ! Vous n’avez rien à perdre sauf vos généraux !” Mon grand-père, lorsqu’il était bucheron dans les années 20, était membre de ce syndicat.

La deuxième affiche – “Pyramid of Capitalist System”, également des IWW – est la reproduction d’une classique qui date de 1911. Et en haut, à gauche, on trouve une petite réclame pour le journal The Industrial Worker – “Foremost Exponenent of Revolutionary Industrial Unionism” – publié à Spokane, ma ville natale, et dont l’abonnement annuel était d’un dollar.

Et pour la troisième… Avant de me mettre à faire de la musique en 1980, ma vie tournait plutôt autour de l’Espagne. À Barcelone, pendant l’été de 1976, j’étais surpris de trouver une affiche citant “l’Internationale” – publiée, je crois, par le Partido del Trabajo – en vente au grand jour dans un kiosque sur las Ramblas. La transition démocratique post-franquiste avançait lentement, mais sûrement, et on n’avait bientôt plus besoin de moi. Par la suite, c’était grâce aux liens humains et politiques que j’avais avec ce pays, qu’on a invité mon premier groupe – Orchestre rouge – a jouer deux soirs au Rock-Ola à Madrid en pleine movida (1982).

Theo Hakola
Janvier 2018

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theohakola.com

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Henri Rouillier

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LES ESSENTIELS D’HENRI ROUILLER

“Ainsi les objets parlent pour les hommes. Ainsi l’être et le coeur rallient sous cape des berges immobiles. Il est vingt heures dix-sept et ma vie, c’est du temps passé à raconter des histoires qui ne sont pas les miennes. Aussi, cette photo convoque une forme de vulnérabilité à laquelle je ne m’attendais pas.

Cadenas et mitaines. Après novembre 2015, Audrey m’a dit qu’elle avait peur de prendre les transports en commun. J’ai mis cette idée loin de moi, j’ai dit que j’étais au-dessus de ça. L’année dernière, je me suis offert un vélo. Depuis le mois de décembre, si j’en crois mon compteur, j’ai roulé 996,8 kilomètres. J’ai pris seize fois le métro. Je le sais parce que je fais des bâtons sur un post-it. On est peu de choses.

« Y Revenir », de Dominique Ané. Tout est là : « La peur est mon pays. Peut-on l’écrire au titre du lieu de naissance sur la carte d’identité ? Ça me dédouanerait de mon incapacité à être courageux. J’envie ceux qui le sont. Mais la plupart le sont naturellement : leur courage n’est pas le fruit d’une lutte intérieure, il ne leur coûte rien. Je ne peux qu’avoir le cran d’accepter ma faiblesse, et d’en payer le prix, la peur, en espérant qu’elle suscite l’indulgence, et que les autres me laissent passer. »

Passeport. Il existe, il y a une issue.

Ordinateur. Ce matin, Louise m’a demandé ce que je ferais si je devais changer de métier. J’ai répondu que j’ouvrirais une salle de concert, que j’y mettrais des livres, de la bière et des gens sympathiques. Mais la vérité, c’est qu’en dehors d’écrire, je ne sais pas faire grand chose. Je ne veux pas faire autre chose.

Converse framboise. « Ce sont de bien belles chaussures, jeune homme », a dit l’homme à son ami, avec tout le dédain du monde. Il portait un costume ainsi que deux gros classeurs sur lesquels j’ai lu : « Gestion des comptes publics ». Nous étions dans l’ascenseur d’un bâtiment d’université et notre homme n’a pas pensé une seule seconde que je puisse enseigner ici. Ces Converse framboise, c’est ainsi que je débusque la bêtise sans faire aucun effort.

« Villa Triste », de Patrick Modiano. Il faut lire ce livre pour tout ce qu’il dit de l’admiration, des désillusions et du temps que l’on perd à ne pas s’aimer suffisamment.

Liseuse. Mon appartement regorge de bouquins qui s’entassent jusque sur la cheminée de ma chambre. Maintenant, je peux les mettre dans ma poche. C’est un secours de chaque instant.

Nintendo Switch. La toute première console que j’ai eue entre les mains, c’est une GameBoy rouge que mon frère et moi avons achetée à la Fnac d’Angers. Nous avons économisé pendant plusieurs mois pour parvenir à rassembler les 347 francs nous séparant d’elle. Dans le rayon, un rayon glacé m’a parcouru le dos quand je me suis rendu compte que nous n’avions pas prévu de budget pour acheter notre première cartouche. Depuis, je n’ai jamais cessé de jouer aux jeux vidéo. C’est un lien que j’ai avec mon frère Jean, certains de mes amis, mais aussi le moyen que j’ai trouvé pour interrompre le bruit du monde.

