Parler de ses propres essentiels est quelque chose de particulièrement effrayant en ce qui me concerne. Notamment à cause de la lourde tâche de préparation : il faut trier, sélectionner, organiser, chercher une cohérence, une cohésion. En théorie, je suis familère de ce genre d’exercice, lorsqu’il ne ME concerne pas. Ce qu’il faut savoir c’est que je suis quelqu’un de particulièrement dispersée. Ranger n’est pas forcément quelque chose de naturel pour moi.
Le soir même j’ai commencé à rassembler les objets. Je me suis donc retrouvée avec une montagne de livres. Une redécouverte plus qu’intéressante pour moi-même. Donc merci déjà pour cela.
En toute honnêteté je n’ai pas trop su par quoi commencer, alors j’ai fini par m’arrêter à la sélection la plus restreinte possible, et déjà je trouve qu’il y en a bien trop !! J’ai disposé ces objets à plusieurs endroits de l’appartement, afin d’essayer de prendre la photo la plus avantageuse, la moins brouillonne possible. Sacré challenge.
Commençons par le début. Enfin, décidons de façon arbitraire qu’il s’agit du début de l’histoire, car sur la photographie ce n’est pas forcément évident.
Le téléphone J’ai pris des notes sur mon téléphone. Il ne figure pas sur la photo puisqu’il m’a servi à la prendre. Cela commence bien n’est ce pas… J’en suis esclave. Consciemment. Il me sert à peu près à tout. J’écris, je fais des photos, des recherches, des images, je regarde des vidéos, j’écoute de la musique. Bref sans cette chose j’imagine que je serai perdue, car il s’agit clairement d’un doudou destiné à combler l’angoisse. Il remplit le vide et mon esprit. Je suis une hyperactive molle. J’ai peur de m’ennuyer. Je fais cinquante choses à la fois. Je me passionne aussi vite que je me lasse. Je parlais de doudou, en fait je crois que cet appareil me fait plutôt office de baby-sitter ainsi que d’animateur de loisirs. Le casque je l’ai toujours avec moi. Pour écouter de la musique, notamment lorsque je marche.
La musique Évidemment, si je devais choisir un groupe emblématique cela serait New Order. Ce groupe m’accompagne depuis 25 ans, avec plus ou moins de fidélité. J’en fait une source d’inspiration pour à peu près tout dans ma vie : je m’inspire de leur iconographie , je les ai tatoués sur mon bras, Substance est le titre de mon blog, je vénère Barney plus que n’importe qui dans ce bas monde, bref : l’abominable fanatisme au premier degré dans toute ce qu’il a de plus risible. Mais j’assume complètement. Je pourrais parler de Joy Division aussi, ou d’autres groupes qui ont participé à ma construction personnelle. Mais le but n’est pas d’écrire un roman je crois. Quoi qu’il en soit, la musique est importante, elle a constitué d’ailleurs pendant de longues années l’essentiel de mon activité professionnelle. Acquérir, conseiller, échanger : tel était mon quotidien pendant assez longtemps, au sein d’une médiathèque municipale.
La musique m’a permis aussi de rencontrer, virtuellement et «IRL» des personnes d’une énorme valeur. La plus importante rencontre sur le réseau social est sans conteste celle avec Matthieu Malon. De cette amitié est née Brûlure. Un projet poético musical déjanté (s’il fallait le définir) orchestré à des centaines de km de distance. J’écrivais les textes, les enregistrais, les envoyais, il faisait la musique. C’était drôle. Un vrai bon moment.
En musique les querelles de clochers me dépassent un peu… les discussions sérieuses, les gens qui s’écharpent comme si leur vie dépendait de la conversion du monde entier au fanatisme qui les concerne, je ne pige pas trop. Mais j’aime m’en amuser. Quelle perte de temps franchement, alors que tout le monde sait que le meilleur groupe du monde est New Order!
Les images J’ai commencé par faire vaguement de la photo. Ensuite, temps libre disponible à l’infini aidant, je me suis prise de passion pour la gravure et la sérigraphie, suite logique finalement lorsqu’on aime les images. Mes photos sont essentiellement réalisées à partir de mon téléphone, mais depuis peu j’ai un « vrai » appareil. Je n’ai aucune idée de la manière dont fonctionne la bête. Je fais ça au hasard. C’est ce que je dis tout le temps, j’ai le hasard avec moi. Et je le remercie de m’accompagner en toutes circonstances. Cette photo de l’Atomium de Bruxelles est la première que j’ai faite développer et affichée dans mon intérieur. C’est un morceau de ma ville natale qui trône bien en évidence.
Les publier ces images a été une véritable épreuve pour moi. J’ai créé donc un blog, Instagram m’occupe pas mal en ce moment. Tout cela je le dois particulièrement à Matthieu qui a su m’encourager et me filer un coup de pied au cul. J’ai commencé avec les pochettes de Brûlure en fait. Et maintenant je continue….
Les livres A la base, c’est mon métier. Je crois que ceux qui m’ont le plus marqué sont ceux que j’ai lu plus jeune. Mon principal problème, c’est que je ne me souviens pas toujours de ce que j’ai lu. En fait la plupart du temps j’oublie. Les deux ouvrages que j’ai choisis ont été lu bien plus récemment.
Je voue une admiration sans failles à Houellebecq dont les livres résonnent en moi comme une évidence. J’ai vraiment l’impression que le type écrit pour moi, il y a une connexion. En plus je le trouve terriblement drôle. L’humour c’est tellement important.
J’ai aussi choisi Blackhole de Charles Burns. C’est une bande dessinée d’une noirceur absolue, un vrai chef d’œuvre qui pour moi doit absolument figurer dans tout bonne bibliothèque.
Le reste…. La couture, la cuisine, les jeux vidéo, les lunettes que je ne mets jamais (j’aime le brouillard), le petit livre rouge (clin d’œil à mon soi-disant militantisme fantasmé d’extrême gauche) et Sainte Rita. Cette fameuse sainte est à l’origine du pseudo que je traîne depuis quelques années sur Internet. Elle est la patronne des causes désespérées. Attention, je ne m’attribue absolument pas la qualité du désespoir. En revanche, être la patronne, c’est une idée qui me plait bien.
