Le Mange Disque, portrait d’un fanzine

Logotype Le Mange Disque © Fred Le Flaher

AU DÉBUT

L’histoire du Mange-Disque commence donc en 2005…
Fred Le Falher — Oui, ça démarre comme souvent par une bande de copains réunis autour d’une même passion pour le rock. Au départ, on est cinq : Bruno Mosnier, Fred Sérager, Daniel Aimé, Jeff Vidal et moi-même. On est en 2005, on a entre 30 et 40 ans (sauf Daniel, notre doyen : la petite soixantaine), on boit des coups, on voit pas mal de concerts, et on se dit que ce serait cool de construire quelque chose ensemble, de transformer cette amitié en une réalisation concrète, durable.
Certains montent un groupe ou un festival, nous on a créé un fanzine. Il n’y avais pas de fanzine à Aurillac, et on trouvait marrant de se lancer là-dedans à nos âges, alors que les fanzines sont plutôt un truc qu’on fait à 20 ans.

Pourquoi en 2005, choisir d’éditer un fanzine papier alors que les webzines fleurissent sur internet ?
FLF — On est tous attachés à l’objet : les disques, les vinyles, mais aussi les bouquins, la presse, les affiches… Nos maisons ou apparts sont gavés de tout ça, les étagères débordent, ça n’en finira jamais. Donc, il était hors de question dès le départ de faire un web-zine : on voulait un truc imprimé et relié, à l’ancienne, un journal qu’on puisse glisser dans un sac, lire aux chiottes, conserver dans une étagère, bref, un “vrai” fanzine.

“Certains montent un groupe ou un festival, nous on a créé un fanzine” — Fred Le Falher


Quelles étaient vos envies en créant un fanzine ?

FLF — On a fait une réunion ou deux (bien arrosées) pour définir ce qu’on voulait faire, et on a adopté une série de parti-pris bien définis :
– on parle de ce qu’on veut, sans lien nécessaire avec l’actualité
– on défend chacun notre petit univers personnel : Bruno plutôt punk, Fred des trucs assez “arty”, Jeff n’écoute que du reggae, moi plutôt de la pop, Daniel raconte ses anecdotes de vieux routard des concerts parisiens…
– chaque sujet doit avoir un rapport avec la musique, c’est la seule contrainte
– on se fait plaisir à défendre des trucs qu’on adore, on ne fait pas d’articles “contre” mais “pour”.
On a sollicité d’autres copains autour de nous, nos frangins, des gens susceptibles de collaborer régulièrement ou ponctuellement au Mange-Disque… Au total, en plus du noyau dur des cinq zigottos du début, il doit y avoir une bonne trentaine de personnes qui ont écrit dans le fanzine.

Pourquoi Le Mange-Disque ?
FLF —  Ça a failli s’appeler “Single”, et puis finalement on a choisi Le Mange-Disque, parce que ça faisait moins prétentieux. Un Mange-Disque, c’est presque un jouet, c’est un appareil pour les enfants, ça nous allait bien. Ça fait pas trop sérieux, ça exprime une forme de légèreté, une approche plutôt ludique de la musique, c’est un nom qui nous plaisait bien parce qu’on avait envie de se marrer, quand même, avec ce fanzine.

© Le Mange-DIsque / Fred Le Falher

Et le format carré ?
FLF — On voulait faire un objet un peu soigné, un beau fanzine, pas un truc punk photocopié en A4. On se disait “tant qu’à faire un fanzine de vieux, autant le faire bien”. Le choix du format carré s’est imposé assez vite, et pas seulement carré : 18 cm de côté, comme un 45 tours. Et ça collait bien avec la forme du journal : un mange-disque, ça ne permet de lire que des 45 tours, donc format carré.

Du coup, vous tenez un concept ?
FLF — Oui, car ce format-là, en plus, nous permettait de vendre le fanzine dans une pochette plastique transparente (comme les 45 tours). Du coup, non seulement la pochette rappelait le 45 tours tout en mettant en valeur le fanzine, mais en plus ça permettait de glisser notre fameux cadeau à l’intérieur, chose impossible sans la pochette. Et ça, c’était vraiment la cerise sur le gâteau de notre projet : accompagner chaque numéro d’un petit cadeau-collector, comme le Pif-Gadget de notre enfance.
En fait, on s’est dit “voilà, le Mange-Disque sera le Pif-Gadget du fanzine rock”. Ça veut dire qu’à chaque numéro, on devait trouver un petit cadeau différent, mais pas cher car sinon on se retrouvait avec des cadeaux plus chers que le coût du journal.

“On s’est dit : voilà, le Mange-Disque sera le Pif-Gadget du fanzine rock” — Fred Le Falher

Qu’avez-vous fait comme cadeaux ?
FLF — On a fait des cartes postales, des stickers, des sous-bocks, des magnets, des ballons, des préservatifs, des badges… Ça fait des petits objets-promo marrants, c’est cool.
On a même fait très fort pour notre numéro 10 : le cadeau, c’était un vrai 45 tours, un split-record avec un groupe sur chaque face , Les Glums et les Cracbooms, deux jeunes groupes d’Aurillac qu’on aimait bien, en vinyle rouge (!), et avec une pochette ouverte et réversible (pochette avec photos de Daniel d’un côté, et des dessins à moi de l’autre côté). Et tout ça pour 1 euro de plus qu’un numéro ordinaire. Bon, inutile de te dire que ce numéro-là a été épuisé très vite !!!

© Le Mange-Disque / Fred Le Falher
Les cadeaux du Mange Disque : badges, 45t collector, cartes postales, stickers, sous-bocks, magnets, ballons, préservatifs…

AU FIL DES NUMÉROS

Comment se sont répartis les rôles dans le fanzine ?
FLF — Le plus important, c’était que chacun fournisse des articles. Pour le reste, on a fait en fonction des compétences ou des envies des uns et des autres… Bruno M. s’est occupé de la compta, il est plutôt bon là-dedans. Fred S. s’est chargé de l’aspect administratif : numéro ISBN, dépôt des statuts de l’association, ce genre de choses assez carrées.
De mon côté, j’ai pris en charge tout l’aspect graphique du fanzine et ça, c’est vraiment LE truc qui me plait à fond avec le Mange-Disque. Concevoir les couvertures, illustrer les articles des uns et des autres, dessiner tous les titres, faire toute la mise en page, m’occuper du cadeau, mettre au point les affiches-promo… Ça prend un temps de malade, mais j’adore ça.

Chaque membre de la rédaction se prend donc en charge une rubrique, qu’il fait vivre au fil des numéros ?
FLF — Ce ne sont pas tant de “vraies” rubriques que des petites marottes personnelles que chacun défend de numéro en numéro.
Daniel, notre vétéran bien-aimé, nous fait revivre de l’intérieur ses concerts préférés, à grand renfort d’anecdotes qui sentent parfois un peu fort le vécu… Ça donne des chroniques de concert où il n’est quasiment pas question de musique, mais plutôt de l’art et la manière de planquer un appareil-photo dans un sac-à-dos rempli de linge sale pour tromper la vigilance du service d’ordre… Fred S. , dans l’édito comme dans ses articles, est le seul capable de caser des mots comme “corollaire” ou “éthéré”, une exigence littéraire compensée quelques pages plus loin par les familiarités langagières de Bruno M., pas du genre à tourner autour du pot.
Pour ma part, je me suis spécialisé dans le plébiscite de groupes pas très respectables, genre les Charlots, les Poppys, Niagara, Graziella de Michele, OMD, ou même… Johnny Hallyday (album “La Génération perdue”, un bon cru de 1969 !)… Des trucs que j’aime vraiment bien, mais qui ne jouissent pas d’une grande crédibilité-rock, c’est le moins qu’on puisse dire. Chaque numéro ou presque accorde une place à un article Reggae, signé par l’ami Jeff. On a aussi les interventions drolatiques de Bruno V. alias Placid Souplex, pour deux à quatre pages de dessins foutraques flirtant dangereusement (encore heureux !) avec le n’importe-quoi… On a aussi le poster central, une simple double-page, ne rêvons pas, chasse gardée de Daniel.