Clés. Je comprends depuis peu de temps le privilège que j’ai et l’importance qu’il y a à avoir des lieux à soi. Les murs m’incombent moins que les règles qui s’appliquent là où ils se font face. J’ai lu « Chez soi », de Mona Chollet. Depuis, j’ai laissé dans ma vie de l’espace pour la solitude.

Photos Polaroïd Mini. Islande, octobre 2014. Je vous souhaite d’être aimés par des gens comme Anne et Olivier.

J’ai laissé des espaces vides, pour les imprévus et ce qui reste à venir. Par ailleurs, sache que la musique est partout, qu’elle est tout ce que je suis. Mais je n’en ai pas parlé parce que sur une photo, on ne peut pas l’entendre.”

Henri Rouillier
Janvier 2018

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Matthew Edwards

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LES ESSENTIELS DE MATTHEW EDWARDS

1 — New York Tenderberry by Laura Nyro. In so much as one can consider a record essential so I consider this to be. I have never been without it wherever I have lived and I have bought copies for many of my most loved people. For me it is indispensable – It made me fall in love with the idea of New York as a passionate English schoolboy. This is the first copy I owned so excuse it’s tattiness.
2 — A key ring with my childhood address etched into a steel disc by my father. My Dad loved making things and had a very utilitarian aesthetic. I carry it with me always.
3 — A St Christopher that was given to me by my Grandmother on the day I was born. Nan had 30 grandchildren and for some reason I was the favoured one. It is always on my person.
4 —The Green Book – When I have a song 90% written it goes into this green wallet. It’s from the 1930’s and was a bookmakers racetrack diary/ note-book. I found it in a barn years ago.
5 — A 1963 Guild Parlour acoustic guitar. Bought in Santa Rosa a few years ago from a man who’d owned it from new. Sometime in 1967 he changed the headstock logo to a carved rose. As I walked away from his house with it I turned around and saw he was crying. It was precious to him and it is precious to me.
6 —The Unfortunates by BS Johnson. It gave me the name of my group. I love Johnson although this is not my favourite of his. That would be ‘Trawl’.
7 — A Season Ticket to watch Birmingham City FC. I am a Birmingham City supporter from birth. All my family are from within half a mile from the ground in Small Heath and we all supported the Blues. Being a Bluenose is an awful curse – we snatch defeat from the jaws of victory over and over again. BCFC are my only religious affiliation.

Matthew Edwards
Décembre 2017

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To buy the record – https://matthewedwardsandtheunfortunates.bandcamp.com/releases

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Helena Noguerra

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LES ESSENTIELS D’HELENA NOGUERRA

Mes essentiels ?

Tu sais,
Mon canapé rouge.
Ma Brigitte.
Mes anges.
Les photos.
Mon bureau.
Rezvani.
Le vin.
Les cigarettes.
Ma guitare et mon Bambi.
Mes rouges à lèvres et mes vernis rouges.
Mes vinyls et mes papillons.
Ma guitares et mes chansons.
Le Bleu.
L’amour.
Dumbo.
Mes souvenirs.
Duras.
Mon futur, mon présent, le passé.
Un homme, deux hommes, un homme.
Mes briquets.
Le feu.
Les fleurs.
Une pirate.
Un grand amour.
13 rue de l’Espoir.
Pierre et Gilles.
Un parfum, deux parfums, trois, quatre.
Le tempo.
Pizzicato Five.
Emmanuel Bove.
Un ami. Deux amies, cinq, six.
Ma main.
Ta main.
Une alliance.
Un sourire.
Elle avait le rire discret de celles qui ont trop espéré…..

Helena Noguerra
Novembre 2017

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Matthieu Malon

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LES ESSENTIELS DE MATTHIEU MALON

A force de répéter que je ne suis pas matérialiste, je me rends compte – en répondant à ce petit exercice – qu’il y a finalement des objets auxquels je tiens et qui forment mon quotidien.
Ce fut relativement aisé de les rassembler et, contrairement à mes craintes, je n’ai pas eu besoin de retourner la maison, ils sont bien là, à portée de main tous les jours.
Et même si je ne les touche pas régulièrement – pour certains – ils me sont tous indispensables.