“Aujourd’hui, s’il devait se résumer à l’un de ses essentiels, s’il fallait choisir « l’essentiel des essentiels de Nicolas », je choisirais le sablier. Parce-que le temps passe, sans aucun doute, pour nous tous, mais que lui ne le laisse pas filer en vain et qu’il nous entraine dans son sillage avec panache et bienveillance.” — Constance Petrelli
« Mes Essentiels » ? Oh ! J’ai tellement d’objets autour de moi ! Des trouvailles, des cadeaux, de belles pièces, uniques, vintage ou à l’inverse tellement kitch !!! Des cartes, un ruban, une boite, un lapin blanc comme peluche d’enfance, une poterie, un serre-livres, une boule à neige, une tasse à thé, des montres jamais à la même heure, un truc gagné à une fête ou un autre trouvé quelque part… De jolies choses qui me relient à une personne, un moment particulier, une histoire.
Mais « Mes Essentiels », c’est un objet avec moi, un prolongement de moi, et pas seulement autour de moi. Des Essentiels dans le creux de ma main…
Un couteau, des couteaux. Non pas pour me défendre, mais au contraire pour apprivoiser mon inconnu. Vérifier si la cuisson du gâteau est bonne, trancher un morceau de pain, couper du fromage et du saucisson (évidemment !), cueillir un champignon à son pied, décacheter l’enveloppe d’une lettre, tailler deux lettres enlacées… La lame est tranchante, affûtée régulièrement. Le bois est cajolé. J’aime leur couleur et leur essence, différentes de l’un à l’autre, tellement singulières. Le Genévrier est mon préféré. Dans la paume, il y a toujours sa signature, la fragrance épicée du poivre. Sa couleur sable est douce et sensuelle. Chez Nous, offrir une pièce en échange d’un couteau comme cadeau est la promesse de ne pas se faire mal et de ne jamais couper le lien.
Du papier et beaucoup de carnets ! Du papier et ses textures, lisses, velours, gaufrées ! Des carnets de tous les formats, avec une couverture confectionnée par mes soins ou déjà toute de beau corps vêtu !!! Des carnets pour coucher des phrases, décrire une scène quotidienne ou entr’aperçue, reporter un mot que je ne connais pas. Du papier pour coller ! Ce carnet (Oh ! Un Cacharel !) est le cadeau que m’avait offert mon meilleur ami de troisième. Il devenait un trésor qui perdure encore aujourd’hui puisque j’y colle tous mes tickets de cinéma depuis… 1988 !!! Je suis indéniablement une enfant de la télé. Mais aussi du cinéma. Mon père avait plaisir à m’y emmener. Un plaisir que j’ai toujours dès que deux trois heures s’offrent à moi. J’ai une affection toute particulière pour les films du Nouvel Hollywood, les Westerns, mais aussi les Thrillers et les Comédies Classiques. Le cinéma m’a permis de découvrir la musique qui pendant très longtemps a été absente de mon quotidien. Enfant du silence peut-être. Celui qui regarde et se tait.
Du papier aussi pour couper et plier ! L’Origami est un amusement certain, mais qui a l’exigence du pli ! C’est fantastique toutes les créations qui naissent d’une seule feuille de papier ! Avec mon frère, gamin d’un an de différence (mais toujours la plus grande je resterai !), nous avions chacun nos pliages de prédilection : lui les grenouilles pour faire des courses comme d’autres en faisaient avec des automobiles, moi des carrés magiques pour connaître les préférences de chacun ! Aujourd’hui, j’en fais toujours, comme les diseuses d’aventure, mais pour n’en distribuer que de bonnes…
Du papier et des crayons de papier !!! Il y en a plein. Et j’en ai plein ! C’est facile de rapporter cela d’un voyage ! Les choisir ? Un plaisir ! Ils sont coquets avec leur costume. Avec le crayon papier, le mot est toujours là, le croquis aussi. Les détails viennent après. En juin 2018, une librairie mettra en vitrine quatre ou cinq toiles d’un projet personnel intitulé « Synesthésie27 » où il est question de liens. D’empreintes. Indicibles. Mais sensibles.
Des allumettes. Pour prendre le temps d’allumer une bougie, de faire un feu, de brûler l’inutile…
Un livre, et d’autres à l’infini… Compagnon de l’enfance, où j’étais souvent seule à me balader dans la campagne avec mon chien, ou de l’adolescence passée avec enthousiasme en internat, il est indispensable. Il est un Ailleurs, un exutoire, un confident de confidences, un recueil de ce que je ne connais pas, un puits profond à sonder, encore et encore…
Un centimètre. Pour mesurer, créer, vérifier. Mesurer la distance parcourue aussi. Le vocabulaire associé à la couture est tellement élégant « Lisière » « Entre-deux », « Coudre en mourant »… Des expressions délicates comme le travail de précision que demande cette discipline pour une belle confection. Des couleurs et des matières aussi.
Un jeu de 54 cartes et une toupie ! Un jeu de 54 cartes pour toutes les possibilités de jeu improvisées avec les poteaux ou les enfants, sur la plage ou dans un train, à l’heure de l’apéro ou pendant les temps calmes. Une toupie car cet objet est magique ! Il est comme un globe terrestre sur son axe ! Son mouvement rotatif impose une véritable réflexion et dextérité pour celui qui veut en créer !!! Des formes et des matières, encore… Celle-ci, je l’ai dégotée sur un marché. Une toupie à bar pour savoir qui offre sa tournée. Enfin, c’est selon la règle imposée ! Et puis une toupie me ramène toujours à la fin de ce film « Inception » de Christopher Nolan (dont je vénère « Interstellar ») : rêve ou réalité ?
Un harmonica. Indéniablement, mon essentiel le plus récent de tous. Comme tous les ados qui se respectent et qui se moquent gentiment de leur « daronne », il m’a été offert par mes enfants. Des années 2001 et 2002, la country et tout le folk qui entourent cet objet leur sont bien inconnus malgré toutes mes tentatives de séduction ! C’est un bijou. Celui du voyageur. Et puis l’idée que ces conquérants le rangeaient dans leur poche, côte à côte avec leur colt, c’est « so lovely » !!! L’instrument de tous ceux qui ont en eux une nostalgie façonnée par la quête, l’espoir, le trouble, le manque. Des musiques comme celles de Townes Van Zandt, Gene Clark, ou de bien autres songwritters porteurs d’une beauté grave…
Les plis. C’est abstrait et tellement présent ! Ceux des rideaux, des étoffes, d’une couverture, d’un foulard. Rien n’est linéaire. Rien n’est certain. Il y a des cachettes. Mille et un chemins pour y accéder. Des coins et des recoins. Je suis certaine qu’il est encore question de lapin blanc…
L’appareil photos, le téléphone portable, l’ordinateur sont des outils incontournables dans mon travail. Dans presque tous les métiers d’ailleurs. Savoir les maîtriser, connaitre leur fonctionnement, en user régulièrement sont devenues des attitudes indispensables. Mais ces objets ne le sont pas dans mon quotidien personnel.