“On peut dire que les articles de chacun n’ont (presque) pas besoin d’être signés, tellement ils portent l’identité de leur rédacteur” — Fred Le Falher

© Le Mange-Disque / Fred Le Falher
Les amis du Mange Disque (de gauche à droite) : Xavier Hup, Fred Le Falher, Fred Sérager, Jeff Vidal et Bruno Mosnier


Vous cultivez donc la liberté d’expression individuelle ?

FLF — On peut dire que les articles de chacun n’ont presque pas besoin d’être signés, tellement ils portent l’identité de leur rédacteur. Mais ça colle bien avec l’esprit du Mange-Disque : liberté de ton totale, comme au bon vieux temps des radios pirates… mais sur papier. On n’est pas organisés au point d’avoir des rubriques systématiques : on fonctionne essentiellement à l’envie, au coup de cœur, à l’initiative individuelle.
Les intervenants extérieurs, et les initiatives ou contributions qu’ils peuvent apporter, sont toujours les bienvenus : le cercle du Mange-Disque, tel un 45 tours élargi au 25 cm puis au 33 tours, est fait pour s’agrandir !

Un article signé Dominique A, une collaboration avec Renaud Monfourny, on ne se refuse rien au Mange-Disque ?!
FLF — Oui, nous sommes assez fier d’avoir eu Dominique A parmi nos rédacteurs (numéro 11), avec un article complètement inédit sur Bridget Saint-John. On l’avait rencontré pour une interview au Théâtre d’Aurillac en 2010, il avait particulièrement apprécié qu’on perpétue la tradition du fanzine-papier, du coup il nous avait promis un article : promesse tenue, merci M’sieur A !
Quand à Renaud Monfourny, lui aussi sensible au support imprimé, il nous a proposé de sélectionner des séries de 6 portraits par thématiques. Les photos étant carrées (avec la fameuse bordure noire du négatif, signature du maître), c’était parfait pour les pages du Mange-Disque. On n’est pas peu fiers d’avoir exhibé des Lou Reed (série “New-York”), Jesus & Mary Chain (“Dirty British”), Elliot Smith (“Mythes US”) et autres PJ Harvey (“Girls”) dans notre petit fanzine aurillacois… Pour l’anecdote, quand Monfourny est venu à Aurillac en 2012, dans son discours d’inauguration pour son expo, il a d’ailleurs dit “Oui, c’est vrai, je suis photographe aux Inrocks, mais enfin, je travaille surtout pour le Mange-Disque“, ah ah !

© Le Mange-Disque / Fred Le Falher

© Le Mange-Disque / Fred Le Falher
Interview de Dominique A / Portfolios de portraits par Renaud Monfourny

Chaque couverture du Mange-Disque contient un élément glissé dans le décor qui évoque un 45 tours. Comment choisis-tu le thème de l’illustration de couverture ?
FLF — En fait, le thème de l’illustration n’a aucun rapport avec le contenu du sommaire. A l’inverse d’un magazine classique qui fait sa Une sur le sujet-vedette du numéro, la couv’ du Mange-Disque est un dessin complètement libre.
Le seul impératif que je me suis fixé, et qui est commun à toutes les couvertures, c’est d’intégrer un objet ou un élément de décor qui évoque le 45 tours. Une soucoupe volante (numéro 2), une crêpe (numéro 3), un morceau de glace sur la banquise (numéro 5), un gâteau d’anniversaire (numéro 10), le tracé du rond central sur un terrain de foot (numéro 11), le motif d’un bouclier viking (numéro 12)…
Faut pas croire, mais c’est assez compliqué à alimenter, comme concept ! Et maintenant, impossible de faire machine arrière, je dois me creuser la tête pour trouver des idées. Heureusement, notre rythme de parution, tout sauf stakhanoviste, me laisse du temps ! Mais il est déjà arrivé que tout soit prêt, sauf la couverture…

“En fait, le thème de l’illustration n’a aucun rapport avec le contenu du sommaire. A l’inverse d’un magazine classique qui fait sa Une sur le sujet-vedette du numéro, la couv’ du Mange-Disque est un dessin complètement libre” — Fred le Falher


Comment avez-vous distribué Le Mange-Disque ? Chez les disquaires, dans les bars ou les salles de concert, par abonnement ?

FLF — Dans la plus pure logique DIY, le Mange-Disque est en dépôt chez les disquaires indépendants : La Voix du Laser à Aurillac (fermé depuis quelques années, conjoncture oblige, argggh !), Spliff à Clermont, The Rev’ à Tulle… On a aussi élargi à quelques bars hautement fréquentables comme le Bikini à Clermont.
Mais on vend aussi directement aux copains, ou aux aficionados du Mange-Disque dans nos soirées-vinyles. Et aussi par correspondance pour nos lecteurs éloignés (mais oui, il y en a !). Bref, on se débrouille comme on peut pour écouler notre (modeste) stock, sachant qu’on ne tire qu’à 130 exemplaires, ce qui est assez dérisoire.

© Le Mange-Disque / Fred Le Falher

GRAPHISME ET FANZINE

Parlons de toi maintenant. Quel est ton parcours ?
FLF — J’ai fait les Beaux-Arts : d’abord deux ans à Clermont-Ferrand, puis trois années en option Communication visuelle et audio-visuelle à St-Etienne parce que les Arts plastiques purs et durs, très peu pour moi. Mon projet de diplôme était construit autour de Chris Evans, un rockab’ stéphanois qui entrera dans la postérité pour avoir signé “Ma pin-up est une grosse truie”… Ensuite, deux ans d’objection pour éviter l’armée, et après il a bien fallu se mettre à bosser alors j’ai atterri à Aurillac pour être prof d’arts appliqués au lycée St-Géraud, un établissement assez génial dédié aux filières Arts appliqués et Arts graphiques. C’était en 1994, et je n’en suis jamais parti. Vingt-deux ans maintenant que j’enseigne les joies du graphisme à des élèves de Bac Pro Communication visuelle.

© Le Mange-Disque / Fred Le Falher

Il se trouve qu’avec quelques collègues passionnés, on a fait le choix — complètement arbitraire — de travailler presque exclusivement autour de ce qu’on pourrait appeler la culture rock : l’image liée à la musique, ça reste quand même une obsession. On a mis en place toute une série de partenariat avec les structures du coin, notamment la Coopérative de Mai à Clermont ou les festivals Hibernarock ou Europavox, qui nous permettent de monter des projets super excitants avec nos artistes préférés de passage dans la région : de Daniel Darc à Heavy Trash en passant par Charlotte Gainsbourg, Katerine, Dominique A, Miossec, les anciens Bérus, et même Patti Smith (!). On a fait des super beaux boulots en graphisme, et vécu comme nos élèves des moments mémorables avec du beau monde.

En parallèle, j’exerce une petite activité de graphiste très indépendant, en dessinant des pochettes de disques pour des groupes aux noms croquignolets tel que Man Made Monster, La Position du Tireur Couché, The Plastic Invaders, The Balladurians…, des affiches de concert et de festivals rock, des visuels pour la Coopérative de Mai ou pour le Wakan Théâtre…
Le Mange-Disque, c’était l’occasion de se frotter à un environnement visuel complet : illustration, mise en page, typo, objets-promo, affiches pour annoncer les nouveaux numéros ou les soirées DJ… Presque un travail de Directeur artistique, mais en version Minus !