Ma Guitare préférée
C’est un modèle plutôt rare de Fender Telecaster. Je l’ai découverte un jour de l’an 2000 dans un magasin de Pigalle à Paris. A l’époque, elle était neuve et je n’avais pas les moyens de l’acheter. 2 ans plus tard, ayant économisé et cette fois-ci décidé à m’acheter une bonne guitare, je suis retourné dans le même quartier (mais dans un autre magasin) et je suis tombé nez à nez avec elle… Exactement la même ! C’était une chance incroyable (le destin ?) et depuis c’est la guitare qui me suit partout, à la maison, en studio, sur scène. Certains la surnomment “doudoune” et je l’aime d’amour.

Un casque
Vivre en ville et faire de la musique bruyante, c’est rarement compatible. Et quand en plus on travaille la nuit, il faut un bon casque, précis et qui ne fatigue pas les oreilles. Celui-ci est irréprochable et m’évite pas mal de querelles inutiles avec mon voisinage.

Une Magic 8 Ball
Je ne suis pas du tout superstitieux, je ne lis jamais l’horoscope mais j’avoue que je lui demande souvent conseil à cette boule, comme ça juste pour voir. Elle trône dans le salon, je l’ai ramenée d’un voyage à Los Angeles, elle parle donc anglais, mais on trouve désormais une version française depuis quelques années par chez nous !

Des livres
Je lisais beaucoup, je lis moins. C’est un constat qui me rend souvent triste et j’essaie de m’aménager du temps disponible pour lire. Avec mon grand âge, je m’endors au bout de quelques lignes le soir dans mon lit, alors il faut trouver d’autres moments dans la journée. J’aime particulièrement la littérature américaine et John Fante est sans doute l’écrivain qui m’a le plus touché ces 30 dernières années.

Un Ipad
Je m’arrange avec le temps mais je reste un geek. Ca fait râler pas mal de proches, ça me fait râler aussi parfois, mais je suis accro aux machines depuis des années. J’ai eu mon premier ordinateur au collège (un TO7) et au fil du temps j’ai adoré bidouiller des boites à rythmes, des ordinateurs, des samplers, des pédales d’effet, des synthétiseurs etc… L’arrivée de l’Ipad a été une vraie bénédiction pour moi car c’est l’outil parfait, nomade, qui me permet de rassembler toutes ces passions dans un seul outil ultraportable. Ca n’a vraiment rien d’un gadget, comme je l’entends dire souvent. Grâce à lui, j’écris, je compose, je programme des rythmes, des mélodies, je fais des démos, je programme des séquences pour mes concerts. Je lis aussi, je vais sur internet, je regarde des films ou des séries, où que je sois. Il me serait bien difficile de m’en passer…

Des films
Mes parents ont eu très tôt un magnétoscope et j’enregistrais beaucoup de films. J’ai été un spectateur assidu entre 15 et 30 ans. J’allais beaucoup au cinéma, j’achetais des dvd etc… Comme pour la lecture, j’ai moins de temps à y consacrer alors je suis plus sélectif. Mes goûts n’ont pas grand chose d’original et je suis un adorateur (pas très objectif) de Brian de Palma, ce doit être un des rares réalisateurs dont j’ai vu tous les films. J’aime aussi beaucoup les dvd et documentaires musicaux.

Des disques
La musique, c’est toute ma vie. Depuis tout petit d’abord comme auditeur, j’ai ensuite appris le piano dès 6 ans avec un professeur qui m’a donné l’amour de la musique et des mélodies. Du plus loin que je me souvienne, j’ai également toujours chanté, pour moi d’abord, pour des repas de famille, pour un petit magnétophone que mes parents m’avaient acheté… La musique a toujours rempli mon quotidien.
Il y avait pas mal de disques chez mes parents et j’ai acheté mon premier à 10 ans : c’était “Beat It” de Michael Jackson, au centre commercial du coin. Depuis, j’achète toujours beaucoup de disques, il y en a partout dans la maison et j’espère que ça va durer encore longtemps !

Matthieu Malon
Octobre 2017

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David McTague

LES ESSENTIELS DE DAVID MCTAGUE

1. Record & Guitar.
A record.  A guitar.  Music.  Magic. They’re here to symbolise music as an integral part of my life.

2. Bag.
My mobile office. I carry this pretty much everywhere, and it certainly contains a few essentials. This particular specimen is a few years old now, and hails from Marrakech.