Je range tous ces essentiels dans mon sac en cuir ou dans un panier en paille.
Il fait beau ! C’est bientôt le Printemps accompagné de la caresse câline du soleil ! J’attache la bride de mes escarpins salomés (les boots et les bottes sont réservées à l’automne et à l’hiver), du rouge « Paris », « London » ou « Roma » aux ongles (comme une vraie « déclaration de bonne humeur »), et me voici en route ! Il y aura bien une terrasse ou un coin au chaud pour se retrouver.
Sandrine En Auvergne, IV’18…
“Price”, quelques pages plus loin : “Au seuil de la mort, je ne penserai pas au yacht que j’aurais pu m’acheter : je penserai aux régions inexplorées, aux amours que je n’ai jamais avouées, à toutes les émotions et idées que j’ai encore en moi et qui disparaîtront quand on me mettra six pieds sous terre. Vous n’avez qu’une chance pour cette chose qu’on appelle la vie”.
Steve Tesich, mai 1996
“J’ai choisi d’introduire chacun de mes essentiels par un extrait de chansons qui me tiennent à cœur et qui expriment à leur façon le sens ou l’importance que ces essentiels revêtent à mes yeux, un peu comme des haïkus musicaux.”
Ma pile de livres rock “Our aspirations… are wrapped up in books”. Extrait de: “Wrapped up in books” par Belle and Sebastian, sur l’album: “Dear Catastrophe Waitress”. “Écrire sur la musique, c’est comme danser (sur) de l’architecture. C’est quelque chose de très stupide.” Cette phrase attribuée à Frank Zappa m’a toujours interpellé. Comment (d)écrire l’indicible : la ligne de basse de Joy Division, le motif d’une fugue de Bach, ce moment dans le concert qui te prend aux tripes ? Qu’elles soient écrites avec passion, bonne ou mauvaise foi, maladresse, en quelques lignes sur un blog ou dans une exégèse de centaines de pages, je ne me lasse pas de lire les émouvantes tentatives de ces auteurs, modernes Sisyphe au service de la cause musicale.
Mon horloge vinyle « Le temps me laisse passer, je lui dis : après toi”. Extrait de : « Après toi », par JP Nataf sur l’album : “Clair”.
Cet objet chiné à Londres est au croisement de deux de mes obsessions, le temps (ou plutôt la ponctualité) et la musique. Je cours tout le temps pour être à l’heure. J’arrive non pas à l’heure pour le concert. Non pas à l’heure pour la première partie du concert. Non pas à l’heure pour l’ouverture des portes de la salle. J’arrive avant l’ouverture de la salle. Et j’attends. Patiemment. Remplacer “salles de concert” par (au choix) : gare, aéroport, cinéma … Ca fait des années que ça dure.
Mon chat “Chat, Petit fauve, Dieu des alcôves” Extrait de : « Chat », par Brigitte Fontaine sur l’album : « Les Palaces ».
C’est le plus récent de mes essentiels. Il s’est imposé à la vitesse de l’éclair. Une belle bête avec boîte à miaou intégrée et moteur à ronron en parfait état de marche.
Mon DVD de Phantom of the Paradise “Dream a bit of style. We’d dream a bunch of friends. Dream each others’ smile. And dream it never ends” Extrait de : « Faust », par Paul Williams sur la Bande Originale du Film.
Un essentiel qui intersecte plusieurs de mes passions : cinéma américain des années 70, rock, comédies musicales et modernes mythologies (Faust, Dorian Gray, Fantôme de l’Opéra). Baroque et inépuisable.
Ma machine à café “Hope the morning coffee does the trick. Hope it clears my mind, makes the day more worth it”. Extrait de: “Hymn for the coffee”, par Hefner, sur l’album: “Breaking God’s heart / Hefner Soul EP”.
Hefner … What else ? Cette chanson d’un de mes groupes cultes m’évoque mon addiction irrémédiable à la caféine. Depuis des années je ne peux me passer ni de l’un ni de l’autre.
Mon alliance “This is a man’s world … but it would be nothing without a woman”. Extrait de: “It’s a Man’s Man’s Man’s World”, by the Godfather of soul évidemment.
Le reste du texte de cette chanson m’a toujours semblé très macho mais la rédemption vient par cette phrase magique. Alors comment mieux conclure ces essentiels qu’en évoquant ma famille, et en particulier celle qui m’est essenti’elle ?
“Tout le secret du bonheur du Contemplateur est dans son refus de considérer comme un mal l’envahissement de sa personnalité par les choses” Francis Ponge, Le parti pris des choses
Ma bague au Quartz Rose
J’ai un rapport assez mystique aux bijoux, surtout ceux avec des pierres. Je les choisis scrupuleusement selon les propriétés que je leur invente.
Une photo de mon enfance
J’ai trois ans dessus. J’ai le regard très perdu et très au courant à la fois. Je me salue régulièrement, comme pour préserver quelque chose de cette époque.
Alto
Il est Québécois. C’était l’alto de mon prof, François.
Je crois que cet instrument et son propriétaire m’ont tous les deux ouvert une porte vers la musique…Quelque chose qui a à voir avec la simplicité et la respiration. Je crois que c’est crucial, pour que la musique fasse son chemin jusqu’au bout.
« Legolas », mon Lierre du Jura
Mon amie Romane, avec qui je partage un certain goût pour les plantes et du Seigneur des Anneaux, m’a offert ce petit Lierre qu’elle a récupéré dans la forêt à coté de chez elle. Elle l’a appelé Legolas, évidemment.
Mon Guita-lélé
Parce que c’est un cadeau et qu’il n’y a rien de plus beau que d’offrir son instrument à quelqu’un. C’était à Reims, et il neigeait. J’ai promis à son propriétaire de lui jouer « Two Silver Tree » de Calexico.
Un 33 tours « Songs for Young Lovers » de Franck Sinatra.
(Attention, c’est triste)
Ce disque m’a été offert par mon ex amoureux.
Il devait être 20h00 et il me l’a offert en sortant des ballades sonores, où il l’avait trouvé. C’était touchant, car le titre ressemblait un peu à nous deux qui étions un jeune couple de 22 et 19 ans.
Puis, un coup de fil nous a brutalement sorti de notre bulle toute rose. Un coup de fil de ma copine Léa qui me demandait si ça allait, car j’habite rue de Charonne, et que nous étions le 13 novembre 2015.