“Il se trouve qu’avec quelques collègues passionnés, on a fait le choix de travailler presque exclusivement autour de ce qu’on pourrait appeler la culture rock : l’image liée à la musique, ça reste quand même une obsession” — Fred Le Falher

© Le Mange-Disque / Fred Le Falher

Quelles sont tes influences et tes références en terme de graphisme et d’illustrations ?
FLF — Je suis un gros fan de Serge Clerc, que j’ai découvert dans les pages du Rock&Folk du début des années 80, ou de Métal-Hurlant. Lycéen, j’ai passé des heures à recopier ses dessins, forcément ça marque. Ça reste un de mes dessinateurs préférés. J’aime aussi beaucoup Yves Chaland, un peu dans la même famille, la Ligne Claire, tout ça. Ça remonte à Hergé, que j’ai beaucoup scruté aussi. Globalement, je ne suis pas très attiré par les dessins hyper réalistes, minutieux, avec plein de petites hachures. J’aime bien Jijé, ceci dit, les Jerry Spring en noir et blanc, avec les fameux contre-jours, j’adore.
J’ai vraiment un faible pour les images très stylisées, et les gros aplats de couleurs. “Pravda la Survireuse”, le bouquin-culte de Guy Peelaert, trône dans mon salon. Les affiches de Saul Bass, j’en suis dingue : “The man with the golden arm”, “Anatomie d’un meurtre”, c’est super simple mais c’est génial. Tout le monde le copie allègrement, moi le premier, normal : c’est le meilleur. Je déteste viscéralement le jazz, par contre j’adore certains mecs qui ont signé des pochettes de disques démentes, notamment dans les années 40 et 50 : Jim Flora, Alex Steinwess, ou Reid Miles chez Blue Note, un pur graphiste, qui ne dessinait pas mais savait cadrer une photo et placer une typo dessus : chacune de ses pochettes est une leçon de mise en page.

“Les affiches de Saul Bass, j’en suis dingue : “The man with the golden arm”, “Anatomie d’un meurtre”, c’est super simple mais c’est génial. Tout le monde le copie allègrement, moi le premier, normal : c’est le meilleur” — Fred Le Falher

© Le Mange-Disque / Fred Le FalherDans les mecs plus contemporains, j’aime beaucoup Art Chantry, qui vient du graphisme punk : une bonne photocopieuse et une paire de ciseaux, ça peut suffire. Je suis aussi très marqué par tous ces américains qui font du gig-poster (Jeff Kleinsmith, Furturtle Print, Methane Studios…), il y a là-dedans une créativité tout azimut qui est vachement stimulante.
Plus proche de nous : j’adore Blexbolex (né dans le Cantal !) et ses bouquins toujours épatants ; j’ai suivi de près ce qu’on publié les éditions du Rouergue (basées à Rodez, pas loin non plus) quand Olivier Douzou était à la barre du secteur Jeunesse ; et en ce moment je suis très admiratif de ce que fait Alexandre Clérisse, un petit gars du coin exilé à Angoulême : son “Eté Diabolik” est un petit chef-d’œuvre, chaque page mérite qu’on s’y arrête. Je peux citer aussi des découvertes assez récentes : Jean Mosambi ou Marcel Bontempi, des mecs qui font des pochettes de disques et pas mal de sérigraphies dans un style très sixtie’s imprégné de cartoon, vraiment chouette.
En fait, chaque jour je peux être émerveillé par une affiche, une pochette de disque, un livre pour gamin… Je suis tout le temps en train de récupérer des flyers, des brochures, des magazines, des tas de trucs que j’entasse dans des cartons… C’est un peu compulsif. Heureusement, j’ai la chance d’avoir une grande baraque, avec un vaste grenier… et aussi une meuf compréhensive !

Comment organises-tu ton travail de graphiste sur le fanzine ?
FLF — A la base, je ne suis pas quelqu’un de très organisé… Sur le fanzine, je me fais violence : je dois être un peu méthodique parce que 60 pages à organiser, ça ne peut pas s’improviser. Pour ne pas être débordé, je gère les articles au fur et à mesure qu’ils arrivent.
La confection d’un numéro entier peut prendre plusieurs mois, du coup, parce que tant que j’ai du pain sur la planche, je laisse les copains m’envoyer les articles à leur rythme. Moi le premier, je suis assez lent à écrire (surtout quand je me lance sur un article fleuve à propos de Niagara !). Le truc très long et très chiant, aussi, c’est de lire tous les articles envoyés pour corriger les fautes d’orthographe et typographiques : j’essaie d’être le plus rigoureux possible avec ça, fanzine ou pas c’est une exigence qui me parait utile.
Côté maquette, je fais en sorte que tout le journal fonctionne par double-page : un article va occuper deux, quatre, six ou huit pages, jamais de chiffre impair. Je répartis le texte dans des colonnes, toujours en corps 9, et selon le volume qu’il occupe, j’évalue ce qui me reste de place pour faire ma petite garniture à moi : le titre et les images. Ce que je préfère, c’est les articles un peu longs parce que sur la première double-page, je me fais plaisir : gros titre, grosse illustration. Les lettres dessinées du titre, ça fait vraiment partie de l’identité visuelle du Mange-Disque.

© Le Mange-Disque / Fred Le Falher

“Gros titre, grosse illustration. Les lettres dessinées du titre, ça fait vraiment partie de l’identité visuelle du Mange-Disque. La somme de contraintes créé le style, au bout du compte, et ça j’aime bien, comme principe” — Fred Le Falher

Il faut savoir que je fais tout sur le logiciel X-Press, qui n’est pas du tout un logiciel de dessin mais de mise en page. Sauf que même pour faire de la mise en page, plus personne ou presque n’utilise X-Press, c’est In Design qui a pris le relais. Illustrator, je ne connais pas et je refuse d’apprendre à travailler dessus, presque par principe. C’est aussi de la flemme, évidemment, parce que je ne suis pas du tout sensible à la technologie.
Je dessine sur un écran parce que c’est super pratique, mais je suis venu à la PAO sur le tard, un peu à contrecœur. Aux Beaux-arts, par exemple, j’étais un fervent adepte du tout-manuel, je détestais les ordinateurs.

Aujourd’hui, je dessine avec une souris mais pour autant, je reste un vrai nul en PAO, et je ne ressens pas du tout le besoin de progresser. Paradoxalement, c’est devenu une petite spécificité que je cultive : je dessine sur un logiciel qui n’est pas fait pour ça. Et bizarrement, dessiner sur X-Press, ça me plait vraiment. Pourtant, c’est hyper contraignant : il faut tracer des polygones fermés pour pouvoir les remplir d’une couleur ; on ne peut quasiment pas tracer de courbes fluides ; il n’y a pas de calques comme sur la fameuse “suite Adobe” mais ça c’est pas grave parce que les calques, je n’y ai jamais rien pigé. Tout ça m’oblige à adopter un dessin un peu schématique, plutôt anguleux, dans les illustrations comme dans les titres, ce qui rejoint les esthétiques stylisées que j’affectionne, ce côté un peu cartoon, genre Hannah Barbera… Non seulement je m’en accommode, mais j’y trouve mon compte. Mieux que ça : j’en rajoute. Par exemple, à l’intérieur du Mange-Disque où j’ai carte blanche, je m’impose une autre règle stricte : du noir, du blanc, et une seule et même valeur de gris, toujours en aplat.