3. Flat cap.
I call it my flat cap but I think it’s technically a ‘newsboy’. It’s brown corduroy and I wear it a lot.

4. Ashtray.
This is something I’ve just had for ages. Pretty much since leaving my parents house, so it’s symbolic of that I guess.  Time has moved on, people have moved on and places have moved on… and this ashtray has been along for the ride. I still use it now and again.

5. Mellowtone flyers.
I had to include them here as I’m always carrying them, and leaving a trail around. In this digital age I think it’s really important that we still retain some tangibles, so we never stopped printing our flyers. We use lots of different illustrators, but always monochrome artwork.

6. Ring.
Many years ago I tried on a ring, that was owned by my girlfriend at the time. A slender, square, silver ring; one that fitted my little finger perfectly.  And I didn’t take it off.  It was really thin and broke a few years later, so I had it copied using silver from a ring from the Oman my parents had given me. I wear it every day. If for any reason I don’t have it on it feels very strange…

7. Pencil.
I like to write in pencil.

8. Diary.
I like to have an old paper diary.

9. Computer & Phone.
I guess these days they speak for themselves as essentials.

10. Notebook.
An essential for anyone who wants to get anything done, in my opinion.


David McTague
July 2017


Plus d’informations sur David McTague
mellowtonerecords.com

My essentials for Stereographics by David McTague
© David McTague / All rights reserved / Reproduction prohibited without permission of the author

Emmanuel Delaplanche

LES ESSENTIELS D’EMMANUEL DELAPLANCHE

Comme ces ingrédients d’une vie bonne que l’on se souhaite à chaque nouvel an ?
Des essentiels tout aussi “invisibles pour les yeux” que ceux du renard de Saint-Exupéry ? Dès lors, comment des objets seraient-ils capables de les représenter ? D’en fixer les infinies variations : celles du bonheur, de l’amour, de la réussite ; celles du corps sain, vivant, mourant ; celles de l’allégresse, de la jouissance, de l’accomplissement.

***

L’essentiel est la vie, donc ce sont les gens.
Les artistes le disent, mes proches le prouvent, mes contemporains capitaux me le montrent : l’essentiel, c’est la vie. La vie, ce sont les gens.

***

Sur un de ses disques, un de ceux du retour après des années de silence, d’anonymat, d’oubli, d’invisibilité, Bill Fay offre une somptueuse chanson qui porte le titre Cosmic Concerto (Life is people) :

Like my old dad said,
Life is people, life is people
In the space of a human face,
There’s infinite variation
It’s a cosmic concerto, and it stirs my soul

***

Les gens sont mon essentiel. Les variations de leurs visages, le produit de leurs esprits. Ceux avec qui je partage mon quotidien : ma famille. Ceux à l’autre bout de la rue, de l’objectif, de l’ordinateur, de la radio. Les gens derrière les livres, les disques, les spectacles. Sur et derrière les scènes, dans et devant les représentations. Les gens en face, à mes côtés, les gens autour du monde, amis, passants, voyageurs. Ou ceux qui ne bougent plus, privés de liberté et de mouvement.

***

Sur la photo, une clef wifi car, comme tout le reste ici, elle me porte vers les gens, leurs musiques, leurs écrits, leurs images, leurs visages, leurs pensées : leurs vies. Les autres biais techniques importent peu. Les supports aussi. Un livre parmi d’autres cependant, essentiel parmi les essentiels, Le Bavard de Louis-René des Forêts.

Un appareil photo pour le regard que je porte aux gens. Et des photos : proches (ici ma mère, mon filleul) ou musiciens (ici Kimya Dawson).

Une radio, que j’écoute abondamment. Mais j’aurais pu aussi faire apparaître le micro dans lequel je parle chaque semaine sous le pseudonyme de Tremolo aux gens d’Evreux et d’ailleurs.

Un ukulélé pour faire figurer la musique que je joue, parfois compose, et qu’il a pu m’arriver d’offrir en concert.

Une craie pour tableau noir. Celle que quotidiennement j’utilise pour faire comprendre le primordial plus que l’essentiel, pour expliquer, pour apprendre.

Toutes choses que je possède parce qu’elles sont intermédiaires entre la vie et moi.

Emmanuel Delaplanche
Juillet 2017

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