La douche froide.
Ce disque est mon symbole de cette période, de l’innocence et la naïveté dans laquelle nous vivions, et que j’essaie de toujours garder avec moi, malgré les épreuves. Je crois que c’est très précieux.
Carnets
Je passe mon temps à me balader avec des carnets. J’écris ma vie, celle des autres, des listes et des paroles de chansons. J’en ai pleins, je passe mon temps à en re-commencer. Leur désordre ne me dérangent pas. Ils suivent un peu mes humeurs, mes fuites et mes aventures.
Vahinée qui danse.
Elle est mon indicatrice de beau temps, puisqu’elle danse au soleil.
Je l’adore. Je l’ai trouvée à Barcelone, dans un aéroport.
Et elle danse bien mieux que moi.
Les Rideaux en coton
Ma caverne. Du tissu qui m’a couté un bras au marché Saint-Pierre, et qui forme un baldaquin autour de mon lit. C’est une protection imaginaire monumentale.
Just Kids, dédicacé par Patti Smith
Pour mon adolescence, pour mes premières émotions à écouter quelqu’un chanter sur une scène. J’avais 15 ou 16 ans quand « Just Kids », le livre de mon idole est sorti. A l’époque, j’étais la baby sitter de Adam, qui ne devait pas avoir plus de 1 an. On peut dire qu’une certaine amitié s’était formée entre lui et moi, alors je l’emmenais partout. Ce jour là, je l’ai emmené à l’« Arbre à Lettre » ou Patti Smith faisait des dédicaces. Elle m’a regardée avec la même douceur que celle qui l’habite depuis toujours, et m’a dit qu’Adam était vraiment très mignon « he’s really cute » avec une voix très grave. Puis elle nous a dédicacé mon exemplaire, à lui et moi. Depuis, ce petit objet est la preuve que nos dieux font bel et bien partie de la réalité.
Ma Collection de porte-clé forcée par Florian.
Parce que c’est petit jeux un peu machiavélique et plein d’amour entre mon ami Florian et moi.
En retour, je le force à faire une collection de verres à shots.
Il s’agit d’une guitare – une Fender Jaguar – et trois affiches.
Je suis très attaché aux Fenders – Stratocaster, Telecaster, Mustang… all of them. C’est la chaleur tranchante et le corps dans le SON qui me touchent, qui me pénètrent. Cet attachement fenderien est sans doute pour quelque chose dans mon amour de Hendrix (vu à l’âge de 13 ans – mon premier concert de rock – à Spokane dans l’état de Washington) et du groupe new yorkais Television, deux amours aussi forts que jamais aujourd’hui. (Et sur cette guitare, il y a l’autocollant d’un bar du nord de l’Idaho – THE SNAKE PIT – qui a donné le titre V.O. de mon dernier roman, sorti en traduction française sous le titre “Idaho Babylone” chez Actes Sud en 2016).
Quant aux trois affiches… Je n’étais pas formé pour faire de la musique. J’étais plutôt éduqué pour faire de la politique, formé comme organisateur en 1972 par la campagne de George McGovern (contre Nixon), puis employé à plein temps par la U.S. Committee for a Democratic Spain à New York au milieu des années 70. Depuis le temps, et après tant de déplacements, j’ai perdu beaucoup de choses et même pas mal perdu l’attachement aux choses, mais je suis content d’avoir encore ces trois affiches.
Celle de gauche est une réédition des années 70, par les Industrial Workers of the World (IWW), d’une gravure sur bois de l’époque de la Première Guerre mondiale : “Appelés de tous les pays, unissez-vous ! Vous n’avez rien à perdre sauf vos généraux !” Mon grand-père, lorsqu’il était bucheron dans les années 20, était membre de ce syndicat.
La deuxième affiche – “Pyramid of Capitalist System”, également des IWW – est la reproduction d’une classique qui date de 1911. Et en haut, à gauche, on trouve une petite réclame pour le journal The Industrial Worker – “Foremost Exponenent of Revolutionary Industrial Unionism” – publié à Spokane, ma ville natale, et dont l’abonnement annuel était d’un dollar.
Et pour la troisième… Avant de me mettre à faire de la musique en 1980, ma vie tournait plutôt autour de l’Espagne. À Barcelone, pendant l’été de 1976, j’étais surpris de trouver une affiche citant “l’Internationale” – publiée, je crois, par le Partido del Trabajo – en vente au grand jour dans un kiosque sur las Ramblas. La transition démocratique post-franquiste avançait lentement, mais sûrement, et on n’avait bientôt plus besoin de moi. Par la suite, c’était grâce aux liens humains et politiques que j’avais avec ce pays, qu’on a invité mon premier groupe – Orchestre rouge – a jouer deux soirs au Rock-Ola à Madrid en pleine movida (1982).
“Ainsi les objets parlent pour les hommes. Ainsi l’être et le coeur rallient sous cape des berges immobiles. Il est vingt heures dix-sept et ma vie, c’est du temps passé à raconter des histoires qui ne sont pas les miennes. Aussi, cette photo convoque une forme de vulnérabilité à laquelle je ne m’attendais pas.
Cadenas et mitaines. Après novembre 2015, Audrey m’a dit qu’elle avait peur de prendre les transports en commun. J’ai mis cette idée loin de moi, j’ai dit que j’étais au-dessus de ça. L’année dernière, je me suis offert un vélo. Depuis le mois de décembre, si j’en crois mon compteur, j’ai roulé 996,8 kilomètres. J’ai pris seize fois le métro. Je le sais parce que je fais des bâtons sur un post-it. On est peu de choses.
« Y Revenir », de Dominique Ané. Tout est là : « La peur est mon pays. Peut-on l’écrire au titre du lieu de naissance sur la carte d’identité ? Ça me dédouanerait de mon incapacité à être courageux. J’envie ceux qui le sont. Mais la plupart le sont naturellement : leur courage n’est pas le fruit d’une lutte intérieure, il ne leur coûte rien. Je ne peux qu’avoir le cran d’accepter ma faiblesse, et d’en payer le prix, la peur, en espérant qu’elle suscite l’indulgence, et que les autres me laissent passer. »
Passeport. Il existe, il y a une issue.
Ordinateur. Ce matin, Louise m’a demandé ce que je ferais si je devais changer de métier. J’ai répondu que j’ouvrirais une salle de concert, que j’y mettrais des livres, de la bière et des gens sympathiques. Mais la vérité, c’est qu’en dehors d’écrire, je ne sais pas faire grand chose. Je ne veux pas faire autre chose.