© Le Mange-Disque / Fred Le FalherLa somme de contraintes créé le style, au bout du compte, et ça j’aime bien, comme principe. Ceci dit, il n’y a pas que des dessins dans le Mange-Disque : on essaie aussi d’accorder une belle place à la photo, et ça fait du bien d’alterner les deux, selon les articles. Ça rythme la lecture. On a notre fameux Daniel qui pratique la photo de concert en pur amateur depuis quarante ans, et la double-page centrale lui est (quasiment) toujours réservée. Mais on a aussi eu les portraits de Renaud Monfourny, qui me permettait de me fantasmer de temps en temps en maquettiste des Inrocks-mensuel… J’essaie de ne pas utiliser d’images chopées sur internet ou scannées sur un bouquin mais je dois reconnaître que j’ai eu recours plusieurs fois à ces solutions de facilité. Nobody’s perfect, hein…
L’étape finale, quand les 60 pages sont remplies, c’est de répartir tout ça de façon équilibrée : j’alterne articles longs (6 ou 8 pages) et articles courts (une double-page), articles plutôt sérieux et article marrants, dessins et photos… Faut pas croire mais c’est assez conséquent, tout ça, comme boulot. A une époque, on sortait trois numéros par an et franchement, je ne sais pas comment on faisait !

DU FANZINE AU COLLECTIF DJ…

Le Mange-Disque, c’est aussi des soirées DJ dans les bars d’Aurillac ?
FLF — Oui, au départ, on a commencé par organiser des soirées dans les bars d’Aurillac pour chaque sortie de numéro.
On passait des disques (vinyles exclusivement), on en profitait pour vendre quelques numéros, on faisait la bringue, c’était chouette.
Et petit à petit (assez rapidement, en fait), on s’est retrouvés à être sollicités pour animer des soirées dans les mêmes bars, ou ailleurs, parce que forcément, des mecs qui ne passent que des 45 tours à Aurillac, il n’y en avait pas des masses. Surtout, on a toujours fait ça en se marrant et en faisant marrer les gens : on passe un peu tout et n’importe quoi, plein de vieux tubes, des trucs des années 80, des hymnes pop, parfois même de la bonne vieille varièt’, des trucs que tout le monde connait et qu’on peut brailler à tue-tête, sans hiérarchie, sans snobisme (des fois on passe vraiment des trucs très limite, mais on s’en fout). Ça va de Plastic Bertrand à Nirvana en passant par AC-DC, les Poppys, The Clash, Cure, Sheila, les Calamités, les Soup Dragons, Deee-Lite, Eric Morena (Oh mon Bâteau), Orchestral Manœuvre, Taxi Girl, les Bérus, Niagara, Gotainer, des musiques de film, bref, c’est un peu n’importe quoi mais on se marre bien.
Du coup, aujourd’hui les gens ont un peu oublié qu’à la base, le Mange-Disque c’est un fanzine. On est devenus un collectif de DJ plus tout jeunes et passablement agités, qui dansent comme des tarés, grimpent sur les tables pour faire du Air-guitar sur Highway to Hell, et se font payer en bières… Bah, on a l’image qu’on mérite !

© Le Mange-Disque / Fred Le Falher
Le Mange-Disque à la Route du Rock en 2012. De gauche à droite : Bruno Verger (aka Placid Souplex), Jeff Vidal, Bruno Mosnier, Fred Le Falher…


En sommeil depuis 2013, le Mange-Disque est de retour ?

FLF — Oui, car c’est une activité qui me manque vraiment, en fait. C’est pour ça que je suis en train de relancer tout le monde pour qu’on refasse un numéro, après 3 années de sommeil …
La faute au boulot, à la vie de famille (on est tous papas), à l’enthousiasme qui faiblit aussi, évidemment… Mais merde, je me dis que c’est trop con de s’être laissés endormir, et qu’il suffit de s’y remettre pour retrouver l’énergie du début. Les groupes de rock se reforment, Les Objets sont réédités (!!!), y’a pas de raison pour que les rédacteurs de fanzine se ramolissent. The show must go on !!! Yeaaaaaaaah !!!

Pour information, pour le prochain numéro “Le Retour du Mange-Disque”, on cherche des nouvelles “plumes”, alors à bon entendeur… !


Fred Le Falher
Septembre 2016
Iconographie © Le Mange-Disque / Fred Le Falher


Plus d’informations sur Le Mange-Disque
www.facebook.com/lemangedisque
www.facebook.com/fred.lefalher

Pierre Lemarchand

My essentials for Stereographics © Pierre Lemarchand

LES ESSENTIELS DE PIERRE LEMARCHAND

Mon Enregistreur Zoom H2
Il a bientôt dix ans, il y a certainement bien mieux, mais j’y suis attaché ! C’est avec ce micro que j’enregistre toutes les voix de mon émission de radio, Eldorado, que je réalise ensuite seul à la maison. Je « fais » de la radio depuis douze années à présent, et depuis deux saisons c’est Eldorado qui incarne cette passion. Conçue dans la solitude, donc, elle parvient à trouver le chemin des auditeurs, qui me font parfois le plaisir de me faire signe. C’est étrange la radio, car elle nous situe à la confluence de l’unique et du multiple, de la solitude et de la multitude. Les auditeurs me confient avoir un rapport intime et rituel à cette émission, et cela me touche infiniment. Au travail, en contemplant la mer, en sirotant un café dans un bar, dans un hamac, en voiture, en train, en randonnée, au fond de son lit, sous les frondaisons, à la nuit tombée ou au petit matin : Eldorado a su se nicher dans les plis des vies de tas de gens. C’est un cadeau immense.

Ma Radio Tivoli
Je « fais » de la radio, donc, mais j’en écoute aussi énormément, et depuis toujours, me semble-t-il ! Il y eut les soirées en compagnie de Bernard Lenoir sur France Inter bien sûr (j’avais 16 ans quand j’ai découvert « C’est Lenoir »), qui ont cimenté mes attachements pour la radio et la musique. Aujourd’hui, « L’humeur vagabonde », « Les pieds sur terre », « Label Pop » ( pour n’en citer que trois) savent me consoler de tout.

To my son de Walt Dickerson Trio
Le jazz a été très important dans ma vie. Si j’ai aujourd’hui avec lui des rapports moins obsessionnels, cet amour demeure. J’ai choisi ce disque, j’aurais pu en choisir tant d’autres… (John Coltrane, Don Cherry, Charlie Haden, Charles Mingus, Thelonious Monk…). J’aime intensément cette musique et pendant 10 années, j’ai nourri cette passion dans ma première émission de radio, Jazz A Part, qui a enfanté un festival du même nom dans ma ville, Rouen. Pendant 10 ans, chaque vendredi soir à 20h00, je me suis rendu dans le petit studio de la radio HDR, sise dans un quartier populaire de Rouen, sur les hauteurs de la ville, et ai passé ces disques qui me bouleversent tant. Je me souviens d’une nuit magique, où j’étais absolument seul dans la radio, et regardais les flocons de neige tomber au rythme du « My Funny Valentine » de Miles. Pendant 10 ans, j’ai entamé chaque émission avec le même générique, les 40 première secondes du morceau « You can » du disque To my son du vibraphoniste Walt Dickerson. Dès la première note de ce morceau, une douce nostalgie m’étreint…

De beaux lendemains de Russel Banks
Depuis longtemps, je lis les auteurs américains. Ca a commencé avec Steinbeck (ma première grande émotion littéraire, ce doit être Le poney rouge), Caldwell, Hemingway. Puis vite, Faulkner, Paul Auster, John Fante et Jim Harrison. Tant d’autres ont suivi ! Je ne lis pas que de la littérature américaine, mais c’est incontestablement celle qui me touche le plus. On y parle si bien de la grandeur des vies modestes. Et puis il y eut la lecture de De beaux lendemains de Russel Banks, qui demeure aujourd’hui mon plus grand choc littéraire. J’avais vingt ans et des poussières. Ca m’a marqué à jamais.

