David Jacob (aka Le Monocle)

My essentials for Stereographics © David Jacob (aka Le Monocle)
Sur l’échelle de Jacob, je le place tout en haut. Et sur celle de Richter, je lui octroie quelques degrés de davidude tant les petits séismes qu’il nous offre au quotidien, sous forme d’images surprenantes ou de textes décalés, ne souffrent  pas d’autres répliques qu’eux-mêmes.
David Jacob, c’est d’abord une silhouette : celle du héron qu’il n’est pas plus que la pipe de Magritte quand elle démentait en être une.
C’est un alias aussi qui ne dort que d’un œil pour mieux glaner le lendemain sur un bord de trottoir ou sur un coin de ciel, une ombre, un gant ou le visage d’un vieil homme qui s’assoupit, comme “Léopold s’égare… s’endort”. Qui n’a pas regardé le monde à travers le Monocle de Dave n’a pas vu Naples et ne peut pas mourir.
Enfin, David Jacob, c’est ce D.J. qui réussit par maints petits prodiges de poésie, de fantaisie à nous extraire jour après jour de notre ouate d’ennui. — Étienne Orsini

LES ESSENTIELS DE DAVID JACOB (aka Le Monocle)

“Je me charge, j’étage, j’entasse méthodiquement, je jette un peu quand le classement vertical de mon tout, de mon rien vient à piquer du nez. Les objets sont ma mémoire, mes mains ou d’autres mains s’en saisissent et me les offrent, je les découvre, j’en use, je picore, j’y reviens, je les recommande, je les prête, oublie que je les ai prêtés. Alors, je les donne. Malestroit de Marcel Cohen, Armen de Jean-Pierre Abraham, Deux ans de vacances, Max Jacob, ce sont les terres bretonnes de l’enfance, la fascination pour la mer, pour les voyages que d’autres font à ma place, loin ou dans leur tête, et cette maison basse de l’ami de mon père dont la porte et la table se touchaient à chaque fois qu’on entrait ou sortait par le ressac des livres qui jonchaient le sol. 
Les mots m’accrochent parce qu’ils sont d’abord des musiques enfermées qui ne demandent qu’à éclater depuis la bouche du lecteur jusqu’à son oreille toujours occupée, sans repos, mais à qui nous pouvons tout demander. Il faut arrêter de lire avec les yeux sans la voix. Tout doit être dit. Dans Armen, Abraham alors gardien de phare écrit : “il faut courir. Sans cesse monter et redescendre les échelles. Descendre. Pousser les feux. Mais l’aube surgit.”

C’est armé de ces âmes que je me suis dit qu’il fallait que je mette de la clarté dans tout cela pour moi et pour ceux qui m’entourent, pour le fil sur lequel j’entraîne d’autres personnes qui n’ont souvent rien demandé. Alors, je me suis décalé. 

La musique m’accompagne depuis lors et il n’y a pas un jour où je ne chante pas. J’ai découvert Les Smiths au fond d’une église et je ne les ai plus quittés : pour la guitare, les mélodies, les paroles et les pochettes. Logiquement, je me suis procuré l’album vinyle puis plus tard le CD de Bradford sur les conseils toujours avisés et noctambules d’un Bernard Lenoir immanquable. Attention, il s’agit du pressage français de Midnight Music, un enregistrement tout particulier avec la voix captivante de Ian Hodgson. Je me rappelle du sticker rouge sur la pochette “Les Smiths et les Housemartins sont morts, vive Bradford !”. Ce presque “viva” qu’on avait retrouvé à l’époque sur le bleuté Viva Hate et le fameux Viva Dead Ponies des Fatima Mansions. 
Au début des années 90, tout se heurtait dans mon cerveau, je déchiffrais le Melody Maker, le Sound, je dévorais les Inrocks bimestriel et me délectais à chaque fois de cette formidable phrase d’attaque du magazine d’alors : “Trop de couleurs distrait le spectateur” signée Tati. Une époque merveilleuse de distance, de noir et blanc et de silence. 
Le CD du groupe angevin A Singer Must Die et celui de Tantely et Liva me ramènent à des soleils qui me sont tombés dessus alors que je n’étais que loin derrière ma lunette de guetteur. Ils m’ont proposé chacun à leur manière de contribuer à ces deux pépites avec quelques mots écrits et ma voix parlée pendant le concert de l’un, la pochette et le livret pour l’autre. Les bords de Loire sont propices aux trésors cachés avec en passerelle de ces deux productions, l’un des recueils du regretté et ami commun Jean-Louis Bergère : Jusqu’où serions-nous allés si la terre n’avait pas été ronde. La bonne question… 

À tout cela se catapultent et s’entrechoquent les œuvres de mes amis d’enfance, les frères de mes amis : Marc Lizano et ses bandes dessinées qui m’emmènent toujours aussi loin, les textes d’Eric Tessier, l’œuvre tout entière d’Olivier Mellano qui me relie aussi aux batteurs Régis Boulard et Gaël Desbois. 

J’y ai déposé des objets intimes comme ce carnet toujours à portée de mains et ce coquillage d’une âme sœur et un de mes petits livres La saison des puits. Ils constituent ma chambre d’échos. 

L’œuvre complète de John Fante me fascine comme elle touche des milliers d’autres personnes. Rien d’étonnant donc, sauf à dire que nous avons tous des raisons différentes de nous immerger dans ce bouillon. 

Un dimanche matin, certains connaissent l’histoire, j’ai longé le Canal Saint Martin. Et j’ai commencé là mes photos et à me dire que mes mots pouvaient prendre un peu le large, j’avais désormais l’eau comme fil conducteur. Je ne pars jamais sans appareil photographique et ceux qui m’accompagnent savent qu’ils vont devoir faire des haltes incongrues et gagner en patience. 
Le chasseur de reflets Etienne Orsini commet des livres aux nombreux visages, de cette eau et de cette lumière dont d’autres comme Anne Carter font œuvre encrée en quelques courbes et traits pour croquer ceux qui passent sans le savoir ou ne veulent pas le savoir.”

Quidam doux ou en colère, il faut garder l’œil offert…
Ce n’est pas un conseil, c’est un secret qu’il nous faudra toujours partager.

David Jacob (aka Le Monocle)
Juin 2022

Plus d’informations sur David Jacob (aka Le Monocle)
Instagram/davelemonocle
Le monocle de mon oncle.
soundcloud.com/dave-le-monocle

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