Converse framboise. « Ce sont de bien belles chaussures, jeune homme », a dit l’homme à son ami, avec tout le dédain du monde. Il portait un costume ainsi que deux gros classeurs sur lesquels j’ai lu : « Gestion des comptes publics ». Nous étions dans l’ascenseur d’un bâtiment d’université et notre homme n’a pas pensé une seule seconde que je puisse enseigner ici. Ces Converse framboise, c’est ainsi que je débusque la bêtise sans faire aucun effort.
« Villa Triste », de Patrick Modiano. Il faut lire ce livre pour tout ce qu’il dit de l’admiration, des désillusions et du temps que l’on perd à ne pas s’aimer suffisamment.
Liseuse. Mon appartement regorge de bouquins qui s’entassent jusque sur la cheminée de ma chambre. Maintenant, je peux les mettre dans ma poche. C’est un secours de chaque instant.
Nintendo Switch. La toute première console que j’ai eue entre les mains, c’est une GameBoy rouge que mon frère et moi avons achetée à la Fnac d’Angers. Nous avons économisé pendant plusieurs mois pour parvenir à rassembler les 347 francs nous séparant d’elle. Dans le rayon, un rayon glacé m’a parcouru le dos quand je me suis rendu compte que nous n’avions pas prévu de budget pour acheter notre première cartouche. Depuis, je n’ai jamais cessé de jouer aux jeux vidéo. C’est un lien que j’ai avec mon frère Jean, certains de mes amis, mais aussi le moyen que j’ai trouvé pour interrompre le bruit du monde.
Clés. Je comprends depuis peu de temps le privilège que j’ai et l’importance qu’il y a à avoir des lieux à soi. Les murs m’incombent moins que les règles qui s’appliquent là où ils se font face. J’ai lu « Chez soi », de Mona Chollet. Depuis, j’ai laissé dans ma vie de l’espace pour la solitude.
Photos Polaroïd Mini. Islande, octobre 2014. Je vous souhaite d’être aimés par des gens comme Anne et Olivier.
J’ai laissé des espaces vides, pour les imprévus et ce qui reste à venir. Par ailleurs, sache que la musique est partout, qu’elle est tout ce que je suis. Mais je n’en ai pas parlé parce que sur une photo, on ne peut pas l’entendre.”
1 — New York Tenderberry by Laura Nyro. In so much as one can consider a record essential so I consider this to be. I have never been without it wherever I have lived and I have bought copies for many of my most loved people. For me it is indispensable – It made me fall in love with the idea of New York as a passionate English schoolboy. This is the first copy I owned so excuse it’s tattiness. 2 — A key ring with my childhood address etched into a steel disc by my father. My Dad loved making things and had a very utilitarian aesthetic. I carry it with me always. 3 — A St Christopher that was given to me by my Grandmother on the day I was born. Nan had 30 grandchildren and for some reason I was the favoured one. It is always on my person. 4 —The Green Book – When I have a song 90% written it goes into this green wallet. It’s from the 1930’s and was a bookmakers racetrack diary/ note-book. I found it in a barn years ago. 5 — A 1963 Guild Parlour acoustic guitar. Bought in Santa Rosa a few years ago from a man who’d owned it from new. Sometime in 1967 he changed the headstock logo to a carved rose. As I walked away from his house with it I turned around and saw he was crying. It was precious to him and it is precious to me. 6 —The Unfortunates by BS Johnson. It gave me the name of my group. I love Johnson although this is not my favourite of his. That would be ‘Trawl’. 7 — A Season Ticket to watch Birmingham City FC. I am a Birmingham City supporter from birth. All my family are from within half a mile from the ground in Small Heath and we all supported the Blues. Being a Bluenose is an awful curse – we snatch defeat from the jaws of victory over and over again. BCFC are my only religious affiliation.
Tu sais,
Mon canapé rouge.
Ma Brigitte.
Mes anges.
Les photos.
Mon bureau.
Rezvani.
Le vin.
Les cigarettes.
Ma guitare et mon Bambi.
Mes rouges à lèvres et mes vernis rouges.
Mes vinyls et mes papillons.
Ma guitares et mes chansons.
Le Bleu.
L’amour.
Dumbo.
Mes souvenirs.
Duras.
Mon futur, mon présent, le passé.
Un homme, deux hommes, un homme.
Mes briquets.
Le feu.
Les fleurs.
Une pirate.
Un grand amour.
13 rue de l’Espoir.
Pierre et Gilles.
Un parfum, deux parfums, trois, quatre.
Le tempo.
Pizzicato Five.
Emmanuel Bove.
Un ami. Deux amies, cinq, six.
Ma main.
Ta main.
Une alliance.
Un sourire.
Elle avait le rire discret de celles qui ont trop espéré…..
M comme Malice. Il y en a (un peu) dans le fait de se lancer dans l’écriture d’un texte consacré au nouvel album de Michael Head en voulant à tout prix éviter la forme classique de la chronique. Mais c’est Pascal Blua qui a demandé, et à Pascal Blua, on ne dit pas non. On dit oui… Mais on ruse un peu.
I comme ibérique. Oui je sais, Michael Head vient de Liverpool (pardon, rectification : Michael Head est Liverpool). N’empêche. Il en a toujours pincé pour l’Espagne et l’espagnol. Titres de chansons souvent, titre d’album ici. Pincement du cœur, pincements des cordes. Et peu importe la guitare pourvu qu’on ait l’ivresse… La première chose que j’aime d’amour chez ce drôle de bonhomme (trombine de gavroche cinquantenaire amusé d’être encore tellement en vie sur la radieuse pochette du sus-mentionné Blua), c’est ça, c’est ce côté bohémien, terriblement romanesque : mettez-lui un bout de bois flamenco acheté 40 livres dans une brocante pluvieuse de Sheffield, avec le manche tordu et des auto-collants Sisters of Mercy pour cacher les trous, et l’ex-Pale Fountains se débrouillera toujours pour vous chanter quand même un truc beau comme le soleil, un truc à vous tirer des larmes. Je ne sais pas d’où ça vient, cette “hispanité” des bohémiens de la Mersey. Lee Mavers a la même, John Power a la même, les gringos de The Coral ont la même. Origine mystérieuse mais effet garanti : Michael Head l’ibérique joue des chansons comme Maradona du ballon. Jeu naturel, pas plus réfléchi que ça. Facilité déconcertante, particulièrement dans cette façon de chanter, l’air de rien, la tête dans les nuages. I comme Icare, i comme easy.