Paris, Texas de Wim Wenders
C’est certainement un des films que je préfère… Je l’ai revu tant de fois, toujours avec le même plaisir, le même émerveillement, le même trouble. Il y a les grands espaces, leur photogénie, et le mystère intime des personnages. Il y a la musique de Ry Cooder bien-sûr, et puis la mélancolie qui se dégage du film… Je me souviens que la première fois que j’ai vu ce film, ce n’était pas au cinéma mais chez moi, sur le téléviseur familial. Je devais avoir 14 ans, 15 à tout casser. Le samedi midi, mon père venait parfois me chercher en voiture à la sortie du lycée (je prenais sinon toujours le car) et alors nous passions par le magasin de location de cassettes vidéos. Ainsi, nous avons un jour jeté notre dévolu sur ce film au titre étrange, et à la jaquette ornée d’un homme à casquette rouge marchant seul sur une voix ferrée…

Un de mes carnets et un de mes stylos / Une photographie de Karen Dalton
C’est la musique qui m’a mené à l’écriture. J’ai tout d’abord écrit pour le webzine « Le son du grisli », et j’écris aujourd’hui pour le magazine DIY « Equilibre Fragile » que mon ami Thierry Jourdain a créé. Ecrire, c’est donc pour moi, en premier lieu, rendre hommage, essayer de retranscrire des émotions, et susciter l’envie. En mars 2016 a paru mon premier livre, consacré à la chanteuse folk, disparue, Karen Dalton… Je ne pourrais jamais assez la remercier : c’est elle qui m’a conduit sur ce chemin périlleux et solitaire qu’est l’écriture d’un livre, c’est sa musique qui m’en a donné la force. Ce petit cadre, enfermant une photographie de Karen prise par Elliott Landy (le photographe du festival de Woodstock), cette même photographie qui orne la pochette de mon livre, Karen Dalton, le souvenir des montagnes, incarne la reconnaissance que je porte à cette immense artiste, ainsi que le lien – forcément – très fort qui m’unit à elle.

Ma statuette de Shiva
Pendant plus de dix années, j’ai travaillé dans une association humanitaire, qui lie actions de solidarité en France comme à l’étranger, le Secours populaire. Ce furent des années intenses, d’une richesse inouïe. Il y eut des moments durs bien sûr, mais c’était un privilège pour moi que de me dire que je pouvais, à mon niveau, « agir » sur le cours des choses. Je me sentais connecté, assez intimement, au pouls de notre monde… Pour éviter l’usure, pour libérer du temps aussi (pour être père!), j’ai changé de voie… Mais ces années là comptent encore aujourd’hui beaucoup pour moi, et ont fondé la personne que je suis aujourd’hui. Cette petite figurine de Shiva me fut offerte en 2006 lorsque j’étais en Inde, afin de finaliser un projet de développement (la création d’une coopérative laitière dans le Chenaï), par les femmes du village. Elle me rappelle non pas ce que j’ai donné, mais ce que je dois à tous ces hommes et ces femmes que j’ai rencontrés, ici ou là-bas, et qui malgré les difficultés surent se battre dans la dignité. J’essaie de m’en souvenir, et d’être à leur hauteur.

Un foulard
J’adore les foulards. Je ne sais pas pourquoi, mais j’en ai toujours mis, en toutes occasions, en toutes saisons. Ca me protège peut-être un peu, ça me rassure certainement… Aujourd’hui, ça fait partie de moi.

Harvest de Neil Young
Ce n’est pas mon disque préféré de Neil Young, mais c’est le premier que j’ai connu. Neil Young, c’est une longue histoire : le premier disque qui m’a véritablement obsédé, et m’a fait comprendre que la musique rock, folk, etc. était quelque chose d’infiniment sérieux, qui pouvait changer le cours d’une vie, c’est assurément Harvest. Je l’achète en cassette dans un supermarché. Des années plus tard, , en 1992, quand j’obtiens le bac, je vais voir Neil Young au Zénith. En 2014, j’y suis retourné (à Bercy), et dois dire que j’ai pleuré, de voir Young et ses vieux amis de Crazy Horse chanter les mêmes chansons, avec la même énergie, serrés comme des oiseaux au cœur de l’hiver, regroupés au centre d’une immense scène, gesticulant leur immémoriale danse, étirant leurs chansons comme pour s’abstraire des lois du temps… Neil Young me touche toujours autant. Il s’agit encore là de nostalgie peut être, mais avant tout de fidélité. Être fidèle à celui que j’étais à 16-17 ans, cela m’obsède : je ne veux en aucun cas faire taire cette voix là, je ne veux en aucun cas me surprendre un matin résolu, vaincu, marchant main dans la main avec le monde comme il va. Et l’art permet cela je crois : cultiver la fracture, vivre en dissidence. Tenter d’être soi.

Pierre Lemarchand
Juillet 2016


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Stéphane Constant

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LES ESSENTIELS DE STÉPHANE CONSTANT

L’essentiel est invisible pour les yeux ? Parfois si ! J’aimerai me souvenir de ma première lecture de 1984 de Georges Orwell, des épisodes de la 4e dimension rediffusés dans l’émission Temps X (justement en 1984 quand j’avais 11 ans), des Jules Verne ou L’histoire sans fin que je lisais fiévreusement au fond de mon lit. Ce sont toutes les petites choses qui m’ont ébloui, m’ont construit maintenant que je suis debout bien droit, juste un peu plus vieux, c’est tout. Je ne sais pas si vous êtes comme moi : à force d’empiler, il y a dans ma maison, un bazar de choses que je ne regarde même plus, car je sais qu’elle sont là bien rangées, précieuses.

Peter Gabriel avait dit dans une interview des Inrockuptibles (je n’ai pas retrouvé l’exemplaire) : “j’achète des livres que je ne lirai jamais, des disques que je n’écouterai probablement jamais… des films que je ne verrai pas… et dans tout ça je cherche ma voie.” Alors ici, je ne parlerais que des choses dont j’ai tourné cent fois les pages, que j’ai vues et revues ou écoutés mille fois, promis !

Ça ne va pas vous étonner, j’ai une affection particulière pour le papier, l’encre, les carnets, les stylos-plume (le mien est un Kaweco que j’adore), les histoires, alors forcement les livres je les aime, jusqu’à dénicher l’édition originale de mes préférés. Par exemple, mon exemplaire de 1984 chez NRF Gallimard date de 1950, il s’agit de la première édition française. Je ne sais pas si ce livre m’a donné un goût immodéré pour la SF, mais il en est la première pierre. Il est devenu une obsession, dès les premières lignes, il est impossible de s’arrêter : “Le hall sentait le chou cuit et le vieux tapis…”, ça y est vous êtes aspiré par le chef-d’œuvre absolu d’Orwell. Ce roman est une clé qui vous ouvre une compréhension sur la manipulation, le totalitarisme bien sûr… mais surtout, dans ce monde sale, décrépi, Winston Smith (le personnage principal) tente de conserver les objets, les livres, trésors d’un glorieux passé. Les clés des films Fahrenheit 451, Brazil, Bladerunner, etc.

Adolescent, mes parents me reprochaient le temps que je passais à jouer aux jeux vidéo sur Atari, mon penchant bizarre pour le mysticisme (ils croyaient même que je faisais parti d’une secte !) l’égyptologie et plein de trucs bien barrés que je lisais (du Schwaller de Lubicz pour les connaisseurs). Je dessinais même des signes “cabalistiques” (peut-être précurseurs de mon goût pour le graphisme). Forcément Dune de Franck Herbert fut une révélation, il y a avait tout ça la dedans ! La découverte de cette fresque monumentale fut tellement puissante, que je n’ai jamais osé la relire depuis. Je conserve précieusement mes éditions originales avec les célèbres couvertures argentées de la collection “Ailleurs et demain”.

Ça n’a pas été facile de choisir quelques livres, mais dans mon petit panthéon, je placerai L’exil et le royaume d’Albert Camus, ici dans sa version reliée rouge et numérotée 12043 de 1957. Un recueil de nouvelles fascinantes et surréalistes comme La pierre qui pousse ou cette histoire d’un artiste à la recherche de la perfection. Il finira, à bout de force, par peindre une toile blanche ! “[..] au centre de laquelle, Jonas avait seulement écrit, en très petits caractères, un mot qu’on pouvait à déchiffrer, mais dont on ne savait s’il fallait y lire solitaire ou solidaire.” Ce livre est un soleil.

Celui-ci est plutôt une plongée dans le dégoût, je veux parler de Extension du domaine de la lutte de Michel Houellebecq. Dans cette première édition, j’y ai même conservé la lettre datée de 1996 que l’écrivain m’avait gentiment adressé (bon c’était avant qu’il soit connu). J’étais un jeune poète à l’époque et étudiant en informatique, je m’ennuyais ferme, alors autant vous dire que ce livre était fait pour moi ! A propos de poésie, j’en ai beaucoup écrit, sur la photo (à gauche dans sa pochette de kraft blanc) il y a le recueil que j’ai terminé en 1995 : L’ange de plomb, arrivé en 2e comité de lecture chez Seuil, mais jamais publié.

René Char, c’était indispensable qu’il figure ici, mon maître absolu ! Il est indissociable des artistes Braque, Matisse, Nicolas de Staël, etc. Poète de l’intimité, de la terre, de la résistance, il n’a cessé toute sa vie de créer des livres d’artiste où la peinture, la gravure et le texte se répondent.

Paul Auster – avec sa trilogie Cité de verre – est mon auteur préféré , son sens de la narration, de l’errance, du surréalisme et de la poésie est unique. C’est aussi avec la complicité de Art Spiegelmann, une entrée dans le roman graphique noir et blanc avec cette adaptation du livre. Les illustrations de David Mazzuchelli y sont géniales, riches en trouvailles scénographiques, en métaphores visuelles. Bref j’aime que les romans soient bizarres, étranges, décalés. Dans ce registre non-conventionnel, je placerai au sommet La Maison des feuilles, le roman que Mark Z. Danielewski a mis 4 ans à écrire : l’histoire d’une maison plus grande à l’intérieur qu’à l’extérieur !

Bladerunner de Ridley Scott est le film que j’ai vu le plus de fois dans ma vie, parce qu’il réunit à la fois la science-fiction, la poésie, une esthétique fascinante et sombre. L’intrigue linéaire presque conçue comme un jeu-vidéo donne l’impression que chaque plan est un tableau, une création visuelle d’une rare perfection malgré son âge. Mieux que Star Wars ! On voit sur la photo, le coffret définitif sous le contrôle du maître : 7 années de méticuleuse restauration ! On y retrouve les 4 versions du film. Ah, le mystère des petites licornes en papier !

Coté filmographie, j’ai trois réalisateurs qui me viennent aussitôt en tête : Krzysztof Kieslowski d’abord avec la trilogie Trois couleurs : bleu-blanc-rouge et aussi la Double vie de Véronique, Le Décalogue. La force émotionnelle de ses films, leur esthétique, est servie par la musique bouleversante de Zbigniew Preisner. Après il y a David Lynch dont un film en particulier : Lost Highway. Complètement déjanté avec une maîtrise totale, le film est comme une poupée russe qui s’emboîte sur elle-même, ou une bande son qu’on rembobine, un chef-d’œuvre ! Le dernier réalisateur auquel je vous une véritable adoration, c’est Wong Kar-Wai et surtout Les anges déchus, c’est violent et drôle à la fois. Ici encore, l’esthétisme photographique, les mouvements de caméra, transforment le cinéma en œuvre visuelle intense.

The New Real Book est un gros recueil de standards de jazz très pratique avec sa notation de ligne mélodique et des accords. Une bible pour tous les pianiste jazz (j’ai commencé à 9 ans) dans lequel il y a plein de morceaux que j’adore jouer et improviser : Monk’s mood de Thelenious Monk, Re: Person I knew de Bill Evans, etc. C’est bien plus tard que je me suis mis à la guitare puis aux percussions.

Le premier choc musical ? C’est Pink Floyd, pourtant à 14 ans, je n’aimais pas le son de Dark side of the moon, je préférais écouter Momentary lapse of reason, mon premier CD (en 1987) avec ce son incroyable à l’époque (DDD!). Maintenant c’est le contraire ! Sur la photo, je vous présente un coffret pirate tout noir enregistré au Playhouse Theatre de Londres en 1970 Libest spacement monitor avec des titres comme Embryo, Green is the color, etc. Petite particularité de ce coffret, il y a un énorme cochon en carton qui se déplie quand on l’ouvre ! Depuis j’ai conservé un penchant pour la musique psychédélique : Grateful Dead, Jefferson Airplane, etc.

Gainsbourg, j’en ai beaucoup parlé récemment, l’Histoire de Melody Nelson et un disque que je peux écouter cent fois sans jamais me lasser : la ligne de basse, les envolées de cordes sont splendides, un coup de maître ! Ici j’ai oublié de mettre un disque des Doors ou de Patti Smith, mais je me rattrape avec Harvest de Neil Young dans une version vinyle française de 1972, les chansons y sont incroyables, poignantes. Il était une fois en Amérique, un homme, une voix, une guitare et un harmonica,
Si vous avez remarqué le petit vinyle, pochette blanche (en haut à droite sur la photo), il s’agit d’un 45 tours dédicacé de Drugstore, le groupe anglais créé par Isabel Monteiro. Je possède toute leur discographie depuis Gravity : inutile de vous dire que j’adore leur musique.
Vous avez vu la banane d’Andy Warhol ? Bien oui elle est là sur le coffret avec son sticker repositionnable. Dedans on trouve tous les albums du Velvet Underground et des maquettes pas toujours écoutables. J’avais même un portrait de Nico dans ma chambre d’étudiant, une femme fatale !

Man Ray, artiste de la lumière, a tout inventé ou presque ! Le coffret This is Man Ray est particulièrement émouvant, car en plus de contenir un petit livre reproduisant le texte de ses conférences en 1956 et 1966, il renferme un documentaire avec Juliet Man Ray sur l’atelier du photographe, un lieu encore hanté par la présence du maître et laissé intact avant sa destruction en 2008. “La porte du 2 bis rue Férou s’ouvrait sur un petit couloir ; au fond il y avait une seconde porte sur laquelle un écriteau punaisé avertissait : danger haute tension.”
Je n’ai pas pu me résoudre à me séparer de mon labo photo complet et installé à l’étage de ma maison, avec son agrandisseur Foca Autoplex (un chef d’œuvre de mécanique des années 50) un peu laissé à l’abandon. De mes années de pratique photographique et argentique, il me reste des photos de concert et la collection intégrale Time Life La Photographie en 20 volumes. Il y a aussi mon bon vieil appareil photo Nikon FA de 1973 (l’année de ma naissance !).