C comme (faire plus) court, parce que si j’écris 20 lignes par lettre de son nom, vous n’irez jamais au bout de cette page.
H comme héroïque. C’est quoi, un héros, en musique ? Rayez les mentions inutiles. Un gros vendeur de disques ? (personnellement, je raye). L’auteur forcément maudit d’un ou deux tubes et puis s’en va ? (je raye). Un(e) précoce qui fait tout impeccablement jusqu’à ses 26 ans mais finalement décide de mourir d’une overdose à 27 ans ? (je raye). Ou bien… ou bien (vous me voyez venir) un coureur de fond, un passager clandestin dans l’histoire officielle du rock, rarement sur le pont en plein soleil, mais pas pour autant à fond de cale – quelque part entre les deux, dans son monde à lui, sa « classe à part » ? Paddy McAloon. Edwyn Collins. Peter Milton Walsh. Cette trempe d’hommes. Des vivants, qui n’ont pas oublié qu’il y a avait une vie (parfois cruelle, parfois usante) à côté de la musique… Donc oui, Michael Head est un héros. Qui a toujours fait les choses comme il pouvait. A son rythme. Avec ses moyens du moment, sa modestie parfois, ses gueules de bois. Mais aussi avec sa capacité à se relever, à refaire la paix avec la musique, avec l’idée d’être entendu, écouté, apprécié. Un honnête homme. Imparfait, mais entier. Et qui se permet ajourd’hui de mettre à peu près toutes les meilleures chansons de sa livraison 2017 à la fin de l’album en question. Et pourquoi pas après tout ? C’est qui le patron ?
A comme acoustique. Encore et toujours la base de tout. Un homme, sa guitare acoustique, le canapé, la télévision en fond sonore, le chat qui passe, accross the kitchen table. Un jour, chanson. Un jour, pas chanson. Pas grave, ça ira mieux demain… Savoir y revenir. En rêver la nuit. Oublier. Se rappeler. Oublier à nouveau. Commencer à trier. 5 chansons, 6 chansons… Et puis un jour, peut-être, ça fait un disque. Est-ce qu’on demandait à Maradona d’aller s’entrainer ? Non, il allait jouer au foot. Est-ce qu’on demande à Michael Head d’enregistrer un album ? Non, il joue de la guitare devant sa télé. Jusqu’au jour où.
E comme éternel. Pas certain qu’il le sache lui-même, mais la presse anglaise, généreuse ces jours-ci, semble enfin décider à lui dire (fucking pas trop tôt, les gars !!!) : oui, Michael Head a conçu, depuis le début des années 1980, une œuvre discographique qui a un incontestable parfum d’éternel. Depuis les Palies, depuis Shack, Head est dans cette cour-là, au milieu des très grands. Par la finesse extrême de ses entrelacs mélodiques, par le naturel désarmant de sa voix (cadeau divin), par son hispanité mêlée de crachin anglais, la souplesse toute latine des rythmiques qui lui viennent dès qu’il prend sa guitare. Head habite parmi les éternels. Le Jimmy Webb de Wichita Lineman (immortalisée par Glen Campbell). Le Scott Walker de The Seventh Seal. Le George Harrison de Something. Le Mac Davis de In The Ghetto (sublimée par Presley). Exagération ? Emportement coupable du fan qui ne se contrôle plus ? Je ne crois pas… Faut-il redire ici qu’il est crucial (en 2017 probablement plus que jamais) de distinguer les chansons (leur structuration, leur mode opératoire, leur charme intrinsèque) des interprétations plus ou moins éloquentes, flatteuses, tapageuses ou au contraire modestes qu’en feront plus tard leurs interprètes ? Ne jamais confondre le bois de la table et le vernis qu’on met dessus. Un exemple au hasard : Reflektor, d’Arcade Fire. Est-ce une grande chanson ? Je ne crois pas. Au mieux c’est un gimmick, un bout d’idée. Est-ce un bon titre une fois accouché, produit, gonflé aux hormones pro-tools et claps-claps electro ? Oui. Un exemple en sens inverse ? Velocity girl de Primal Scream. Un joyau brut, mais saboté en 85 maigres secondes d’un non-mix potache sous intra-veineuse Byrdsienne. Dommage (un peu) pour nos oreilles… mais ça n’en reste pas moins une géniale chanson… Vous pensez que je m’égare ? Quel rapport avec Michael Head ? Eh bien cet homme-là a su allier les deux (la puissance de la chanson, la pertinence de l’interprétation) pendant l’essentiel de sa carrière – et notamment quand il travaillait avec son frère John, qu’on regrette d’ailleurs de ne plus entendre apporter ses contre-champs lumineux à la 12-cordes électrique. Les Pale Fountains avaient cette qualité rare : ils écrivaient mieux que personne au monde des chansons des Pale Fountains, et en plus, ils les enregistraient avec une éloquence, une vista, une autorité naturelle que personne d’autre n’aurait pu approcher. Comme les Smiths. Comme les Woodentops. Comme Echo and the Bunnymen. Or, me semble-t-il, Michael Head a plutôt su garder cette double compétence peu fréquente : être à la fois le géniteur et l’accoucheur. Le bois de la table et le vernis.
Ici, ce miracle d’équilibre s’entend en particulier sur des titres comme Picasso et 4&4 still makes 8, qui ont comme point commun d’avancer tout droit, par la grâce d’une grosse caisse de batterie simplissime, un truc à faire marcher les enfants face au vent un jour de kermesse. C’est très basique, mais ça marche merveilleusement bien, car alors Michael Head peut laisser couler sa voix au naturel, et nous prendre in the palm of his hand avec les modulations de voix et subtiles développements de mélodies dont il a le secret. Aux premières écoutes, cela semble fonctionner un peu moins sur des titres comme Overjoyed ou Queen of all Saints, construites sur des rythmiques ternaires. Ça peut être un piège, une valse. Ça peut enfermer la voix dans des espaces réduits, faute de place disponible, faute d’oxygène. Au premier couplet de Josephine, on a peur pour la suite : que va bien pouvoir faire Michael Head de ce balancement pas original pour deux pence, de cette mélodie de chant plate comme une piste d’aéroport ? Et puis arrive le refrain, et là, c’est baroque around the clock, poussez les tables et faites entrer les joueurs de fifres. Preuve que ça peut être formidable, aussi, une valse ; et que Michael Head maitrise aussi bien l’écriture que la mise en scène. Comme on dit à Liverpool : BOSS.