Après l’écriture de mon article L’histoire secrète de la sérigraphie, j’ai acheté un exemplaire de L’écran de soie écrit par Igor Pruzan : le premier manuel consacré à la sérigraphie en français. Il date de 1952 et contient des tirages en 2 couleurs, un véritable morceau d’histoire !

J’ai une fascination particulière pour le graphisme californien (surtout Saul Bass). L’exposition Earthsquakes & Aftershocks (École des beaux-arts de Rennes en 2005) réunissait des affiches créées et imprimées par les étudiants du département de design graphique de CalArts (California Institute of Arts). J’ai gardé le très beau catalogue de 160 pages et aussi le livre de Michel Bouvet East Coast West Coast. Je ne dirais pas que cette exposition a changé ma vie (quoique…), elle m’a juste mis dans la bonne direction en me donnant pour la première fois envie de m’intéresser à la sérigraphie. 10 ans plus tard, je possède avec Dezzig mon propre atelier pour imprimer des affiches en édition limitée.

Il y aussi ma paire de running Mizzuno taille 44 pour aller prendre l’air et la petite chatte qui s’appelle Moon
Ça y est, j’ai dit l’essentiel !


Stéphane Constant
Juillet 2016

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Chan Masson

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LES ESSENTIELS DE CHAN MASSON

Mes essentiels gravitent autour de la musique et des livres, du thé et de la mer, selon une orbite bordélique et fusionnelle.

Je lis à haute dose depuis que je sais lire, toujours deux livres en même temps, l’un de jour posé sur le canapé, l’autre de nuit posé à côté du lit – j’aime lire allongée. Je ne pars jamais sans bouquins dans mon sac. Je ne m’endors jamais, quelle que soit l’heure, sans avoir lu au moins quelques pages.

Je suis tombée dans la musique depuis les 80s en Grande Bretagne et les années n’ont pas émoussé mon plaisir. Je ne suis pas nostalgique d’une époque, j’écoute bien sûr toujours mes vieux disques mais je découvre aussi beaucoup de jeunes groupes qui me surprennent, me font décoller et me donnent envie de continuer. Je ne suis pas collectionneuse, je prête volontiers disques et livres, je n’ai pas une vocation de gardienne de musée.

L’asso dont je fais partie, Sabotage, organise des concerts à Dijon. J’héberge les groupes, occasion de belles rencontres qui perdurent, d’échanges passionnés et de soirées prolongées. La musique est un lien intergénérationnel et ignore superbement les frontières.

Qui dit musique dit badges. Je fais des badges depuis quelques années, ce mini support qu’on perd, qu’on retrouve dans une poche, qu’on offre. Les groupes qui passent à la maison dessinent leurs propres modèles et veulent absolument tester la machine. “Oh my god, it works!”. J’aime l’idée que mes badges se baladent à Londres, New York, Wellington ou sur l’île d’Eigg.

La mer est indispensable à mon équilibre. Quand je dis la mer, c’est principalement en Bretagne et au Pays de Galles, je n’ai pas d’affinités avec les palmiers et les cieux trop bleus. J’habite si loin dans les terres, les retrouvailles maritimes sont d’autant plus attendues et jouissives.

Et je ne pourrais vivre sans thé because tea is a warm caress.

Voilà mes essentiels, dans le désordre qui est aussi un essentiel.
Livres, musique, badges, Bretagne, Pays de Galles, tout est arrimé autour des amitiés qui se nouent au fil des années.

« On a thousand islands in the sea
I see a thousand people just like me »


Chan Masson
Juillet 2016

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Jérôme Sevrette

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LES ESSENTIELS DE JÉRÔME SEVRETTE

Un boitier numérique et son objectif
Un canon 85 mm, 1.2 monté sur un 5D Mark III pour être exacte, mes fidèles alliés auxquels pourtant, je mène la vie dure (chutes diverses, ramassage en vrac dans le sac photo…) mais ils tiennent le choc et c’est avec ce type de matériel que je réalise tous mes portraits, indispensable donc.

Un vieux Polaroid
Pour celui-là, je n’y suis pour rien, ce vieux Pola était déjà mal en point quand je l’ai trouvé dans une brocante. Malgré son état, il m’a permis de réaliser quelques belles séries et les 2 volumes de « Terres Neuves ». Mais au-delà de ça, le Polaroid reste un type, un style de photographie auquel je suis très attaché.

Des livres de photographies & artworks
Anton Corbijn, Magdi Senadji, Vaughan Oliver, pour ne citer qu’eux.
C’est par la lecture de ce type d’ouvrage et celle des magazines musicaux des années 80/90 que je suis arrivé à la photographie. L’imprégnation et l’influence des travaux d’autres grand photographes & artistes était pour moi autodidacte, la seule façon d’apprendre et de développer une vision propre et un style plus personnel.

Une station de travail
Mon bureau, mon laboratoire, ma machine de torture…
Bien évidemment indispensable lorsqu’on travaille en photographie numérique.
Entre le traitement d’image, la paperasse administrative, la facturation, la gestion des mails et des commandes, la veille des réseaux sociaux, je passe énormément de temps à ce poste de travail, surtout la nuit.

Une discothèque
Impossible pour moi de travailler sans musique, même si j’écoute de plus en plus de musique au format numérique, j’aime bien ressortir mes vieux disques de temps en temps.
Je ne vais pas faire la liste ici des groupes ou artistes que j’écoute le plus, il y en aurait trop mais Il y a toujours un style de musique, une ambiance sonore adaptée à mes travaux du moment.

Un smartphone
Le couteau suisse de l’homme moderne… parait-il.
Peut-être, le fait est que je suis très attaché à ce petit appareil.
Même si à la base, ça reste un téléphone, j’ai plaisir à l’utiliser comme une station de travail miniature et portative. Je l’utilise aussi de plus en plus souvent comme un appareil photo d’appoint pour quelques créations que je présente exclusivement sur ma page Instagram. La photo au smartphone est aussi devenue pour moi un style de photographie, un type de création à part entière au même titre que le polaroid par exemple. La série photo « Roma Amor » a d’ailleurs fait l’objet d’une publication aux Editions de Juillet dans la collection Villes Mobiles (collection de livres sur la base de photos réalisées au smartphone)

Un exemplaire de « Terres Neuves »
Que je le veuille ou non, mon nom sera encore pour un bout de temps associé à « Terres Neuves ».
J’aurai passé plus de 6 ans de ma vie à travailler sur cette série composée d’une quarantaine de polaroids et qui aura fait l’objet de 2 publications aux Editions de Juillet, « Terres Neuves » en 2013 et « Terres Neuves [Re] Visions » qui paraitra en septembre prochain.
Mais le cœur, le moteur de ce projet reste les échanges et les rencontres avec les musiciens, groupes, auteurs qui auront apporté leurs contributions musicales & littéraires sur ces 2 volumes, il n’y aurait jamais eu de « Terres Neuves » sans eux.

Une clé de voiture
Je me rappelle que sur le statut de ma première page Myspace (là je parle pour les vieux comme moi qui ont connu cette époque) j’avais juste mis en occupation : « conduire ma voiture… »
Le besoin d’évasion, d’autonomie et de liberté est une chose essentielle dans mon processus créatif.
Est-ce que finalement, je vois ma voiture comme un outil de création ? Allez savoir…
Dans tous les cas, il me serait impossible d’être réactif et de me rendre sur mes shootings en transport en commun, de même pour tous les endroits désertiques, abandonnés que j’ai plaisir à visiter et à photographier, difficile d’y aller en bus où en co-voiturage.
Le « pas de bras = pas de chocolat » ramené à mon cas serait plutôt : « pas de voiture = pas de photos ».