L comme légèreté. Au sens de retenue, de délicatesse. De frisson dans la voix. Winter turns to spring est tout cela, et c’est une percée de bleu clair bienvenue dans un ciel ailleurs un peu trop chargé à mon goût. Head et un piano, that’s all. Head qui chante (un peu) comme Edwyn Collins, la voix au bord des larmes, au bord de cette soul mélancolique et noctambule qu’on joue dans les juke-box de Memphis quand les derniers clients sont partis se coucher. Et l’auditeur innocent que nous sommes se retrouve pris au piège, obligé de détourner pudiquement le regard quand l’autre personne dans la pièce dit : « ça va ? t’as l’air ému…?» (tu m’étonnes).
Fantasme pour aujourd’hui et demain : entendre Michael Head (et Peter Walsh, et Neil Hannon, et quelques autres encore) s’offrir le merveilleux plongeon dans l’ascèse et la nudité instrumentale que s’est offert Paddy McAloon lorsqu’il a rejoué l’essentiel de Steve McQueen à la guitare acoustique il y a quelques années (chef d’œuvre diabolique). Appelons-ça le « traitement-Johnny-Cash-American-Recordings ». Passé 50 ans, ça devrait être obligatoire et remboursé par la Sécurité Sociale. « Tiens, Michael, voilà ton billet d’avion : tu pars quinze jours chez Rick Rubin, tu t’inquiètes pas, il t’expliquera…»
H comme HMS Fable. Ou Here’s tom with the weather… A toi, jeune internaute qui passe ici un peu par hasard (ou erreur), les vieux gars comme Pascal Blua et moi te disent que tu dois aussi t’intéresser à la discographie antérieure de Michael Head. Non mais.
E comme évidemment. Evidemment Workin’ family. Evidemment Rumer. Evidemment Wild Mountain Thyme. Evidemment les Byrds, évidemment Love, évidemment Shack période Zilch (tellement sous-estimé, ce disque). Ces titres-là sont la chair, l’âme, le sang et les larmes d’Adios Senor Pussycat. Michael Head dans un miroir face à lui-même, les yeux grands ouverts. « Oui, j’ai vécu tout ça… Oui, je suis toujours là…» Michael Head ? An absolute NON beginner, qui a pourtant gardé tout le charme innocent de sa brillante jeunesse. Ça se fête, non ?Alors sur le sublime Rumer, il a invité des copines pour faire des choeurs très coeur (avec les doigts), façon Leonard-Cohen-part-faire-du-surf-à-Malibu. Et du coup elles sont restées chanter sur la très californienne et non moins réjouissante Wild Mountain Thyme. Merveilleuse fin d’album.
A comme Adios Amigo. Quoi, c’est déjà fini ? Alors vivement le prochain album. (Nota bene : m’est avis que Michael va les enchaîner dans les années qui viennent, et qu’ils vont se vendre de mieux en mieux, juste retour des choses). En attendant, soyons clairs : celui-là est somptueux. Je déteste les notes, mais puisque vous insistez : 9,37 sur 10.
D comme Disquaire, Demain, Direct, D’accord ?
Emmanuel Tellier 20 octobre 2017
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MICHAEL HEAD BY EMMANUEL TELLIER (1)
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M is for mischief. There’s (a bit) of that in the mere fact that I’m sitting down to write something about the new Michael Head album but a conventional review is the very last thing I feel like doing. Still, Pascal Blua asked me to do it and you don’t say “no” to Pascal Blua – you say “yes”, you just need to be a bit crafty about it.
I is for Iberian. Yes I know, Michael Head comes from Liverpool (sorry, my mistake – Michael Head is Liverpool). Even so, he’s always had a thing about Spain and Spanish – often it’s in the titles of songs, but this time it’s the album itself. When you’re plucking the (heart) strings, it doesn’t really matter what guitar you use as long as you can feel that exhilaration… That’s the first thing I love about this rather odd bloke (looking like a fifty-something street urchin, looking amused at still being alive on the radiant sleeve designed by the aforementioned Mr Blua), his bohemian and incredibly romantic side – just give him a cheap flamenco guitar picked up from a rainy Sheffield flea market for 40 quid, with a twisted neck and Sisters of Mercy stickers hiding the holes, and the former Pale Fountain will still manage to sing you something as gorgeous as the sun that’ll reduce you to tears. I don’t know where this Hispanic thing all the Mersey bohemians seem to have comes from – Lee Mavers has got the same thing, so has John Power, so have the gringos from The Coral, but wherever they get it from, it never fails – Michael Head the Iberian plays songs the way Maradona played with the ball – naturally, without even thinking about it. There’s a disconcerting ease, especially in the way he sings, as though it didn’t matter, with his head in clouds. I is for Icarus and it’s as easy as A-B-C.
C is for cutting it short, because if I write 20 lines for each letter of his name you’ll never get to the end of the page and Pascal Blua won’t like that.
H is for heroic. Just what is a musical hero? Delete all that do not apply. Is it someone who sells loads of records? (I’d delete that one myself). Is it a tortured soul who writes a couple of hits and then does one? (I’d delete that as well). Is it a precocious type who doesn’t put a foot wrong up to the age of 26 but ends up deciding to die of an overdose at 27? (That’s another one I’d cross out). Or else… Or else (you’re way ahead of me) is it a long-distance runner, a stowaway in the official history of rock, rarely found sunbathing up on deck but not actually hidden away at the bottom of the ship’s hold – someone who’s somewhere between the two, in his own world, in a “class of his own”? Paddy McAloon. Edwyn Collins. Peter Milton Walsh. People like that. These are survivors, who haven’t forgotten that there’s a life (though it may sometimes be cruel and sometimes exhausting) outside music… So, at the end of the day yes, Michael Head is a hero. He’s someone who’s always done the best he could – but at his own pace, and with whatever he happened to have at the time, sometimes drawing on his modesty or his hangovers, but sometimes using his ability to pick himself up again, to make peace again both with music and with the idea of being heard, listened to and appreciated. An honest man – imperfect but with his integrity intact. He’s now allowed himself to put nearly all the best songs on his 2017 album right at the end – and, after all, why shouldn’t he – who’s the boss here?