Jérôme Sevrette
Juillet 2016

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Timothy Hunt

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LES ESSENTIELS DE TIMOTHY HUNT

« Other than food and water, I think a sketchbook, a pencil are my true essentials »
by Timothy Hunt, illustrator.


Timothy Hunt
Juillet 2016

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Michel Valente

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LES ESSENTIELS DE MICHEL VALENTE

Je n’ai pas réfléchi longtemps pour choisir mes essentiels. Par contre, je me suis longtemps questionné pour savoir comment j’allais les représenter ces essentiels. Après des semaines de tâtonnements, d’expérimentations, d’échecs, j’ai finalement choisi cette image que je m’imagine être un négatif de mes essentiels. Un négatif de moi-même.

Dr MARTENS : Je ne m’imagine pas vivre sans une paire de Dr Martens. Les chaussures parfaites. Celles-ci, ce sont les premières que j’ai juré à ma mère de garder toute ma vie.

Feuille BLANCHE / Feutre NOIR : Brel disait que sans travail, un don n’est rien qu’une sale manie. Je ne sais pas si j’ai un don mais oui, j’ai une sale manie : celle de dessiner partout sauf chez moi. En cours, en réunion, au bureau. Partout où je ne devrais pas. Le bruit du feutre sur la feuille a sur moi, le même effet que le diamant se posant sur le vinyle. Il m’apaise.

Fernando PESSOA / Le livre de l’intranquillité : Daniel Darc disait que plus fort que ce livre, il n’y avait pas. Je l’ai lu, c’est certain, où je ne sais pas, impossible de retrouver l’interview. Peut-être l’a-t-il dit pour d’autres livres, peu importe. Quand je dessine au bureau, je pense souvent à Pessoa et plus particulièrement à son hétéronyme, Bernardo Soares, le personnage du Livre de l’intranquillité. J’aimerai que mes dessins aient la même force que ses écrits même si je sais que c’est un vœu pieux.

AMALIA Rodrigues / Canta Portugal : Pour ne pas oublier d’où je viens. Pour ne pas oublier d’où vient ce disque. Pour cette pochette mélancolique qui résume à elle seule, la saudade. Parce que cette saudade vieille de plusieurs siècles et qui coule dans mes veines m’a, j’en suis convaincu, conduit vers cette pop mélancolique que j’aime tant.

MOTOWN Complete Singles / 1966 : Non pas pour ce que représente 1966 dans l’histoire de la pop mais plutôt parce que ce coffret contient mes deux chansons préférées de la Motown : Heaven must have sent you et Beauty is only skin deep. Ce ne sont pas les plus grandes chansons de ce label incroyable. Ni les plus belles d’ailleurs. Seulement mes plus belles à moi.

Un JEAN : J’ai une quantité, comment dire, non négligeable de jeans. Je me suis mis à les acheter comme les disques : avec obsession.

Une paire de TONGUE : Je souffre tellement des pieds qu’il m’est impossible d’imaginer une vie sans tongue. Plus qu’essentiel, indispensable.

Bret Easton Ellis / LUNAR PARK : Le livre que j’aurai aimé écrire.

Yves Adrien / Novövision : Un livre qui est plus qu’un livre. C’est une œuvre d’art. Rien de moins.

Un Tire-BOUCHON : Pour le plaisir d’ouvrir une bouteille de vin.

Une boîte avec les dents de laits de mes ENFANTS : Je sais que plus tard, quand ils seront partis, je regarderai cette boite pour me souvenir de leurs rires d’enfants.

BIRDIE / Some Dusty : C’est le disque vers lequel je reviens le plus souvent. Il est, pour moi, mon disque parfait. Il est la synthèse de mes obsessions musicales. L’élégance et la douceur de cette voix féminine, la mélancolie des refrains, la douceur des instruments. Ce disque est un rêve. Ou plutôt, allez soyons égoïste, mon rêve musical qui serait devenu réalité.

FELT / Let The Snake Crinkles Their Head To Death : Dans la liste de mes projets que je ne réaliserai jamais, il y a ce film sur l’enfance. Je n’ai pas l’histoire précise je n’ai en tête que la scène d’ouverture : Le printemps. L’après-midi. Un enfant sur un vélo, zigzaguant. Musique de fond, Song for William S. Harvey.

Elvis PRESLEY / The Complete 50’s Masters : Louis Skorecki a écrit que le rock était né en 1954 et mort en 1958. Je ne voyais pas où il voulait en venir jusqu’au jour où j’ai découvert les Sun Sessions d’Elvis Presley. J’ai alors compris où il voulait en venir. Je ne peux que lui donner raison.

IPHONE : Comment je faisais avant ?

IPOD : Xavier de Maistre a écrit Voyage autour de ma chambre, je rêverai d’écrire Voyage avec mon Ipod.

Un appareil PHOTO : Pour enfin, franchir le pas et oser l’argentique.

The SOPRANOS : Ma madeleine de Proust.

Jean-Jacques SCHUHL / Intégrale : Il est à la littérature ce que The Velvet Underground est à la musique. Un monument. Peu de personnes ont lu Rose Poussière mais tous ceux qui l’ont lu se sont lancés dans la littérature.

The VELVET Underground / Peel Slowly and see : Ils sont à la musique ce que Jean-Jacques Schuhl est à la littérature. Un monument. Peu de personnes ont acheté The Velvet Underground & Nico mais tous ceux qui, à l’époque, l’ont écouté ont monté un groupe.

Une CRAVATE : Je ne conçois plus de me rendre sur mon lieu de travail sans porter une cravate.

The BEATLES / Intégrale MONO : Qui n’a pas écouté Rubber Soul en Mono n’a jamais écouté Rubber Soul.

Un badge MONO : Parce que Phil Spector.

Marvin GAYE / Let’s Get It On : Marvin Gaye au somment de son art. Amoureux. En souffrance.

Un tourne-DISQUE : Tourne, tourne et tourne encore.

Louis SKORECKI / D’où viens-tu Dylan ? : J’aime le Louis Skorecki qui parle cinéma mais je préfère le Louis Skorecki qui parle musique et ce petit livre sur Bob Dylan, recueil d’articles sur le bonhomme, est non seulement fascinant mais il est, outre un autre regard sur Dylan, une porte d’entrée vers d’autres musiques.

Jean-Pierre GEORGE / Le Diable et la Licorne : Un livre d’une élégance rare. Un livre culte.

Sharleen SPITERI / Melody : Le plus beau des disques-hommages. Et puis, il y a cette pochette, magnifique, qui résume à elle seule toute la musique que j’aime.

The RONETTES / Presents Veronica : Pour, entre autres mais surtout, le cataclysmique Be My Baby, sommet inatteignable de la pop.

Otto PREMINGER / Le Cardinal : Dans cette fresque humaine, il y a les deux plus beaux, les deux plus admirables, les deux plus douloureux portraits de femmes que j’ai vu au cinéma. Romy Schneider n’a jamais été aussi belle et émouvante. Jamais.


Michel Valente
Mai 2016

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Marianne Dissard

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LES ESSENTIELS DE MARIANNE DISSARD

Sorry but I do get noticed. I am energy. My hair matters, what I look like. I am queen.
What I put in my body and who you are to me. What do you think of me? Not everyone can get close. I am damaged easily. Not everyone can stand with me. Break my heart but I don’t have a room. I have many, adding to one.
Here now, gone already. Anger and too much of a few good things. But I am stubborn, oh dear, and ambition for the finer things and unlofty ideals. I am boss, I run your world if you let me, and mine stealthily, with so much joy, a kid. Let’s do it!

I can do anything. Are you ready too? Hear me out, I joined the circus! Together, we can be any grand young and old story! Let’s play! I love you, love me and we’ll be fine.


Marianne Dissard
Mai 2016

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