A is for acoustic. This is still the basis of everything, just as it always has been. A man, his acoustic guitar, the sofa, the television in the background, a passing cat, Across The Kitchen Table. One day a song might come along, the next day it might not. Still, never mind, things’ll be better tomorrow… You need to know how to come back to it. You need to dream about it at night. Forget. Remember. Forget again. Start picking out the good ones. Five songs, then six… Then one day maybe you’ve got enough for a record. You don’t think they used to ask Maradona to go and train, do you? Of course not. He went off and played football. So nobody’s going to ask Michael Head to record an album, are they? Of course not. He’ll sit and play the guitar while he’s watching the telly. Until, one fine day…
E is for eternal, as in timeless. I’m not sure he knows it himself, but the British press are feeling generous nowadays, and they seem finally (and not a fucking minute too soon, lads!!!) to have decided to inform Mr Head that, since the early 1980s, he’s been assembling a back catalogue with an unmistakeable whiff of the timeless about it. Since the Paleys, since Shack, Head has been right up there with the very best. It’s in the incredibly delicate way he weaves his melodies, his disarmingly unaffected voice (a gift from the gods), his combination of Spanish sun and English drizzle, the very Latin suppleness of the rhythms that come along the minute he picks up his guitar. Head is up there with the timeless artists. The Jimmy Webb of Wichita Lineman (immortalised by Glen Campbell). The Scott Walker of The Seventh Seal. The George Harrison of Something. The Mac Davis of In The Ghetto (performed sublimely by Presley). Do you think I’m exaggerating? Am I just a fan getting guiltily carried away? I don’t think so… Do I need to repeat here that – in 2017 probably more than ever – it’s crucial to make a distinction between the songs (the way they’re structured, the way they work, their intrinsic charm) and how performers may approach them later on, which can vary in terms of how articulate, flattering, ostentatious or, on the contrary, modest they are? Never confuse the wood from which a table is made with the varnish on top of it. Here’s a random example: is Arcade Fire’s Reflektor a great song? I don’t think so. At best it’s a gimmick, a fragment of an idea. Is it a good track once it’s been laid down, produced, beefed up with Pro Tools steroids and electro handclaps? Sure. OK, then what about an example of the same thing the other way around? Take Primal Scream’s Velocity Girl, that’s an unpolished gem, but messed up by an 85-second schoolboy non-mix on a Byrdsian IV drip. It’s (rather) a shame when you listen to it… but it’s still a fantastic song… OK, OK, so you think I’m rambling, do you? What’s all this got to do with Michael Head? Well, this bloke has managed to combine the two (the power of the song and the right performance) throughout most of his career – and especially when he was working with his brother John, it’s a shame we no longer hear his chiming electric 12-string counterpoints. The Pale Fountains had that rare quality – they wrote songs Pale Fountains better than anyone else in the world, and they also recorded them with an eloquence, an outlook and a natural authority that nobody else could’ve got near. Like The Smiths. Like The Woodentops. Like Echo and the Bunnymen. Even so, it seems to me that Michael Head has more or less managed to retain the unusual twofold skill of being both the parent and the midwife. The wood from which the table is made and the varnish.
Here, you can hear this miracle of balance particularly on tracks like Picasso and 4&4 Still Makes 8 – what they have in common is that they move straight ahead, driven by an incredibly simple great big bass drum, the kind of thing you need to get reluctant children marching into the wind on a church outing. It’s very basic, but it works wonderfully because it means Michael Head can let his voice flow naturally, picking us up in the palm of his hand with those vocal modulations and subtle melodic developments that only he knows how to pull off. On the first few listens, it doesn’t seem to work quite as well on tracks built upon compound rhythms such as Overjoyed and Queen Of All Saints. A waltz can be a trap – it can hem the voice into small spaces, where there’s not enough room or oxygen. When you hear the first couplet of Josephine, you’re afraid of what’s coming next – what can Michael Head possibly do with this hackneyed tuppenny ha’penny swaying rhythm and a vocal melody that’s as flat as an airport runway? Then comes the chorus, and it’s baroque around the clock, push back the tables and bring in the fife players, proving that a waltz can be amazing too; and that Michael Head is as good at writing as he is at directing. “Boss”, as they say in Liverpool.
L is for lightness of touch. In the sense of restraint and delicacy. A shiver in the voice. Winter Turns To Spring is all of this, and it’s some welcome light blue breaking through a sky which is rather too overcast for my taste. It’s just Head and a piano. Head sings (a bit) like Edwyn Collins, his voice welling up, bordering on the kind of melancholic, late-night soul that’s played on jukeboxes in Memphis when the last customers have headed off to bed, and the innocent listener is caught in the trap, forced to look discreetly away while the other person in the room says “are you OK? You look a bit upset…” (who’d’ve thought it).
A ghost for today and tomorrow – hearing Michael Head (and Peter Walsh, and Neil Hannon, and a few others) indulging themselves with a wonderful dive into asceticism and instrumental nudity, of the kind Paddy McAloon allowed himself when he reinterpreted most of Steve McQueen on acoustic guitar a few years back (an uncanny masterpiece). Let’s call it the “Johnny-Cash-American-Recordings treatment”. Once you get past 50 it ought to be compulsory and you ought to be able to claim the cost back from the Social Security. “Hey, Michael, here’s your ‘plane ticket – you’re off to spend a fortnight at Rick Rubin’s place, don’t worry, he’ll tell you what it’s all about when you get there…”
H is for HMS Fable. Or Here’s Tom With The Weather… It’s up to young Web users like you who’ve come across this page more or less by chance (or by mistake) but take it from old blokes like Pascal Blua and myself, you really should check out Michael Head’s back catalogue. No really, go on…
E is for evidently or, to put it another way, obviously. Workin’ Family obviously. Rumer, obviously. Wild Mountain Thyme, obviously. The Byrds obviously, Love obviously, Zilch-period Shack obviously (such an underestimated record). These tracks are the flesh, the soul, the blood and the tears of Adios Senor Pussycat. Michael Head looking at himself in a mirror, his eyes open wide. “Yes, all that happened to me… Yes, I’m still here…” Michael Head? He really ISN’T an absolute beginner, even though he’s managed to hang onto all the innocent charm of his brilliant salad days – that, surely, is something to be celebrated, isn’t it? Then, on the sublime Rumer, he’s got some lady friends in to do some gorgeous (and very catchy) Leonard-Cohen-goes-surfing-in-Malibu-style backing vocals and, as they were there, they hung around to sing on the very Californian and no less delightful Wild Mountain Thyme, which is a wonderful way to finish an album.
A is for Adios Amigo. Eh? That’s it? Already? Well, roll on the next album. (N.B. I reckon Michael’s going to be releasing one record after another over the next few years, and they’ll get better and better, which’ll be only right and proper). In the meantime, let’s get this straight, this one is fabulous. I hate scores but, if you insist, 9.377 out of 10.
D is for do it – get yourself straight down to your local record shop tomorrow, OK?